« Simon, Fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » – Jean 21 : 15-17.
Le contexte montre que ces mots sont adressés par le Rédempteur à Pierre, à l’occasion de la troisième manifestation à ses disciples après sa résurrection. Nous présumons que ce fut trois ou quatre semaines après la résurrection du Maître. Ses manifestations, aux femmes le matin, de même que celle qui se produisit plus tard aux deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, ne sont évidemment pas comptées. Mais la manifestation, le même soir dans la chambre haute, quand tous les disciples, excepté Thomas et Judas, étaient présents, est la première. La manifestation, une semaine plus tard, lorsque Thomas était présent, est la seconde.
Le délai pour se manifester une troisième fois avait évidemment pour but de tester la foi des apôtres et de les amener à trouver une conclusion concernant leur occupation à venir que Jésus souhaitait corriger. Pour autant que nous puissions le comprendre, nous enregistrons au moins deux dimanches sans la moindre manifestation du Seigneur à ses disciples, et alors, perdant tout espoir, ils décidèrent de retourner à la pêche et ils firent ainsi. Le voyage en Galilée et la reprise des activités prirent, probablement, une autre semaine.
Durant cette période de trente jours, l’attitude mentale de tous les apôtres et des autres disciples peut être mieux imaginée que décrite. Ils étaient perplexes, ils avaient eu, en effet, des preuves de la résurrection du Maître ; ils avaient eu connaissance des Écritures qui prouvaient que cela était nécessaire et que Dieu avait arrangé les choses de la sorte. Ils souhaitaient avoir d’autres entrevues avec le Seigneur pour qu’Il leur dise ce qu’ils devaient faire, d’une manière précise.
Au lieu de cela, livrés à eux-mêmes, les disciples étaient complètement découragés. Ils avaient tout quitté pour Le suivre, pour annoncer aux gens qu’Il était le Fils de Dieu, le Messie promis depuis longtemps et qu’Il établirait bientôt son Royaume, lequel apporterait des bénédictions, premièrement à Israël et deuxièmement, par Israël, à toutes les familles de la terre, conformément à l’Alliance Abrahamique. Maintenant, apparemment, toutes ces espérances étaient réduites à néant. Combien il leur semblait insensé, pensaient-ils, d’essayer de convaincre le monde que l’Homme, crucifié comme un malfaiteur, un blasphémateur, était en effet le Messie et de parler de sa résurrection ! Ils pensèrent qu’ils ne pouvaient rien faire d’autre que d’abandonner le ministère comme une cause perdue, et le retour au travail de la pêche fut la conclusion logique, pour eux.
Ils travaillèrent toute la nuit.
La première nuit fut décourageante car ils ne prirent rien. Il semblait, en effet, que Dieu les punissait d’avoir choisi de devenir disciples de Jésus – que tout allait mal. Mais il n’en était pas ainsi ; ils étaient simplement en train d’apprendre les leçons nécessaires. Au matin, ils virent sur le rivage un étranger qui faisait signe et criait pour savoir s’ils n’avaient pas de poissons à vendre. Ils répondirent : « Non, nous n’avons rien pris ». L’étranger leur suggéra de jeter le filet de l’autre côté du bateau. Et, quoique la suggestion ait pu paraître insensée, car ils n’eurent aucun succès jusqu’alors, ils firent ainsi, et immédiatement le filet fut plein de poissons. Ils comprirent très vite la leçon. Instinctivement, ils reconnurent que l’étranger inconnu, sur le rivage, n’était autre que leur Maître. Ils se rappelèrent une expérience identique qui eut lieu au moment où ils furent invités à quitter leurs filets et à devenir pêcheurs d’hommes.
Tout leur intérêt était alors centré sur la pêche, mais maintenant les bateaux, les poissons et les filets avaient perdu de leur valeur dans l’estime de ces pêcheurs d’hommes. Leur Seigneur ressuscité était là, ils avaient attendu pendant près de trois semaines sa troisième apparition. Craignant que le Maître ne disparaisse, avant même qu’il n’ait pu l’atteindre, Pierre plongea dans la mer et nagea jusqu’au rivage. A son grand étonnement, l’étranger avait déjà du poisson qu’Il leur avait cuisiné, et tous furent invités à se réunir, en mangeant sur le rivage de la mer de Galilée.
