À MEDITER – LES DEUX FRERES

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LES DEUX FRERES

 Le fait qu’on va lire est si extraordinaire, si inouï et si plein d’enseignements qu’il mérite d’être conté !

 Deux frères habitaient ensemble une ville d’Orient et, du lever de l’aurore jusque tard dans la nuit, le plus jeune se livrait à une vie de débauche et de dérèglement, et ne semblait éprouver aucun désir de rompre avec le péché.

 Le plus âgé, au contraire, était un homme tranquille, humble, craignant Dieu et véritablement consacré au Seigneur. Travailleur infatigable, il se préservait des souillures du monde. Très attristé par la conduite de son jeune frère, il l’avait souvent exhorté avec larmes à renoncer à sa vie de péché. Mais, sans tenir aucun compte des prières et de la douleur de son aîné, le malheureux jeune homme persévérait dans sa mauvaise voie, recommençant chaque jour à se corrompre corps et âme, tandis que chaque nuit, le frère aîné attendait le retour de son cadet, une ardente prière aux lèvres.

 Un soir, vers minuit, des coups violents retentirent à la porte d’entrée. Le chrétien se hâta d’ouvrir, et il se trouva en face de son frère, pâle, tremblant, les vêtements en désordre et souillés de sang.

 — Sauve-moi ! Cache-moi ! supplia-t-il. J’ai tué un homme et je suis poursuivi. Regarde ici !… C’est son sang !…

 Mais comment le cacher de manière à le soustraire à la justice des hommes ?

 L’amour est ingénieux ! Sans se répandre en paroles inutiles, le frère aîné dépouilla le coupable de ses vêtements accusateurs, il s’en revêtit lui-même ; puis il fit endosser son habit sans tache au pauvre meurtrier. Après quoi, il le poussa dans une chambre voisine et demeura seul, attendant les événements.

 Ce ne fut pas long. Bientôt on entendit des pas précipités et des agents de police firent irruption dans la pièce.

 — Exactement ce que nous pensions, s’écria l’un d’eux ; c’est ici que se cache l’assassin. Du reste nos soupçons sont sur cette maison pour bien d’autres raisons.

 Ils s’approchèrent du soi-disant coupable, le regardèrent avec sévérité en disant :

 — C’est toi qui a fait le coup ? Mais l’interpellé ne répondit rien.

 — A quoi bon questionner davantage ? Intervint impatiemment un autre agent ; regarde ses vêtements, ils répondent pour lui. Lions-le et emmenons-le !

 Aussitôt dit, aussitôt fait, et le malheureux fut entraîné, bien loin de chez lui, par des chemins obscurs, jusqu’à la prison où il fut enfermé. Le lendemain, on procéda à son interrogatoire, mais l’accusé refusa de répondre quoi que ce soit aux questions qu’on lui posait. Il se bornait à répéter simplement : “Je dois payer ce crime de ma vie, et le plus tôt sera le mieux ! ”.

 Quelques jours après, le jugement eut lieu. En face de ses vêtements tachés de sang, les témoins n’apportaient pas grande lumière. L’affaire était claire, le vrai coupable était là.

 — Quel est votre avocat ? demandèrent les juges.

 — Je n’en ai pas, répondit l’accusé.

 — Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

 — Rien, fut la réponse.

Et le noble frère inclina la tête, de peur de se trahir.

Le procès fut rapidement terminé et l’assassin présumé condamné à mort.

 La veille de l’exécution, dans la soirée, il demanda la permission de parler au directeur de la prison, et dès que celui-ci eut pénétré dans sa cellule, il lui dit :

 — Pouvez-vous exaucer le dernier désir d’un homme qui va mourir ?… Je voudrais avoir du papier, une plume, de l’encre et de la cire à cacheter. Je dois écrire une lettre, mais auparavant, jurez-moi devant Dieu que, sans l’ouvrir, vous l’enverrez après ma mort à son adresse. Soyez assuré que cette missive ne contiendra rien de mal… car je sais que demain je comparaîtrai devant le tribunal de Dieu… Je ne peux pas mentir à ma dernière heure !…

 Examinant le visage du condamné, le directeur fut obligé de croire à sa sincérité, et sa demande lui fut accordée. Il semblait avoir mis toute son âme dans sa prière. Il était calme et paisible et dans ses yeux brillait une lumière ardente et surnaturelle. On lui apporta les objets désirés et le soir en faisant sa ronde, le gardien se chargea de la lettre du condamné.

 La nuit passa, — nuit de repos pour plusieurs, de douleur et de remords pour beaucoup, — nuit sans sommeil mais pleine de paix pour le détenu agenouillé dans sa cellule ; il semblait, du seuil de l’éternité, contempler déjà un autre monde.

 Le jour parut. Partout les hommes se remirent à vaquer à leurs occupations. Le bourreau fit comme les autres… Au bout d’une heure, sa besogne était achevée.

 Peu après un messager, une lettre à la main, fut dépêché à la demeure des “ deux frères ”. Il frappa à la porte ; un homme au visage pâle, ravagé par l’anxiété, vint lui ouvrir et reçut avec étonnement la lettre du condamné. Longtemps il la considéra sans comprendre, semblait-il…

 Enfin, il se décida à en rompre le cachet. Il lut… et éclata en sanglots…

 Son premier mouvement fut de se précipiter vers la porte… mais, effrayé, il recula, comme égaré !…

 Quel était donc le contenu de cette lettre ?

