LES CIRCONSTANCES PARTICULIERES DE LA RENAISSANCE D’ISRAEL

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Fragments de l’allocution prononcée à Zurich en 1974 par le professeur Pinchasa Lapide, un ancien conférencier à l’Université de Bar Illan en Israël.

Depuis le tout début de l’existence de notre nation, Dieu voulut que nous, les Juifs, soyons humbles et n’ayons pas une trop haute opinion de nous. Dieu souligna, par l’intermédiaire du prophète Moïse, que nous étions la plus petite nation et malgré cela Il nous avait choisis. Et cela n’a pas été modifié. L’Etat d’Israël est l’un des plus petits états du monde. Son territoire est plus petit que la moitié du territoire suisse et le nombre de ses habitants est inférieur au nombre d’habitants de Berlin.

Nous avons très peu de richesses minérales. Nous ne possédons ni ce charbon dont bénéficie le Bassin de la Ruhr, ni le minerai de fer que possède la Suisse, ni même ces forêts qui recouvrent les montagnes du Schwarzwald. Nous avons très peu de pétrole. C’est pourquoi nous réalisons de plus en plus de forages dans l’espoir que notre Père Céleste daignera encore nous en offrir.

Nous avons par contre d’inépuisables quantités de sable et de pierres. Quel dommage qu’il n’y ait pas un pays qui se décide à importer le sable et la pierre de notre pays ! Hélas, l’importance de cette matière ne nous rapporte pas l’argent dont nous aurions besoin pour relever notre pays de la ruine.

Oui, nous avons des pierres et du sable en abondance, par contre nous manquons grandement d’eau. Je ne connais pas d’autres langues que l’Hébreu qui possède autant de définitions de la pluie et de la rosée que nous. Il existe pas moins de onze mots pour décrire les différentes sortes de pluies et quatre mots pour décrire la rosée. Pourquoi ? C’est parce que, depuis des siècles, nous avons peu de précipitations que nous nous sommes spécialisés pour créer une description très précise sur chaque genre de pluie et de rosée. Nous devions toujours prier le Seigneur Dieu pour obtenir plus de pluie pour pouvoir cultiver notre sol dur et rebelle et avoir un morceau de pain quotidien pour notre survie.

Si j’essayais, Messieurs, de vous dénombrer toutes nos misères, cela me demanderait une demi-heure. Je vais plutôt vous parler de quelque chose de positif. Parmi tous nos besoins, il y en a un particulièrement qui ne nous soucie guère. C’est le besoin de haine.

Quand le 6 octobre 1973, pendant notre fête la plus solennelle, le “ Jour de Réconciliation ”, les armées ZRA (Arabes) ont franchi notre frontière à l’improviste, apportant la mort parmi les milliers de nos compatriotes, les professeurs de notre Université ont annoncé une enquête particulière. Des milliers de personnes civiles et militaires ont participé à cette enquête qui renfermait la question suivante : “ Monsieur, madame, avez-vous de la haine pour les Arabes ? ” Il s’est avéré que seulement 11% des personnes interrogées haïssaient vraiment les ennemis de leur patrie. 15% se sont exprimés ainsi : “ Je hais uniquement les terroristes arabes ”. 16%  des participants ont écrit : “ Je hais uniquement certains Arabes ”. La réponse des 58% restant retentissait avec surprise, carrément inimaginable si nous considérons que les Arabes avançaient pour effacer Israël de la carte du monde : “ Non, je ne ressens pas de haine envers les Arabes ”. Je pense que le Seigneur Jésus aurait été satisfait de cette réponse et y aurait ajouté : “ Ainsi soit-il, Amen !” Messieurs, vous serez d’accord avec moi que dans tout autre pays du monde attaqué par un ennemi qui tue, il est incroyable que seulement 11% de la population le haïsse !

Deux jours après, le 8 octobre, pendant les batailles les plus acharnées, une autre enquête a été menée, cette fois-ci parmi les conférenciers de notre Université. La question était : “ Monsieur, seriez-vous d’accord, pour partir une année en Syrie ou en Egypte pour travailler là-bas à l’élévation du niveau de la connaissance et de la culture ? ” Et là 91% des professeurs se sont exprimés : “ Oui je serais d’accord ”. Et pourtant ces deux pays aspiraient à notre extermination. Personnellement je suis fier, non seulement de ce que mon peuple soit sorti vainqueur de cette guerre, mais surtout qu’il n’ait pas été empoisonné par la haine.