L’étranger n’avait pas les vêtements dans lesquels ils avaient connu le Seigneur, pas plus qu’Il n’avait les marques des clous dans les mains et dans les pieds par lesquelles ils auraient pu L’identifier. C’était une manifestation différente. Ils Le reconnurent comme ceux avec qui Il marcha vers Emmaüs, et qui le reconnurent à la bénédiction du pain et non par ses traits, par ses vêtements ou par ses plaies. De même maintenant les Apôtres reconnaissaient que personne d’autre que Lui ne pouvait accomplir un tel miracle. Ils ne demandèrent pas qui Il était ; ils s’en sentaient empêchés ; comme nous lisons : « Personne d’entre eux n’osa demander qui Il était », mais ils savaient tous que c’était le Seigneur.
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? »
L’étranger s’adressa particulièrement à Pierre, disant : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » – Ces bateaux, ces filets, etc.… tout ce qui a un rapport avec la pêche ? – Pierre répondit : « Seigneur, Tu sais que je T’aime [affectueusement] ». Jésus dit : « Pais mes agneaux ».
Il posa la question une seconde fois : « Simon, Fils de Jonas m’aimes-tu ? ». Pierre ressentit un grand poids. Pourquoi le Maître le questionnait-il si particulièrement au sujet de son amour ? Pourquoi posait-Il cette question à lui plutôt qu’aux autres ? Était-ce parce qu’il avait été le premier des disciples à proposer de retourner à la pêche ? Était-ce pour le blâmer à cause de cela ? Mais, il répondit : « Seigneur, Tu sais que je t’aime [affectueusement] ». Jésus répondit cette fois-ci : « Pais mes brebis ». Pour la troisième fois, Jésus dit à Pierre : « Simon, Fils de Jonas, m’aimes-tu [affectueusement] ? ». Ici, le Seigneur utilisa le même mot que Pierre avait utilisé, indiquant qu’Il voulait mesurer l’affection et la profondeur de l’amour de Pierre. Ah ! Cette troisième fois avait remis dans la mémoire de Pierre la scène qui s’était déroulée dans le hall, lors du jugement devant Caïphe, quand il renia le Maître pour la troisième fois, en jurant même. Et maintenant, le Seigneur, pour la troisième fois, le questionnait au sujet de son amour, pour savoir si c’est un amour d’affection. Pierre répondit : « Seigneur, Tu connais toutes choses ! Tu sais que je t’aime [affectueusement] ! ». Le Seigneur répondit : « Pais, mes brebis ».
En accord avec les mots du Maître à Pierre, le principal travail de ses disciples est de s’employer à satisfaire aux besoins des brebis engendrées de l’Esprit. C’est en pleine harmonie avec cela que l’Apôtre Paul s’adressant aux anciens de l’Église d’Éphèse, leur conseilla de nourrir le Troupeau de Dieu qu’Il s’est acquis par le sang de son propre Fils. Il y a, ici, un point qui est peut-être trop souvent négligé. Si tous les disciples du Seigneur pouvaient réaliser que le message adressé à Pierre est le même que celui qui nous est adressé, peut-être y aurait-il un changement dans beaucoup de nos prédications.
Nos méthodes mal comprises.
Est-ce qu’en général beaucoup de chrétiens n’ont pas perdu de vue cette importante leçon, que le travail principal des ministres ou « sous-bergers » du Troupeau du Seigneur, durant cet Age, est de « nourrir le Troupeau » ? N’est-il pas vrai que, comparativement, une nourriture maigre est distribuée ? La pensée habituellement reçue par les nouveaux convertis est : maintenant vous êtes sauvés ; allez, évangélisez et amenez d’autres âmes à Christ – plus spécialement, apportez de l’argent, sans l’abondance duquel nous ne pouvons convertir le monde. Travaillez pour Jésus, en sollicitant des fonds pour les dépenses de l’église, son extension, etc.…
Si le demandeur manifeste des pensées ou des sentiments, n’arrive-t-il pas trop souvent que son instructeur ne sachant comment lui répondre, lui dise tout simplement : « Cesse de penser et va au travail ». Hélas, cela est si vrai ! Les « agneaux » devraient être nourris jusqu’à ce qu’ils deviennent des « brebis ». Les brebis seraient gardées, soignées, guidées, instruites et nourries d’une nourriture plus solide que celle des agneaux. L’Apôtre Paul donne cette pensée, quand, à une certaine occasion, il invite ses auditeurs à désirer « le lait de la Parole pour qu’ils puissent croître par ce moyen ».
