FAUSSE HUMILITÉ

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« … Qui apprennent toujours et qui ne peuvent jamais parvenir à la connaissance de la Vérité. » (2 Tim. 3 : 7.)

Un des pièges les plus graves et les plus dangereux de l’adversaire, est celui qui consiste à exagérer la Vérité, et c’est là, semble‑t‑il, une des méthodes qui lui réussissent le mieux auprès des saints. Ainsi poussée à l’excès, la foi devient de la crédulité, la révérence se transforme en crainte, le salaire du péché, en tortures, et l’humilité se mue en nonchalance de l’esprit, ouvrant la porte au doute et à l’incertitude.

Combien en entendons‑nous qui, sous l’empire de cette fausse humilité, en parlant de presque tous les sujets religieux importants, affectent de déclarer d’un ton avantageux : « Moi, je ne suis lié par l’opinion de personne, et je n’ai pas d’opinion propre ce que je cherche, c’est la vérité, et rien d’autre » Ils pensent ainsi faire preuve d’une sainte humilité, mais ils n’arrivent jamais à rien conclure, de peur de passer pour des bigots. Ils disent qu’ils cherchent la vérité, mais, en admettant qu’ils disent vrai, ils ne savent jamais quand ils l’ont trouvée, et auraient pu aussi bien se dispenser de chercher.

Ce sont ceux‑là qui sont visés par notre texte, « qui apprennent toujours et qui ne peuvent jamais parvenir à la connaissance de la vérité ». Ceux‑là, parce qu’ils ne sont pas fondés, enracinés dans la foi, sont toujours « ballottés et emportés çà et là par tout vent de doctrine ». (Eph. 4 : 14.)

Mais, dira un autre, comme je m’aperçois que tant de choses auxquelles je croyais autrefois ne sont qu’erreur, je ne crois plus à rien trop fermement, et je me garde de redevenir « fondé et enraciné », de peur de prendre de nouveau racine dans l’erreur. D’ailleurs, je vois quantité de gens si solidement fondés et enracinés dans l’erreur que la Vérité ne peut les ébranler. Ah oui ! c’est toujours le même piège de l’adversaire ; vous avez réussi, malgré lui, à vous libérer de quelque erreur, et maintenant il vous pousse à l’extrême opposé afin de vous empêcher de jamais prendre racine dans la Vérité assez profondément pour que vous ayez la force de résister aux orages, et, si vous restez seul, d’aider les autres à tenir ferme.

Est‑il possible que vous ne voyiez pas de différence entre, d’une part, être « fondé et enraciné » dans des articles de foi enseignés par une église faillible ‑ qui ne sont autre chose que des systèmes de doctrines et des traditions faites de main d’homme ‑ et, d’autre part, être « fondé et enraciné » dans ce que déclare la Parole de Dieu, déclarations qui, au surplus, ne se contredisent pas, mais, par leur harmonie et leur unité, ne font que se confirmer l’une l’autre, et, en ce qu’elles s’accordent avec la raison, s’imposent à votre jugement comme étant la Vérité ?…

Certains veulent bien fixer leur tente, mais, disent‑ils : « Je ne planterai pas de piquets. » C’est un mauvais calcul. Il faut planter des piquets, pour maintenir la tente. L’homme qui ne se décide pas à le faire, verra sa tente, ‑ la tente de sa foi, retournée par le premier vent de doctrine que l’adversaire soufflera dans sa direction. Et il faut que les piquets soient bien plantés, en terrain solide, ‑ dans le ferme terrain de la Parole de Dieu.

La Parole de Dieu, c’est certain, appelle la foi, une forte foi, une foi solide, fondée et bien enracinée, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu. Tous les écrivains des Ecritures avaient une foi positive, et ils l’ont exprimée d’une manière positive, et ils nous mettent en demeure de la recevoir telle quelle, afin que nous soyons établis dans la Vérité.

Mais si ceux qui paraissent détenir, en commun, ne fût‑ce que dans une proportion limitée, ce que nous croyons être les vues de l’Ecriture, se trouvent en divergence sur les menus détails de la foi, que répondrons‑nous ? Nous répondrons que, aussi longtemps que nous sommes dans la chair, le milieu dans lequel nous vivons peut être de nature à nous faire apparaître quelques‑uns des détails de la Vérité sous un jour un peu différent pendant un certain temps, mais à mesure que nous nous rapprocherons du point de vue de Dieu sur le sujet considéré, nos idées sur ces détails deviendront plus distinctes et plus harmonieuses.

Ce que l’Ecriture demande, c’est que nous soyons d’accord et que nous tenions ferme sur les points fondamentaux de la Vérité, ‑ et que sur les points secondaires, nous réalisions autant d’accords que nous pouvons en obtenir par la communion des saints dans l’étude du Témoignage, ayant la promesse d’un parfait accord final entre tous ceux qui se tiennent vraiment sur leurs gardes dans Sion. Ne nous relâchons pas dans nos recherches et dans notre vigilance quand il s’agit de nous assurer quelle est la pensée de Dieu, même sur des détails, autrement nous cessons de croître en connaissance.