La preuve de cette absence de haine est le fait que quinze années après l’accomplissement de ces faits, les Juifs ont ouvert les portes de leur pays et leurs cœurs aux arrivants d’Allemagne, aux pèlerins, aux diplomates et aux amoureux de la Bible. Le plus grand souhait des trois millions de Juifs rassemblés en terre d’Israël est que nous puissions vivre en paix avec nos voisins, comme le fait la Suisse depuis 160 ans. Un tel souhait est vraisemblablement une utopie, car nous savons bien ce qui se dit au Caire, à Damas, à Amman ou en Libye. Nous savons tout ce qui est écrit et qui est dit par la radio dans le monde entier. Mais, comme vous le savez Messieurs, nous les Juifs, nous sommes des optimistes inguérissables. Combien de fois nos ennemis ont essayé de nous guérir de cela mais ils n’ont pas réussi jusqu’à présent. Après tous les terribles événements, nous sommes toujours optimistes et ne perdons pas espoir.

Je ne sais pas si ces Messieurs se rendent compte de la dose d’optimisme qu’il faut avoir et de l’espérance totalement non fondée, pour construire un Etat Hébreu au milieu d’une mer hostile et malgré cela croire que l’avenir apportera la paix. Pouvez-vous, Messieurs, vous imaginer par exemple que le petit Etat du Luxembourg vive depuis 1/4 de siècle en état de guerre avec ses puissants ennemis, l’Allemagne, la France, la Belgique et malgré tout aspire toujours à la paix ? Il en est justement ainsi avec nous. Nous sommes ce petit “ Luxembourg ” envers les grands états du Moyen Orient. Si nous consultons la carte, nous constatons que la plus longue chose en Israël, pour un si petit territoire, ce sont ses frontières. Nos frontières sont longues et difficiles à défendre, tout comme celles de la Norvège ou du Chili, avec cette différence que de l’autre côté il n’y a pas une Suède ou une Argentine hostiles. Ho, que nous aimerions avoir un voisin tel que la Suède ! Mais notre Bon Père Céleste nous a donné d’autres voisins et nous devons accepter ce qu’Il nous a donné.

Je dois néanmoins rectifier ce que je viens de dire à l’instant. Ce qui est le plus long en Israël ce ne sont pas nos frontières. Il existe quelque chose de plus long encore : la forte espérance juive qui dure depuis 3000 ans. Précisément, grâce à cette espérance plurimillénaire, contrairement à la logique et au bon sens, nous commémorons cette année le 26ème anniversaire de la naissance de l’Etat Israélien.

Messieurs, comme vous vous en souvenez, le premier Etat d’Israël a été fondé par Josué et détruit par les Babyloniens. Le deuxième Etat d’Israël a été reconstruit par Esdras et Néhémie et transformé en décombres et en cendres par les Romains. Il y a 26 ans, nous avons commencé pour la troisième fois la reconstruction de notre Etat sous le contrôle de David Ben Gourion.

Si je devais résumer ce que nous avons accompli dans ce temps très court – et qui le sait mieux que nous les Juifs – quelle courte période par rapport aux 4000 ans de notre histoire pleine de tourments – hé bien dans mon résumé je ne mentionnerais pas les dites statistiques, car elles ne refléteraient pas toute la vérité. Par contre je voudrais citer ces faits qui peuvent être résumés en deux mots : Quatre miracles.

Qu’entendons-nous par le mot “ miracle ” ? Je dirais que si nous voyons, un certain jour, un fait se produire, fait que tous les savants considéraient jusque-là irréalisable, ce serait un miracle. Le miracle rend dérisoires toutes les déductions logiques des scientifiques. Définissant ainsi un miracle, j’affirme qu’en Israël nous observons le déroulement de 4 miracles.

Le premier de ces miracles est : La renaissance de la langue morte.

Au début du 20ème siècle, aucun enfant Juif ne considérait l’Hébreu comme sa propre langue. Quand les premiers sionistes ont essayé de ramener le peuple de la Bible dans son pays, ils ont compris que la Tour de Babel ne pouvait se répéter, c’est-à-dire que les Juifs revenant de 121 pays, parlant plus de 70 différentes langues devaient avoir une seule langue commune. Sans cela, il serait impossible de reconstruire le pays. Ces Sionistes sont arrivés à la conclusion que cette langue ne pouvait être que la langue de leurs aïeux : l’hébreu.

