Les lecteurs de ces lignes, et particulièrement ceux qui sont familiers avec les présentations du volume intitulé « La bataille d’Harmaguédon », savent bien qu’à notre avis, il y a une correspondance à remarquer entre les conditions qui prévalaient dans les jours de Noé, avant le Déluge, et les conditions qui prévaudront aux jours du Fils de l’Homme, avant le grand Temps de Détresse qui va symboliquement, selon la Bible, fondre, dissoudre, comme dans une fournaise ardente, les éléments sociaux d’aujourd’hui. Nous avons attiré l’attention du lecteur sur le fait que les géants du jour de Noé, selon la Bible, ont mis en danger les vies et le bonheur de l’humanité ; et nous pensons que nous pouvons trouver un équivalent de ces géants dans les grandes institutions et trusts de nos jours, ceux qui ont le pouvoir d’étouffer, d’étrangler l’humanité.
Nous avons souligné que bien des choses pouvaient être dites en faveur de ces regroupements de richesses et d’intelligence en des ensembles puissants, s’ils sont utilisés convenablement, sans égoïsme, mais dans l’intérêt du peuple. Nous avons signalé que bien que ces sociétés Géantes aient accompli beaucoup de bien, qui n’aurait pas pu être accompli sans leur aide ou sans une certaine intervention divine, néanmoins, dans les conditions égoïstes actuelles, elles sont une menace pour le peuple.
Nous ne voudrions pas être mal compris. Nous ne voulons même pas insinuer que les hommes à la tête de ces sociétés Géantes soient inférieurs à leurs semblables en sympathie et en sagesse. Au contraire, nous croyons qu’ils sont généralement supérieurs, et que si des hommes violents avaient été à la tête de celles-ci, ils auraient depuis longtemps cherché à pressurer le peuple. Mais comme nous l’avons montré, il y a continuellement une tendance de la part de tous les hommes imparfaits à l’égoïsme, à l’avidité. L’expression « Le prix de la liberté c’est la vigilance éternelle » [Thomas Jefferson] est plus que jamais vraie aujourd’hui. Le peuple doit surveiller ces Géants de peur qu’ils ne deviennent autocratiques.
Les apparences sont quelquefois trompeuses.
Mais, certains pourraient dire que l’auteur de la TOUR DE GARDE est en retard sur les événements. Ne sait-il pas que les trusts ont été bridés, et que ces Géants ont été faits esclaves du peuple ?
L’auteur est bien conscient qu’apparemment, beaucoup de choses ont été faites pour lier ces Géants ; et il sait très bien qu’ils se sont apparemment soumis et qu’ils se reconnaissent à priori comme serviteurs du peuple. Mais il remarque aussi que cette transformation n’est qu’une apparence. Cette docilité n’est que simulée. Les géants qui possèdent une puissance intellectuelle et monétaire ne se sont pas réellement soumis, et les lois de la nature humaine ne laissent pas supposer qu’ils capituleront un jour. Au lieu de cela, ils ont accepté en apparence les lois et les règles, tout en se transformant simplement et en conservant leur pouvoir. A plusieurs reprises, ils ont prouvé qu’ils étaient toujours aussi puissants qu’avant. Il faut reconnaître que dans leur intérêt, la plupart des lois promulguées contre eux ne sont que pure démagogie – le travail des politiciens ayant pour but de s’attirer les faveurs de la population et non à des fins pratiques.
Nous n’avons aucune forme de sympathie à l’égard de ceux qui font des tirades à l’encontre des hommes courageux et intelligents qui ont, dans un but purement commercial, accompli tant de choses pour faire avancer la condition du monde – et qui ont ainsi aidé à la préparation du Millénium. Au lieu d’être critiqués et entravés, ces princes de la finance et de l’industrie devraient être appréciés, honorés. Mais, tout en les honorant, nous devrions insister sur leur contrôle raisonnable et leur supervision par le peuple au travers de leurs représentants gouvernementaux. Si ces Géants sont nécessaires et utiles, ils peuvent être mieux gouvernés par l’amour et la justice que par le harcèlement et la provocation. Il ne fait aucun doute que ce harcèlement produit de plus en plus un esprit d’amertume parmi les Géants – le sentiment qu’ils ne sont pas appréciés, le sentiment qu’ils doivent donner une leçon au peuple.
La situation telle qu’elle est.