 Elle ne se composait que de ces quelques lignes : “ Demain, revêtu de tes habits, je mourrai pour toi, mais toi, en souvenir de moi, couvert de mes vêtements, tu devras à l’avenir vivre d’une vie sainte et juste. ”

 “Je meurs pour toi!…”. Il fut vaincu. Ces quelques mots le bouleversèrent jusqu’au plus profond de son cœur endurci par le péché, et rendu lâche par la peur.

 Alors, comme revenu soudain à la réalité des choses, il s’écria tout à coup: “Je meurs pour toi!…” Mais, il n’est peut-être pas encore mort! Et il se précipita dehors pour aller, si possible, sauver son frère. Arrivé à la prison, il fut arrêté.

 Mais il demanda, d’un ton si suppliant, à voir le directeur, qu’on eut pitié de lui, et il fut introduit.

 “Je meurs pour toi!…”. Ces mots émurent le directeur au profond de son âme. Il se souvint de la prière instante du condamné, il revit ce reperd ferme et assuré auquel il n’avait pas pu résister et, dans une grande agitation de tout son être, il porta la lettre au juge. Après en avoir pris connaissance, le magistrat procéda à l’interrogatoire du vrai coupable, qui fit des aveux sincères et complets. Il décrivit sa vie de péché, avoua son crime, sa lâche frayeur, son honteux silence et il termina par ce cri d’angoisse : “ Faites-moi mourir, car je ne mérite que la mort ”.

 Mais la parole du frère aîné n’avait rien perdu de sa valeur. “ Je meurs pour toi ! ”. C’était vrai, il avait pris la place du coupable, et son sacrifice était un tribut payé à la société. Le juge regarda longuement celui qui avait été l’objet d’un aussi grand amour, et il dut convenir qu’il n’avait pas le droit de le faire emprisonner, encore bien moins celui de le condamner à mort.

 La liberté et la vie lui furent assurées.

 La lettre à la main, le coupable gracié rentra chez lui. Là, le cœur broyé sous le poids de ses crimes, il cria vers Dieu, lui apportant sa douleur et son repentir.

 “ Seigneur mon Dieu, implora-t-il avec larmes, ne me laisse pas mourir dans mes péchés. Un autre que moi en a porté la peine. Donne-moi ton secours pour lutter contre le mal. Rends-moi digne de porter les vêtements de celui qui pour moi a été frappé par la justice des hommes. Aide-moi à les garder purs de toute souillure et de tout péché ! ”

 Dès ce moment, on ne le reconnut plus, tant il était transformé.

 Ses anciens compagnons de débauche essayèrent bien de le ramener à sa vie d’autrefois. Mais à toutes les sollicitations il opposait fermement cette seule réponse : “ Avec les vêtements que je porte aujourd’hui, il m’est impossible de venir avec vous ; mon frère ne serait jamais entré dans les lieux que vous fréquentez ! ”

 Peu à peu, ils cessèrent leurs efforts. Les uns s’éloignèrent de lui ; d’autres, attirés par cette attitude nouvelle, se lièrent plus intimement avec lui : ils apprirent à le connaître sous un autre jour, et à respecter la vie nouvelle de cet homme maintenant consacré entièrement au service du Seigneur. Eux aussi se détournèrent du péché pour marcher en nouveauté de vie, et ils unirent leurs efforts à ceux de leur ancien camarade pour faire le bien et pour porter de bons fruits.

 Le moment arriva où les deux frères furent réunis dans la mort. Selon son désir, le plus jeune des deux fut porté au tombeau revêtu des habits de celui qui avait donné sa vie pour lui, et dans tout le voisinage, nul ne put jamais oublier ces faits tragiques.

 Lecteur, mon récit est terminé, mais sa signification demeure, et tu en as saisi la portée. C’est l’histoire de tout être humain, c’est la tienne, à toi qui lis ces lignes !

 Tu connais l’Evangile, lecteur, tu l’as lu toi-même, tu l’as entendu, mais jusqu’ici peut-être, il n’a fait qu’effleurer ton âme sans en atteindre les profondeurs. Sors une fois pour toute de ta coupable indifférence, et cherche enfin à réaliser ce qu’il a fait pour toi, relis la Parole de Dieu racontant la vie, les souffrances et la mort de Christ ton Sauveur.

 Il t’a aimé d’un amour incompréhensible et qui n’est égalé que par ses souffrances. Il a donné sa vie pour ta vie, non seulement pour te libérer de la condamnation éternelle, mais aussi pour te délivrer du péché et te rendre capable de vivre à sa gloire. Il mourut pour toi ! afin que revêtu de sa justice, né de nouveau, “tu sois irréprochable et pur, enfant de Dieu irrépréhensible au milieu de cette génération perverse”. (Phil. 2 :15).

 Revêtu de vêtements, c’est-à-dire couvert de ta souillure, de ton péché, II mourut pour toi ! Et toi, couvert de Sa justice, tu peux vivre à la louange de la gloire de sa grâce.

 Comment vas-tu répondre à sa lettre ?