Alors tous les philosophes, tous les savants en linguistique et en littérature contemporaine confirmèrent qu’il serait impossible d’introduire une langue morte dans le monde actuel. Ces intellectuels indiquaient qu’aucune tentative entreprise jusqu’alors n’était parvenue à faire renaître une langue morte. Les patriotes Irlandais n’ont pas réussi à redonner vie à la langue celte. Les Jésuites Romains n’ont pas réussi à faire de la langue latine un usage courant. Les professeurs de Grec classique ont également essuyé un fiasco quand ils ont essayé de le remplacer par le Grec ancien. C’est pourquoi les intellectuels nous ont dit, il y a 70 ans de cela : “ Laissez en paix l’Hébreu ; Laissez-le à la Bible. Vous êtes un peuple intelligent, vous vous trouverez alors une langue quelconque, peut-être l’Espéranto, peut-être une autre encore, mais la langue Hébraïque est une langue morte et il ne vous sera pas possible de la faire renaître ”.

Je ne sais pas si nous sommes un peuple intelligent, mais je sais sûrement que nous sommes un peuple têtu. Combien de fois la Bible dit de nous que nous sommes “ un peuple au cou raide ” et la Bible connaît bien les Juifs. C’est pourquoi étant têtus, nous n’avons pas écouté tous ces professeurs et les meilleurs linguistes du monde. Le résultat est que nous avons aujourd’hui de jeunes israélites qui non seulement réfléchissent et parlent en Hébreu, mais qui écrivent également dans nos universités des ouvrages scientifiques dans les domaines de l’agronomie, l’histoire, la paléontologie et dans bien d’autres domaines contemporains.

Je vous dirai, Messieurs, que lorsque le fils de mon voisin âgé de 18 ans écrit une lettre d’amour à sa bien-aimée de Tel Aviv c’est sans gêne qu’il transcrit des phrases complètes du “ Cantique des Cantiques ”. Non pas qu’il manque de mots pour exprimer son amour. Oh non, ce gamin est très doué et intelligent. Mais le “ Cantique des Cantiques ” composé par Salomon il y a 3000 ans, précisément dans cette ville de Jérusalem où j’habite actuellement, renferme la plus profonde et la plus belle poésie d’amour exprimée avec la langue que nous parlons actuellement et c’est pourquoi elle n’est nullement démodée. C’est ce langage qui nous permet de nous comprendre aujourd’hui que Salomon utilisait avant que n’existent encore Londres, Berlin, Paris, Moscou ou Vienne, alors que les Européens mi-sauvages mangeaient de la viande crue avec leurs dix doigts. En ce temps ancien, à Jérusalem, on servait déjà un Dieu Unique à qui on adressait les prières.

Nos élèves de dix ans ou quinze ans examinent dans les musées des parchemins bibliques trouvés près de la Mer Morte et qui ont été écrits au temps de Jésus-Christ. Ainsi nos enfants peuvent lire ces parchemins avec la même aisance que ces messieurs lisent le journal du matin. Et si demain, à l’aéroport en Israël, atterrissait le prophète Jérémie, Ezéchiel ou Amos je vous assure, Messieurs, qu’ils auraient bien moins de difficultés à se comprendre que votre héros Walter von der Vogelweide bien qu’il ait vécu 7 siècles auparavant, et chacun des prophètes cités jusqu’à 3000 ans auparavant. Walter von der Vogelweide aurait besoin d’au moins trois connaisseurs de langues germaniques anciennes pour pouvoir se comprendre avec les fonctionnaires douaniers de Zurich.

Ainsi notre langue, que la science avait déjà enterrée, ressuscita et elle vit comme il y a 3000 ans et plus. Au sein de notre Parlement Israélien aujourd’hui, nous discutons des affaires politiques et économiques en utilisant les mêmes expressions que celles utilisées par les rois David et Salomon. Et pourtant nous avons aujourd’hui toutes sortes de situations spécifiques liées à l’actualité et il est difficile de s’étonner du scepticisme des scientifiques. Néanmoins notre langue morte revit, et cela justement pour moi est un miracle.