Nous ne cherchons pas spécialement la faute chez qui que ce soit. Nous mettons simplement le doigt sur la situation telle qu’elle est, en montrant comment celle-ci évolue et prépare à une grande lutte entre les Géants et le peuple – un combat dans lequel le peuple souffrira davantage que les Géants. Ce n’est pas du tout la faute de l’humanité. C’est la faute du péché, de l’égoïsme, de la bassesse, qui durant des siècles ont laissé une trace importante dans l’humanité – tant chez les riches que chez les pauvres. Tous sont égoïstes. Chacun, selon ses opportunités, semble disposé à profiter de la situation. Les sociétés Géantes, croyons-nous, sont plus clémentes qu’elles ne le seraient si elles étaient entre les mains des classes inférieures.
Ces Géants se rendent compte qu’ils ont des opposants de toute part. Ils luttent depuis longtemps avec les syndicats ouvriers et ont été plus ou moins contraints de se soumettre. Maintenant, en plus des syndicats, ils sont obligés de composer avec le peuple au travers de la législation, et avec les nouvelles idées en matière de droits et liberté au travail. Ces Géants se disent en eux-mêmes : le peuple ne se rend pas compte combien nous avons fait de bien, ni même quel rôle important nous avons dans leur bien-être.
Peu de personnes réalisent que les dirigeants et les présidents de nos grandes sociétés de chemins de fer et de nos plus grandes entreprises commerciales sont des hommes dotés d’un esprit puissant, pleinement qualifiés pour occuper les postes les plus élevés. Plusieurs d’entre eux gagnent des salaires aussi importants que celui du Président des États-Unis, et doivent solutionner des problèmes aussi difficiles que ceux que le Président doit gérer. Peu de personnes réalisent que juste après l’agriculture viennent, par ordre d’importance, les chemins de fer, en ce qui concerne le nombre d’employés. Et ces derniers sont une armée grandissante, alors que les fermiers déclinent en nombre, à cause des machines agricoles qui économisent la main d’œuvre.
Quiconque suppose que ces hommes d’affaires perspicaces aient l’intention de s’asseoir et de se soumettre tranquillement à toutes sortes de lois, se fait des illusions. Les Géants connaissent leur propre force. Ils préfèrent la cacher plutôt que de s’en vanter ; mais si l’on en vient à un combat pour la vie ou la mort, ils l’utiliseront et les effets seront terribles. Le fait que le peuple cherche à les lier les pousse à un exercice plus arbitraire de leur pouvoir. Si la loi, par exemple, s’efforce d’empêcher le monopole de l’anthracite par les chemins de fer ainsi que d’autres intérêts liés au charbon, les chemins de fer qui ont la main mise sur le charbon augmentent le prix du charbon avec une forme de mépris. Ainsi, ils montrent aux consommateurs qu’ils devraient être reconnaissants d’avoir la possibilité d’en acheter et de se préserver du froid.
Une manifestation de la puissance des géants.
Une action plus ou moins pré concertée s’est mise en place de la part des chemins de fers et de leurs intérêts connexes. Ils ont déterminé qu’à moins qu’ils n’aient l’autorisation d’augmenter leurs coûts de transport, ils feront payer chèrement la restriction de leurs libertés en amenant le pays à un désastre financier, atteignant des pertes mille fois supérieures aux cinq pour cent d’augmentation demandés. Certainement, il serait sage, sous bien des aspects, d’apaiser ces Géants en leur accordant l’augmentation souhaitée, tout en exigeant de leur part un service plus rapide et plus efficace en retour.
La voie de la sagesse l’emportera-t-elle ? Peut-être pas. Si ce n’est pas le cas, nous avons déjà devant nous une illustration et le présage de ce qui peut être attendu. Déjà, les chemins de fer ont licencié des milliers d’ouvriers employés à la construction et l’entretien des voies. Ils ont annulé leurs commandes de rails et d’équipements, entraînant l’arrêt de grandes usines, mettant à la porte d’autres milliers d’ouvriers. Ils réduisent aussi leur main d’œuvre administrative. Tout cela est justifié par le fait qu’ils n’ont pas gagné autant d’argent que précédemment. Par exemple, le rapport récent d’une grande compagnie métallurgique indiquait une « triste » baisse des revenus et profits, « laissant à peine 18 millions de dollars de profit pour le trimestre », alors qu’ils s’étaient habitués à plus. En accord avec cette politique, il y a eu durant un certain temps une diminution graduelle des services ferroviaires, ce qui est réellement une politique sûre et saine.
Nous ne cherchons pas à nous plaindre ni même à trouver des coupables. Nous relatons simplement des faits, en appuyant l’idée que ces grandes institutions sont réellement des Géants qui, s’ils venaient à être malveillants et à se mettre en colère, pourraient accomplir un mal incalculable. Leur puissance et leur mécontentement ont déjà été suggérés au gouvernement, qui a plus ou moins peur de la menace d’un arrêt industriel.