Mais, dira‑t‑on encore, si ceux qui prétendent enseigner l’Eglise, ne sont pas d’accord, comment prendrai‑je parti ?

Que Dieu se soit plu, durant tout cet âge de l’Evangile, à employer certains membres du Corps comme des canaux au moyen desquels Il a envoyé la Vérité au Corps, c’est un fait incontestable ; et que Satan ait adopté à peu près le même plan pour tromper l’église et répandre l’erreur dans son sein, c’est également évident et attesté non seulement par les faits, mais par des textes de l’Ecriture.

Ce serait donc commettre une erreur grave que de croire quelque chose simplement parce qu’un homme, ayant la prétention d’enseigner les autres, voudrait vous le faire accroire : agir ainsi serait jeter sa boussole et ses cartes par‑dessus bord et laisser le navire, ‑ en l’occurrence votre foi, flotter au gré des vents changeants des préjugés et des préférences ; tôt au tard, immanquablement, votre foi ferait naufrage.

Celui qui enseigne, n’a de valeur qu’autant qu’il est un instrument de l’Esprit de Dieu vous faisant connaître et rappeler toutes choses, quelles quelles soient, qui ont été écrites pour notre instruction dans les Ecritures. Tout ce qui est en plus de ces choses provient du Malin et tend au mal.

Un avocat a pour charge et pour fonction non de faire des lois, mais d’exposer clairement la loi, et d’expliquer au jury sa portée dans le cas qui lui est soumis. De même, la fonction d’un ministre de l’Evangile n’est pas de faire de la vérité, mais de citer le témoignage et les alliances, et de montrer leur application au sujet en discussion. Et c’est la fonction de l’Eglise, dans ce cas, comme c’est la fonction du jury dans le cas précédent, de décider, ‑ chacun de ses membres devant décider pour son propre compte, ‑ quel est l’esprit de la loi telle qu’elle est écrite et établie.

En vérité, ce n’est pas là l’idée qu’on se fait couramment des ministres ( en latin minister, serviteur ) de l’église (pasteurs, clergé, etc.). Leurs témoignages sont, au contraire, acceptés avec une telle foi aveugle, qu’ils prennent largement la place du témoignage de Dieu, ce qui rend nulle la loi de Dieu, et a pour conséquence de faire prendre aux traditions et enseignements humains la place des enseignements de Dieu. C’est parce que vous aviez accepté ces enseignements d’hommes, qui n’avaient pas d’appui dans la Parole de Dieu, et parce que vous étiez « fondés et enracinés » dans ces enseignements, que vous avez eu tant de choses à désapprendre, que vous avez eu à vous dégager de tant de liens. C’est pourquoi nous insistons et recommandons d’accepter des doctrines, non parce qu’un tel les a enseignées, mais parce que vous les avez examinées et que vous avez reconnu qu’elles étaient enseignées dans la Parole de Dieu. Bien‑aimés, ne croyez pas tout esprit (c’est‑à‑dire toute théorie ou doctrine), mais éprouvez les esprits (les doctrines) pour voir s’ils sont de Dieu (1 Jean 4 : 1).

Mais remarquez bien que si l’Apôtre recommande de ne pas croire toute doctrine, ce n’est nullement pour corroborer cette fausse précaution qui consiste à ne jamais croire entièrement à quoi que ce soit, et à n’être jamais « fondé » ‑ car la suite du texte : « … mais éprouvez les esprits (c’est‑à‑dire les doctrines) pour voir s’ils sont de Dieu » montre que c’est pour nous un devoir de décider si la doctrine présentée est scripturale ou non. « Eprouver toutes choses » et « retenir ce qui est bon » sont deux recommandations d’égale importance. Mais il y a des gens qui préféreraient laisser les choses en suspens, sans prendre de décision, plutôt que de se donner la peine indispensable d’« éprouver » par une étude diligente des Ecritures si une doctrine est bonne ou si elle est erronée. En vérité, ils ont leur récompense. Leur indifférence les exposera à l’erreur, et l’adversaire ne tardera pas à en profiter. « Si tu la cherches comme de l’argent, et comme les hommes recherchent des trésors cachés…. tu trouveras la connaissance de Dieu. » (Prov. 2 : 4, 5.) « La lumière est semée pour le juste », (Ps. 97 : 11) mais non pour d’autres; ‑ et ce coeur-‑là n’est pas droit, ni cette âme‑là réellement affamée de vérité, qui, sachant qu’il faut travailler pour éprouver toute chose, néglige de s’en donner la peine.

Le sentier du juste brillera de plus en plus jusqu’au plein jour, mais il est regrettable que certains s’imaginent pouvoir constamment varier sans se fixer nulle part, en écartant la lumière d’hier pour celle de demain. On augmente l’întensité de sa lumière; mais on n’a jamais besoin de changer de lumière. Si nous n’acceptons rien aujourd’hui comme lumière sans l’avoîr d’abord éprouvée par le Témoignage, nous n’aurons rien à rejeter demain, et nous pourrons à la fois retenir ce qui est bon, et y ajouter quelque chose tous les jours.

Extrait W. T. 651 ‑ C.T.R. 1884.