Le deuxième miracle, ce sont nos paysans.

Vous vous demandez, Messieurs : Quel genre de miracle cela peut-il constituer ? Nous aussi nous avons dans chaque canton suisse des paysans qui cultivent la pomme de terre, pressent le jus des raisins et nous approvisionnent en farine et en pain. Alors il n’y rien de particulier à cela !

C’est vrai, cependant ce qui est tout naturel chez les autres peuples a été pour nous les Juifs le plus difficile.

Quand les premiers Sionistes ont fait renaître notre langue morte, ils se rendaient compte que pour nourrir le peuple sur sa propre terre, il était nécessaire de former un nouveau regroupement de propriétaires agricoles. Un peuple peut exister sans gouvernement, sans parlement, sans universités, mais ne peut pas survivre sans sa propre terre, sans ses paysans. Et alors est survenu le problème : où trouver des paysans Juifs, puisqu’il n’y en a jamais eu dans aucun pays au monde où ils étaient implantés depuis des siècles ? Dans le monde entier nous avions des Juifs médecins, industriels, commerciaux, artisans, mais il n’y en avait pas qui s’y connaissaient vraiment en agriculture. L’accès à l’agriculture était interdit aux Juifs dans tous les pays où ils résidaient. Dans cette situation particulièrement difficile, les premiers Sionistes ont pris une décision étonnante : “ Nous allons faire venir des Juifs de l’Europe Centrale et de l’Est et nous en ferons des agriculteurs ”. Il faut souligner qu’à cette époque, c’est-à-dire vers 1890, 80% des Juifs dispersés résidaient justement en Europe Centrale et en Europe de l’Est. La décision des Sionistes se trouva aussitôt controversée par les sociologues et les anthropologues. “ Une telle affaire n’aboutira jamais ” affirmaient les scientifiques. Nous connaissons le processus d’urbanisation s’appuyant sur un exode massif de gens des villages vers les villes, mais personne n’a jamais observé dans l’histoire un processus inverse, l’exode des villes vers la campagne ”. C’est pourquoi nous ne vous conseillons pas d’engager des essais qui sont voués à l’échec.

Et cette fois encore le cou raide Juif ne s’est pas plié devant les scientifiques. Il se peut que ce ne soit pas seulement une résistance mais quelque chose que nous pourrions appeler “ intuition ” qui nous a été donnée. L’obéissance à cette intuition a eu pour résultat une augmentation d’environ 250000 paysans dont les ascendants demeuraient dans les villes et n’avaient aucune connaissance en élevage ou en agriculture. Actuellement nos fermiers villageois traient nos vaches israéliennes, pressent le jus des raisins et nous fournissent la farine et le pain comme cela se passe en Suisse et dans tout autre pays du monde. Il y a cependant une différence. Nos villageois sont pour la plupart des gens instruits, c’est pourquoi dans la journée ils travaillent la terre et le soir ils passent leur temps à lire un livre. Que lisent-ils ? Particulièrement la Bible. Ils lisent également des chef-d’œuvres de la littérature mondiale, des nouvelles littéraires et bien souvent non pas dans des traductions mais dans les langues originales. En Israël dans chaque village, même s’il compte moins de 1000 habitants, il existe une bibliothèque bien pourvue, une chorale et un orchestre et quelquefois même un musée et une galerie d’arts. Bien que les Juifs soient devenus des villageois, ils sont restés toujours des gens avides de connaissance et de beauté que Dieu a créées. Et il doit en être ainsi. Pourquoi la population des villages devrait-elle être “ obscure ” (ignorante) et ne s’intéresser à rien d’autre qu’à l’exploitation de la terre ? Il y a chez nous des fermiers qui ont été élus au Parlement. Nos meilleurs poètes sont fiers d’être des membres des kibboutz (fermes collectives). Nous avons des écrivains et des artistes parmi les villageois. Les habitants de nos villages sont des pionniers dans de nombreux domaines de la vie d’un peuple ressuscité et c’est ainsi que cela devait arriver. Et cependant, dans les temps reculés, quand la Bible est apparue, nous étions un peuple d’agriculteurs et de bergers.

Le troisième miracle est le peuple même.