D’un autre côté, il y a le syndicalisme, qui commence à peine à réaliser sa grande puissance dans les votes, et aussi sa puissance physique au travers des grèves. La menace des responsables des chemins de fer de suspendre partiellement leur activité jusqu’à ce que leurs exigences soient satisfaites, pourrait être un jour copiée par les Géants du travail avec la menace de stopper l’activité des travailleurs, de cesser l’approvisionnement en carburant, de débrayages, etc. Nous pourrions dire que ces Géants du travail sont aveugles et dépourvus de sagesse ; mais néanmoins, il est clair que, comme l’aveugle Samson jadis, ils s’appuient sur les piliers qui soutiennent notre structure sociale présente ; ayant en vue sa destruction et sa ruine, même si cela implique aussi la destruction de leurs propres intérêts.
La lutte mortelle est proche.
Personne ne peut dire quand ces Géants vont engager leur lutte mortelle, chacun confiant en sa victoire, mais tous deux condamnés à la destruction. Toutefois, nous pouvons être sûrs que dans le combat de ces Géants, les masses de l’humanité souffriront avec eux dans l’épreuve.
Regardant du point de vue de la Bible, nous percevons que ces Géants ont atteint leur taille et leur puissance actuelles au travers de la lumière et des bénédictions du matin Millénaire. Si le voile d’obscurité avait été ôté mille ans plus tôt, ces Géants se seraient développés bien plus tôt ; et leur lutte mortelle serait arrivée d’autant plus tôt, avec pour résultat le renversement des institutions présentes dans l’anarchie. Mais Dieu n’aurait pas permis cela. Il ne fait pas partie de son plan de permettre aux passions humaines de ravager complètement la terre. En conséquence, Il a différé la Lumière du Matin jusqu’au moment opportun, pour que la bataille et ses effets désastreux sur les institutions humaines aient lieu juste avant l’établissement du Royaume du Messie, afin que le tout-puissant Roi spirituel et invisible puisse prendre sitôt après le contrôle du monde sous son grand pouvoir et exercer son règne. – Apocalypse 11 : 17, 18 ; 19 : 6 ; Psaume 99 : 1.
Personne n’est suffisamment sage pour dire quand cette grande catastrophe va engloutir le monde. Toutefois, cet événement est craint et anticipé par toutes les personnes intelligentes, et plus particulièrement par ceux dont l’intelligence est guidée par la Parole de Dieu. Cette catastrophe peut être différée de quelques mois ou de quelques années, mais il est certain qu’elle se produira. Et nous pouvons voir comment elle pourrait être soudainement provoquée. Tout comme nous l’écrivons, les journaux relatent les récriminations et les menaces de ces Géants du travail, alors que les Géants capitalistes se sentent indubitablement aigris. Ces derniers sont quasiment enclins à restreindre la population pour suggérer ce qu’ils seraient capables de faire. Ce sont ces insinuations, ces suggestions et ces menaces qui sont susceptibles de conduire du mal au pire, en produisant la colère, la malice, la haine, les conflits, et différentes œuvres de la chair et du diable, comme l’a indiqué l’apôtre Paul.
« Cherchez la paix et aspirez à la paix ».
Que cette grande épreuve soit très proche ou plus éloignée, l’attitude convenable que devrait avoir le peuple consacré est la même – « Cherchez la paix et aspirez à la paix ». Cela va encore plus loin, car nous devons être des artisans de paix et non pas de querelles. Lorsque, tout autour de nous, les âmes des hommes faiblissent, une opportunité particulière apparaît pour le peuple de Dieu de montrer à leurs prochains en détresse les grandes bénédictions que Dieu a prévues dans un avenir tout proche, afin de rétablir leur foi dans le Créateur et dans la vie future, et de montrer que ceci ne pourra être atteint que par ceux qui apprennent la véritable leçon de la vie et qui en arrivent à aimer la justice et à haïr l’iniquité.
Nous pourrions être enclins à nous attendre à ce que ce grand trouble éclate très prochainement, si les Écritures ne nous indiquaient qu’il sera apparemment précédé par une très puissante Fédération des Églises qui va croître extérieurement dans l’injustice et qui sera la première à succomber.
« Je peux voir ses jugements qui approchent, enserrant toute la terre.
Les signes et les gémissements promis précédant une seconde naissance ;
Je lis sa juste condamnation dans les trônes de la terre qui s’effondrent :
Notre Roi est en marche. »
WT1914 p5457