Les doctrines de Michel Servet et de Jean Denck
“Il n’y a rien de caché qui ne doive être révélé, ni de secret qui ne doive être connu”.
Mat. 10 : 26.
Le nom de Michel Servet a été beaucoup prononcé. A Champel-Genève où, le 27 octobre 1553, Servet fut brûlé vif, les fils respectueux de Calvin lui ont érigé une pierre commémorative (Mat. 23 : 30). A Annemasse (Haute-Savoie) on lui a érigé un monument. Et à l’occasion de l’inauguration, Servet fut représenté comme la victime de l’intolérance religieuse et comme l’incarnation du principe de la libre pensée. On a fait remarquer très bien que c’est Genève qui aurait dû s’honorer de ce monument, que les Genevois de 1908 auraient ainsi réparé le crime de leurs ancêtres.
Mais peu a été dit des doctrines mêmes de Servet, et en général on les ignore passablement. Il est rouvé cependant que Servet avait des relations avec les anabaptistes de son temps, et qu’à l’inverse des grands réformateurs il préconisait les bonnes œuvres, disant que si on n’est pas justifié par les œuvres (mais seulement par la foi), on parvient par les bonnes œuvres à un plus haut degré de salut. En d’autres termes, nous disons aujourd’hui qu’une fois justifiés, si nous nous consacrons entièrement à Dieu et sortons vainqueurs, nous atteindrons à l’immortalité, au plus haut degré de salut. Les plus illustres persécutés des chefs anabaptistes du temps de la Réformation étaient tous, comme Servet, des anti-trinitaires — citons ici quelque peu le plus illuminé d’entre eux, nous voulons nommer Jean Denck. Selon L. Keller, archiviste royal de Saxe – qui a fouillé la plupart des bibliothèques de l’Allemagne, de la Suisse et des Pays-Bas — Jean Denck, conducteur des anabaptistes dans les années 1525-1527, voulait simplement former un groupement des amis de Dieu. Instituteur à Nùrnberg (Bavière) il eut un différent avec le pasteur luthérien de cette ville au sujet de h cène (Denck s’accordait plutôt avec Zwingli) et dut quitter la ville au milieu de h nuit. Depuis ce moment Denck prêcha ouvertement dans le sud de l’Allemagne, mais il fut persécuté de ville en ville par ceux qui venaient de secouer le joug de Rome, jusqu’à ce que, grâce aux bons offices de son ami Oecolampade, on lui permît de venir mourir à Baie. Denck connaissait parfaitement le grec et l’hébreu, ayant fait ses études avec Erasme. De concert avec L. Hetzer de Zurich il traduisit les prophètes de l’Ancien Testament plus correctement que Luther et avant lui; cette traduction est connue sous le nom de “Trad. De Worms”. Il pratiqua le baptême par immersion, écrivit plusieurs brochures, sur la loi de Dieu, sur l’amour, etc., et ce qui est surprenant pour l’époque, prêcha contre les tourments éternels. Keller montre qu’il y a eu des jours où des milliers se convertissaient aux idées de Denck et que, sans l’intervention des autorités tout Strasbourg, par ex, serait devenu anabaptiste. Anti-trinitaire, Denck croyait au seul vrai Dieu (Jean 17 : 3 – l’Éternel, le Père Céleste), à son Fils Jésus, notre Sauveur, et à l’Esprit saint, une puissance de Dieu, contrairement à la Trinité une et indivisible – de 3 personnes ne formant qu’une seule, de 3 êtres séparés, mais unis et non divisés, de trois Dieux tous égaux et pourtant l’un supérieur ou inférieur à l’autre.
C’est ce “dieu trinitaire” que Servet tournait à l’ironie, mais non pas le Dieu du ciel, le tendre Père révélé dans la Bible.
Les enseignements de M. Servet étaient un peu ceux de Jean Denck. Il n’admettait pas le baptême des enfants, pas plus que la sombre prédestination de Calvin. Bref, nous pensons que ces martyrs de la foi, tels que Servet, Denck et autres, enseignaient la pure vérité de la Parole et marchaient dans le sentier de la lumière de leurs jours. Ils discernaient déjà à leur époque, plus vaguement sans doute, les vérités sublimes que nous pouvons voir si clairement aujourd’hui grâce à la lumière ascendante du lever glorieux du Soleil de la Justice que nous dévoile l’Aurore du Millénium.
Les temps ont changé, au point de vue doctrinaire les grandes églises sont devenues plus tolérantes aujourd’hui, par contre les multiples dénominations baptistes, mennonites, etc., chérissent et soutiennent hautement les doctrines anti-bibliques de la trinité et des tourments éternels. Mais loué soit Dieu ! nous n’avons dans ce “temps de la fin”, plus à craindre l’inquisition de Torquemada, le bûcher ardent de Champel, l’eau froide du lac de Zurich, les dragonnades de Louis XIV, ou d’être bannis et traqués de ville en ville comme les fauves, l’augmentation de la connaissance ne le permettant pas.
T.G. 12-1908