En 1949, c’est-à-dire un an après avoir retrouvé l’indépendance, quand les Juifs poussés par la nostalgie ou n’ayant pas d’endroit où se réfugier, arrivaient dans leur patrie des 121 coins du monde, un groupe d’anthropologues scandinaves et américains nous a rendu visite, car, comme nous le savons, Israël est également un paradis pour les anthropologues et les archéologues. Nulle part ailleurs il n’y a autant de richesses conservées dans le sol datant des temps les plus reculés. Nulle part ailleurs, des changements sociologiques et anthropologiques ne s’accomplissaient aussi rapidement et parmi un tel mélange ethnique sur un si petit morceau de terre biblique. Ainsi ce groupe mentionné de scientifiques est resté durant 8 mois. Voyageant d’un “ moszaw ” (genre de coopérative de production) à un autre “ moszaw ”, d’un kibboutz à un autre kibboutz et de ville en ville, ils essayaient de découvrir sur quelles bases ce mélange d’immigrés du monde entier essayait de s’unir en un seul peuple.

J’ai participé au départ de ces scientifiques à Jérusalem à la fin de l’année 1949. Je me souviens de ce que leur représentant, un scientifique américain connu, a dit dans son discours d’adieu : “ Le nouvel état d’Israël a exercé sur nous une grande impression, mais il vous manque une chose – vous n’êtes pas assez nombreux. Vos citoyens sont de 90 nationalités ; il faudrait 200 ans pour que ce mélange parvienne à une population homogène (uniforme) ”. Quand ce scientifique aperçut sur nos visages l’exaspération, il ajouta en guise de réconfort : “ Messieurs, je suis un citoyen américain, mais mon nom est suédois. Mon arrière-grand-mère déjà était née en Amérique. Malgré cela, dans notre maison de l’état du Mississippi nous célébrons jusqu’à maintenant les fêtes suédoises, nous donnons des prénoms suédois à nos enfants, nous parlons en Suédois avec nos grands-parents. Bien que nous nous considérions comme des Américains, nous sommes encore liés à notre origine suédoise. Et vous, vous voudriez que d’un seul coup s’élève d’entre vous une population homogène ? Je pense que si à la fin du 21ème siècle vous pouvez vous entendre entre vous et véritablement devenir des israélites, vous pourriez en être heureux. Il ne faut pas s’attendre à ce que cela arrive plus tôt ”.

A la fin de l’année 1972, ce même groupe de scientifiques est arrivé de nouveau en Israël et a visité les mêmes “ moszaw ”, kibboutz et villes pour effectuer une vérification de leurs précédentes investigations. Après seulement deux mois d’observations, ces scientifiques en étaient venus à la conclusion, que contrairement à leurs propres pronostics, ce ramassis de gens représentant toutes les cultures, langages et civilisations possibles, issus des 5 continents et de 121 pays et n’ayant pas grand chose de commun entre eux en dehors de la Bible, après 25 ans seulement, avait réussi à se rassembler en un seul peuple du point de vue démographique et également psychologique.

Je me souviens qu’au cours d’un dîner pris en commun nous avons examiné avec ces scientifiques la raison de ce surprenant phénomène. L’un des nôtres a dit : “ Il se peut que Nasser ait contribué à cela ” ; “ C’est possible ” avoua le dirigeant de la délégation des années précédentes. Effectivement, il est bien connu que rien n’unit mieux les gens qu’un danger commun. Nasser se serait retourné dans sa tombe s’il entendait ce que je veux dire, entre autre : qui sait si, aux environs de l’an 2000, nos historiens ne prouveraient pas que nos ennemis inconciliables, qui voulaient effacer Israël de la carte du monde (par exemple le président Syrien, Monsieur Assad ou le dirigeant des terroristes, Monsieur Arafat) n’ont pas contribué dans une grande mesure à notre consolidation nationale. De la même manière, il y a 3500 ans, la mission du prophète Balaam s’est déroulée contrairement à l’intention du départ. Les princes des Philistins(*), en ce temps ennemis d’Israël, ont loué Balaam pour une énorme somme pour qu’il maudisse notre peuple. Le prophète néanmoins, bien qu’il brûlât d’envie d’obtenir cette grande somme, au lieu de nous maudire nous a bénis et cela par trois fois. Et il le faisait si bien que ses paroles sont restées jusqu’à aujourd’hui, une partie de la prière matinale de tous les Juifs. “ Qu’elles sont belles, tes tentes, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël ! ”. Quand les rois des Philistins(*) ont exigé de Balaam l’explication de son comportement il leur a répondu : “ Ne dois-je pas dire ce que l’Eternel a mis sur mes lèvres ? ”

Je pense que quelque chose de semblable se passe actuellement et je me réjouis de ce que le mal conçu par nos ennemis contribuera finalement à notre bien.