Mais peu semblent copier ce grand Apôtre dans leurs méthodes. Peu semblent réaliser et s’appliquer à eux-mêmes les paroles du Maître à Pierre : « Pais, mes agneaux » et «mes brebis ». En conséquence, l’Église de Christ est dans une condition languissante. Beaucoup, au cœur sincère, ne connaissent pas ce qu’ils croient. Beaucoup trouveront qu’il est impossible de suivre l’avertissement de Pierre : « Soyez prêts à donner raison de l’espérance qui est en vous avec douceur et respect » – 1 Pierre 3 : 15.
Les raisons pour négliger les doctrines de Christ.
Il y a deux raisons qui conduisent à négliger les doctrines de Christ – les enseignements de la Bible. Ces deux raisons expliquent pleinement pourquoi tant d’instructeurs disent aux nouveaux croyants : Ne vous inquiétez pas des doctrines de Christ mais allez et convertissez d’autres gens.
La première de ces raisons est la pensée erronée qui a grandi durant les âges des ténèbres, disant que la période allant de la Pentecôte jusqu’à la seconde venue de Christ est un temps alloué par le Père Céleste, pour la conversion du monde, et que c’est la mission qu’Il donne à ses gens, et que si le monde n’est pas converti, la responsabilité de leur châtiment, la torture éternelle, retombera sur eux.
Tout ceci est une erreur. Rien dans la Parole de Dieu n’indique que l’Église a pour mission de convertir le monde avant la seconde venue du Seigneur. Bien au contraire, les Écritures montrent qu’à la seconde venue du Seigneur, le monde ne serait pas converti. L’Apocalypse, particulièrement, nous dit que lorsque le Seigneur, à son retour, établira son Royaume, les nations seront irritées, et la colère divine viendra sur eux, introduisant ainsi le grand temps de troubles avec lequel cet Age prendra fin, en accord avec la Parole prophétique.
Ces témoignages ne signifient pas que la sainteté n’existera plus, ni que tout le peuple du Seigneur sera sans foi, mais signifient plutôt que le monde, en général, ne sera pas le peuple du Seigneur : ils seront encore ennemis, païens, non convertis. Nous ne disons pas que l’Église n’a rien à faire avec le monde. Bien au contraire ; tandis qu’il ne lui a pas été donné la mission de convertir le monde dans l’âge présent – ce travail sera pour elle dans l’âge à venir, en accord avec le Seigneur et son Royaume – néanmoins, elle a pour mission d’accomplir un travail de témoignage dans l’âge présent.
Le témoignage de l’Église doit être de dire le message de la grâce de Dieu à ceux qui ont une oreille pour entendre, quoiqu’ils soient peu nombreux. Deuxièmement, elle rendra témoignage au monde par sa foi dans les principes de la justice, et ainsi manifestera les louanges de Celui qui l’a appelée « des ténèbres vers sa merveilleuse lumière ». Mais ce témoignage n’a pas pour but la conversion du monde, il doit permettre de sélectionner du monde le nombre nécessaire pour compléter la classe connue d’avance de Dieu, l’Épouse de Christ.
La deuxième raison.
Comme la première erreur concernait la conversion du monde au Seigneur, la seconde erreur se rapporte à ce qu’il arrivera au monde s’il ne se convertit pas au Seigneur. Quand l’idée erronée, selon laquelle celui qui n’accepte pas l’invitation et ne devient pas membre de l’Épouse de Christ sera éternellement tourmenté, prit de l’importance, pouvons-nous être étonnés qu’elle amena beaucoup de monde à une quantité d’erreurs concernant ce qui pourrait être fait pour sauver leurs familles, leurs voisins et les millions de païens d’une supposée éternité de tortures ?
A cause de cette idée erronée, ceux qui furent amenés à croire en Jésus, furent exhortés non pas à se nourrir, à s’affermir en Christ en étudiant sa Parole mais à s’employer avec zèle à ramener d’autres membres vers Christ. Cette folle conception amena des enseignements et des pratiques déraisonnables, desquels nous nous débarrassons progressivement seulement maintenant, à mesure que nous réalisons qu’une grande erreur a été commise.