Le quatrième miracle suivant, c’est notre défense.

Je me souviens bien du printemps 1948 à Jérusalem. Je pense que les plus anciens habitants de la ville ne l’oublieront jamais, même s’ils devaient vivre jusqu’à 120 ans. Il n’était pas possible alors de trouver un appartement disponible. Il y avait partout des reporters de la presse, des équipes de télévisions et de radios, des observateurs du monde entier. La Bulgarie a envoyé une équipe de 12 personnes. La Chine 6 personnes, les représentants de l’URSS ont occupé un hôtel entier et nul ne pouvait dénombrer les Américains, les Anglais, les Suisses, les Français. Tous ces arrivants avaient en commun la même durée de réservation hôtelière ne dépassant pas trois semaines. Dans ce laps de temps ils espéraient accomplir leur mission.

Et en quoi consistait cette mission ? Voici : ils devaient précisément informer les communautés de leur pays du déroulement de la naissance de ce nouvel Etat. Mais ce n’est pas tout. La suite de leur devoir était de décrire, photographier et adresser au moyen de la télévision, la mort de ce petit Etat. Selon les prévisions des observateurs, elle aurait dû se produire au bout de deux à trois semaines après sa naissance. Les pessimistes affirmaient que l’état d’Israël né le 14 mai 1948 agoniserait ce même jour. L’opinion des optimistes était qu’avec un peu de chance Israël pouvait réussir à se maintenir jusqu’à la fin du mois. Les prévisions les plus optimistes de nos meilleurs amis ont été qu’il nous serait possible de résister tout un mois jusqu’à la mi-juin.

En rappelant ces pronostics, je n’ai nullement à l’esprit des journalistes quelconques inexpérimentés, pas du tout ! J’ai à l’esprit des experts de même envergure que le principal dirigeant de l’armée anglaise durant la 2ème Guerre Mondiale, le général lord Montgomery. Il avait sûrement une plus grande connaissance de la stratégie et de la tactique militaire que tous les généraux contemporains réunis. Lorsque, au cours d’une conférence internationale de presse à Londres qui s’est déroulée au même moment où on annonçait en Palestine l’indépendance d’Israël, ce grand dirigeant et expert des forces militaires au Proche Orient a dit : “ La fin est venue sur les Juifs ”, personne ne l’a contredit. Ses amis du milieu, les généraux des Etats de l’Ouest ou de l’Est, du Nord ou du Sud, partageaient tous cette opinion.

Pour comprendre la raison pour laquelle tous ces experts ne voyaient pas de possibilité de subsistance d’Israël, il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte du Proche Orient. Seulement 1% de la superficie de cette étendue avait été accordée à Israël. Essayez d’imaginer que ce minuscule Luxembourg, tout à coup, se trouve en état de guerre contre ses puissants voisins : la France, l’Allemagne et la Belgique. C’est justement dans cette situation que nous nous trouvions à ce moment-là et il en est de même aujourd’hui.

Je n’ai pas eu le privilège de connaître personnellement le Général de Gaulle ni le Général Eisenhower mais j’ose dire que si ces illustres dirigeants devaient commander une armée 40 fois inférieure aux forces ennemies, comme cela a été notre cas en 1948, ils auraient alors conseillé à leur gouvernement de renvoyer les soldats dans leurs foyers en attendant une situation plus favorable pour entreprendre des actions armées. Un commandant qui se décide à combattre dans la proportion de 1 contre 40 se qualifierait, à mon avis, plutôt pour l’hôpital psychiatrique que pour un terrain de bataille. Mais notre malchance était que nous n’avions même pas un endroit où nous aurions pu nous mettre à l’abri et aucune chance pour une meilleure situation à l’avenir. C’est pourquoi nous devions nous défendre bien que nous fussions si peu nombreux. Comme vous le savez, Messieurs, nous devions nous défendre non seulement à ce moment-là mais jusqu’à aujourd’hui par 3 fois et qui sait si pour une 5ème fois nous ne serons pas obligés de repousser les forces ennemies, étant donné que nous sommes une petite poignée de mortels en présence de nos puissants ennemis.

Jadis Dieu a dit à Pharaon : “ Laisse partir mon peuple ” mais Pharaon n’a pas voulu Lui obéir. C’est seulement après 10 terribles plaies qui se sont abattues sur l’Egypte, qu’il fut contraint à obéir à Dieu. Aujourd’hui, l’ordre de Dieu résonne : “ Permets à mon peuple de vivre en paix ” et il est dirigé vers les Pharaons du bord du Nil et de la Volga. Je me demande quelquefois si eux aussi ne seront pas obligés d’être touchés par 10 plaies avant de vouloir obéir ou si cela se produira à un moindre coût ?

Nous avons connu la guerre la plus terrible en 1973. Nous avons été attaqués totalement à l’improviste. Le jour où la guerre nous a été déclarée nous passions notre temps à jeûner et à prier. C’était le “ Jour de Réconciliation ” (Yom Kippour), notre jour le plus solennel de l’année, quand nous avons l’habitude de nous humilier devant le Seigneur dans la repentance et la contrition. Et c’est précisément en ce jour qu’est survenue la double attaque. L’ennemi avait plus de blindés et d’avions qu’en avait Hitler quand il attaqua l’URSS en 1941. Malgré cela, comme ces Messieurs le savent, nous sommes parvenus à un cessez-le-feu duquel même le plus grand propagandiste arabe ne peut dire que cela arriva à cause de leur victoire.

Dans la seule presqu’île du Sinaï nous avons récupéré du matériel militaire, prévu pour notre anéantissement, pour une valeur de 2 milliards de dollars. Si ces 2 milliards de dollars avaient été destinés à aider les réfugiés arabes, aujourd’hui chacun d’eux aurait pu se réjouir dans sa propre maison familiale, voire même dans sa villa avec jardin et piscine. Si ces 2 milliards de dollars avaient été utilisés, non pas à l’extermination d’Israël mais pour le bien des populations arabes, elles seraient alors libérées de leurs vrais ennemis, dont le nom n’est pas Israël mais la tuberculose et la syphilis. Ces terribles maladies, depuis 2000 ans, accomplissent en Egypte une plus grande désertification que celle que pourrait leur faire subir Israël n’importe quand, même s’il le voulait. Dommage que ces milliards n’aient pas été utilisés à soigner ces maladies ou à aider les lépreux qui sont venus en Egypte en implorant cette aide. Nous avons essayé de transformer les tanks conquis en tracteurs dans l’esprit du prophète Esaïe : “ De leurs glaives ils forgeront des hoyaux ”. Hélas, cela n’a pas réussi. Cette arme doit rester une arme jusqu’à ce que nos ennemis arrivent à la conviction qu’il vaut mieux nous laisser en paix. Oh ! si seulement ils pouvaient lire le “ Livre des Livres ” ; livre pourtant peu coûteux et facile à obtenir, ils économiseraient une masse d’argent et de sueur. Car dans ce livre il est écrit entre autres au sujet des Juifs qui jadis habitaient en Egypte, que plus on les opprimait plus ils se multipliaient et plus ils croissaient en force. Il en est sans aucun doute de même aujourd’hui.

En 1948 les spécialistes militaires et en situations au Proche Orient ont enterré d’emblée Israël. Ils prévoyaient également sa fin à chacune des guerres suivantes : en 1956, en 1967 et en 1973. Et lorsque, à chaque fois, leurs prévisions ne s’accomplissaient pas, ils commencèrent à écrire des livres sur ce sujet. Nous les avons tous minutieusement étudiés, intrigués par la réponse à cette question : pourquoi, contrairement aux prévisions des experts, ce petit Israël, à chaque fois, s’est maintenu vis-à-vis des forces prépondérantes et même les vainquait ? Ce n’est pas normal. Et pourtant nous n’avions pas conduit de guerres pendant 2000 ans.