Comme il est étrange que nous ne nous soyons pas arrêtés pour penser à l’absurdité de notre position, et que nous n’ayons pas vu que le Père Céleste était ainsi présenté sous un jour des plus détestables ! Comme il est étrange que quelqu’un ait pu jamais pensé que quand le Père Céleste lança un appel à ceux qui ont une oreille pour entendre, pour être cohéritiers avec Jésus-Christ, leur Seigneur, Il aurait indiqué qu’Il soumettrait aux tourments éternels celui qui n’accepterait pas les règles et conditions strictes, comme on l’admet, appartenant à cet appel – le « chemin étroit » sur les traces de Jésus – le reniement de soi-même, etc.…
Ainsi, les Écritures nous assurent que les saints « n’ont pas à lutter simplement contre la chair et le sang » mais plutôt « contre les esprits méchants dans les lieux élevés », contre leur influence (Éphésiens 6 : 12). L’Apôtre nous dit également que le dieu de ce monde a aveuglé l’intelligence de ceux qui ne croient pas, pour empêcher la lumière de briller sur eux (2 Corinthiens 4 : 4). Aussi, nous voyons comment il rendit lumière ce qui était ténèbres et ténèbres ce qui était lumière durant les âges passés.
Une autre leçon à retenir.
Nous ne pouvons abandonner le texte sans attirer l’attention sur une leçon merveilleusement instructive concernant la bonne voie à choisir quand il s’agit de « réprimander » notre frère. Comme nous le montre le récit, les trois questions que notre Seigneur posa à Pierre concernant son amour pour Lui furent les seules réprimandes qu’Il lui adressa comme punition pour son reniement honteux du Maître, dans la nuit où Il fut livré.
Beaucoup d’entre nous, à la place du Maître, n’auraient-ils pas cru qu’il était nécessaire que Pierre s’excuse bien humblement avant de poursuivre tout contact avec lui ? Nous aurions été enclins à parler de sa faiblesse, de son ingratitude, etc.… Notre sens de la justice aurait, dans beaucoup de cas, étouffé notre sens de la sympathie et de la miséricorde. Mais, il n’en fut pas de même du Maître. Il connaissait la loyauté du cœur de Pierre. Il savait qu’il avait déjà pleuré amèrement sur le fait et qu’il s’en était repenti. Il savait quelle sorte de honte l’accablait et de quel courage il avait besoin pour penser à rencontrer le Maître qu’il avait renié.
Ce fut certainement en raison sa sympathie pour Pierre et de cette appréciation de la tendance qu’il aurait à se décourager entièrement, qui amena notre Seigneur à mentionner Pierre en premier parmi les apôtres, au matin de sa résurrection, disant à Marie, à qui Il apparut d’abord : « Va et dis à mes disciples et à Pierre » – ne fais pas croire à Pierre qu’il est un proscrit ; qu’il sache que Je pense à lui, que Je l’aime et sympathise avec lui, que Je lui ai pardonné parce que Je sais qu’il a agi dans le désarroi.
Nous devons copier les méthodes du Maître.
Et si notre Seigneur et Maître nous a laissé un tel exemple de bonté et de clémence sans rien réclamer, comment apprenons-nous cette leçon ? Dans quelle mesure pardonnons-nous les fautes des autres, et dans quelle mesure faisons-nous plus de la moitié du chemin vers eux pour qu’ils reconnaissent que nous n’entretenons aucun sentiment rancunier envers eux ? Jusqu’à quel point essayons-nous de leur faire comprendre que nous pensons à eux avec bonté et générosité ? Et quand le moment approprié vient et qu’il semble convenable que quelque chose soit dit, ne pouvons-nous pas retirer une leçon de la patience et de la douceur manifestées par le Rédempteur envers l’égaré, en lui demandant simplement s’il avait la sorte d’amour convenable ; et si le fautif confesse avoir pour nous un amour particulier, nous pourrions alors lui demander s’il est sûr d’avoir pour nous cet amour spécial.
Sans aucun doute, notre succès comme serviteurs du Maître en paissant le Troupeau, les frères, les aidant, au lieu de les gêner, sera proportionnel à notre façon de copier et de nous souvenir des méthodes et du style du Seigneur. Ainsi, tandis que nous paissons le Troupeau, gardons continuellement devant nous l’exemple du Grand Berger agissant envers son peuple.
WT 1912 p.5052