La dernière guerre conduite par les Juifs s’est déroulée en 160 avant Jésus-Christ quand nos aïeux se sont révoltés contre la Syrie et la Grèce sous la conduite de Maccabée. Nous les Juifs, depuis 2000 ans nous n’avions aucun drapeau national, aucun emblème sous lequel nous pourrions combattre, nous n’avions pas de commandants, nous n’avions pas d’armée ni même un lopin de terre à nous que nous pourrions surveiller. Comment sommes-nous parvenus à ces victoires inattendues dans les années 1948, 1956, 1967 et 1973 ? Dans aucun de ces livres nous n’avons trouvé de réponse. Par contre dans le “ Livre des Livres ” nous avons trouvé la description d’une situation antérieure à 3000 ans, similaire à notre situation actuelle.

En ce temps-là, justement entre la petite Judée et ses ennemis, les Philistins, a eu lieu la même composition de forces qu’en l’année 1948 soit 1 pour 40, un défenseur israélien contre 40 ennemis. Avec un tel rapport de forces, la victoire est impensable. Et pourtant le roi David qui dirigeait Israël à cette époque a vaincu l’ennemi et a fait de Jérusalem sa capitale et de la langue hébraïque la langue de son pays. Mais le roi David ne s’est pas attribué ces victoires surprenantes. Celui qui a lu ses psaumes sait à qui il les a attribuées.

Et nous sommes absolument certains que celui qui aida jadis David, aida 3000 ans plus tard un autre David. Il s’agit, cette fois, de David Ben Gourion qui surmonta des difficultés qui, d’un point de vue humain, paraissent invincibles. S’il n’en était pas ainsi, la résurrection d’Israël de Dan à Beer Scheba et de Beer Scheba à Elath n’aurait pas le moindre sens. Nos victoires seraient inutiles. Inutile serait également la résurrection de notre langue, les efforts engagés pour irriguer le désert et la transformation en champs cultivables et en forêts n’auraient pas de sens. Tous ces efforts seraient semblables à un jeu d’échecs que l’on conduit pour tuer le temps ; de plus, le monde ne tirerait aucun profit de cela, et ce serait inutile pour que Dieu accomplisse ses objectifs salutaires.

Pour terminer, je voudrais attirer votre attention sur le fait que lorsque les Juifs commencèrent à revenir dans la terre de leurs ancêtres, ils arrivaient dans un pays complètement inculte. Au Nord, en Galilée les attendaient les marais, au sud le désert. Il était nécessaire d’aménager le pays et de placer des personnes dans tous les domaines de la vie du pays. Pourtant les arrivants étaient pour la plupart des victimes de la 2ème Guerre Mondiale, des personnes qui étaient passées par les camps de concentration. Ils n’étaient pas de bons pionniers et bâtisseurs du pays à partir de ses fondations, mais ils nécessitaient des soins. Devrions-nous nous étonner que le sionisme en ce temps ait été considéré par de nombreux scientifiques comme une chose carrément absurde ?

Si nous avons eu l’audace de progresser contre de telles opinions, c’est uniquement parce que nous avions confiance en Dieu. Et cette foi est apparue infaillible.

Voilà, Messieurs, comment se présente l’affaire d’Israël dans ses grandes lignes ; le reste est enregistré dans les statistiques particulières que chacun peut consulter chez lui à la maison.

Il est dit de nous, les Juifs, que nous sommes intelligents. Nous avons de bons enseignants et nous avons de nombreux lauréats de Prix Nobel. C’est vrai, mais je vous demande de me croire que de tout cœur nous ne nous appuyons pas complètement sur la science. Bien sûr, nous l’utilisons volontiers en Israël mais elle n’est pas pour nous le dernier but et nous ne la considérons pas comme le seul moyen de tout connaître. Nous croyons que le but de notre existence a été décrit dans le “ Livre des Livres ” et que tôt ou tard ce but sera réalisé.

“ NA STRAZY ” 6 / 2001 pages 253 à 260

(*) Note de la Rédaction : En fait, ce n’était pas les princes Philistins qui ont voulu forcer Balaam à maudire Israël, en le soudoyant. C’était, selon la Bible, Balak, fils de Tsippor, roi de Moab, avec l’appui des Madianites. – Nombres 22 : 2-5. Lire les chapitres 22, 23, et 24 en entier. Nous signalons le fait par souci d’exactitude et remercions en même temps l’auteur de l’exposé, Monsieur Pinchasa, pour son érudition et sa présentation pertinente des quatre miracles qu’il discerne en rapport avec la constitution et le développement de l’Etat d’Israël.