Jean 18: 1 – 14
« Ne boirai-je pas la coupe que le Père m’a donnée à boire ? »
Dans ce qui a trait à l’Evangile, rien n’en appelle plus vigoureusement au jugement humain que ne le fait la simplicité de sa narration. Le fait que les faiblesses, les manquements, les faux pas des Apôtres eux-mêmes aient été fidèlement rapportés, sans aucun essai de défendre les Apôtres, de les excuser ou de passer sur leurs défauts, démontre une sincérité, une pureté d’intention très rarement trouvées dans d’autres écrits. Cette vérité n’est nulle part plus apparente que dans les versets faisant l’objet de notre étude, qui rapportent la cynique perfidie de Judas et la faiblesse des onze apôtres restants lesquels, à l’heure la plus sombre de la vie de notre Seigneur, L’abandonnèrent tous, cherchant à assurer leur sécurité personnelle, l’un d’entre eux allant même jusqu’à Le renier par la suite. Les auteurs des Evangiles auraient été excusables s’ils s’étaient efforcés d’expliquer et d’excuser leur conduite ; mais le récit renferme une vigueur réellement plus grande tel que nous l’avons, et nous sommes peut-être enclins à leur trouver des excuses qu’il nous aurait répugné d’accepter s’ils les avaient invoquées eux-mêmes pour leur défense.
Remarquons que deux d’entre eux portaient chacun une épée, avec la permission du Seigneur, si pas sur son ordre (Luc 22 :35-38) ; c’était pour montrer que le Seigneur ne devait pas être pris et maitrisé par les serviteurs du Souverain Sacrificateur, mais que Lui-même se livrerait simplement à eux. L’Apôtre Pierre pensa probablement que si le Seigneur avait donné l’ordre de prendre deux épées, c’était pour s’en servir et non pour s’en parer ; mû par un louable courage, il sortit la sienne pour défendre son Seigneur contre le premier de la cohorte qui essaya de se saisir de Lui. Il voulut manifestement frapper la tête, mais son coup, providentiellement peut-être, fut quelque peu déporté et ne blessa que l’oreille. Dans quelle consternation le Maître plongea Pierre et les autres Apôtres quand Il s’opposa à ce qu’ils se servissent des épées, ne leur permettant pas de Le défendre et, de plus, guérissant le serviteur blessé ! Face à une situation pareille, on peut aisément se rendre compte que les onze fidèles disciples étaient placés devant l’alternative suivante ou bien rester avec le Maître, et comme Lui, se laisser arrêter, ou bien s’enfuir et préserver leur liberté et leur sécurité personnelles, ce que, manifestement, le Maître ne désirait pas faire pour Lui-Même.
Il est facile de s’imaginer que onze hommes, forts comme ils l’étaient, dans la vigueur de l’âge, même avec deux épées seulement pour eux tous, auraient pu causer un tort considérable à la cohorte venue pour arrêter le Seigneur. Mais, tandis que l’excitation et l’action dans une bataille inspirent le courage, l’immobilisme forcé et l’interdiction de lever la main pour se défendre, face à un ennemi armé, sont des plus décourageants pour qui que ce soit. La tendance naturelle dans de semblables circonstances, portant à s’enfuir, fut encore, dans le cas des Apôtres, renforcée et accentuée par la suggestion personnelle du Maître « Laissez aller ceux-ci ». Après un examen complet des circonstances qui prévalurent alors, il nous faut acquitter les Apôtres de tout ce qui pourrait ressembler à de la lâcheté et dire que, dans des circonstances pareilles, peu, d’entre le Peuple du Seigneur, auraient fait autrement que fuir, comme ils l’ont fait.
La bande amenée par Judas pour arrêter notre Seigneur n’était pas composée de soldats romains, mais simplement de serviteurs et d’huissiers au service de la maison du souverain sacrificateur à sa disposition, elle avait les armes qu’elle pouvait se procurer bâtons, épées, etc. L’autorité militaire romaine, représentée par Pilate, n’eut pas à coeur de prendre connaissance de Jésus et de l’oeuvre qu’Il accomplissait, jusqu’au jour suivant, au cours duquel les prêtres, les principaux chefs du peuple, une multitude de serviteurs excités et le peuple L’amenèrent au tribunal et réclamèrent Son exécution.
Le récit de St. Jean ne mentionne pas le misérable acte de félonie par lequel Judas indiqua lequel des douze était Jésus ; cet acte était le baiser de la trahison. Il ne mentionne pas non plus les paroles de réprobation de notre Seigneur, prononcées à cette occasion « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ! » Judas avait manifestement fait quelques pas en avant, laissant la cohorte derrière lui, pour saluer le Maître et, conformément au mot d’ordre, indiquer à la bande qui était Celui qu’elle cherchait.
A tout esprit noble, il est difficile de lire le récit de la conduite de Judas sans ressentir une profonde et juste indignation, sans s’élever contre la bassesse de caractère de celui qui est allé jusqu’à trahir, pour trente pièces d’argent, Celui qu’il a reconnu pour être le plus noble des hommes, qu’il fût, ou non, certain que cet Homme-là était le Messie. Il ne sera pas déplacé de noter ici que Judas ne forma pas soudainement en lui une iniquité aussi profonde ; c’est progressivement plutôt que cette disposition se développa en lui au cours des trois années de rapports constants avec le Maître. C’est une disposition inverse qui aurait dû prendre le dessus en lui et gouverner ses actes. Au moment où il fut choisi pour être apôtre, c’était évidemment un homme bon ; son apparence, du moins, le laissait supposer. Et son nom, qui signifie « louange », semblerait indiquer que ses parents avaient des dispositions religieuses et qu’ils souhaitèrent que leur fils fût un messager de Dieu qui proclamerait les louanges de l’Eternel. A cet égard, ils prophétisèrent même à son sujet, dans un certain sens. Et quel privilège, quelle occasion fut offerte à cette fln, à Judas.
Les maigres informations données par l’Evangile sur ce point permettent de conclure raisonnablement que le déclin de Judas commença à partir du moment où il se mit à cultiver en lui l’amour de l’argent. Au lieu de se blâmer pour cette mauvaise disposition, au lieu de chercher à la refréner et de s’efforcer, en lieu et place, de cultiver en lui la générosité, l’amour et la bienveillance, il laissa l’égoïsme diriger son coeur, sa vie, dans une mesure plus ou moins grande. Il nous est permis de supposer qu’il choisît la fonction de trésorier du petit groupe que formaient le Maître et Ses Apôtres. S’il avait été suffisamment conscient de son état d’esprit, il aurait dû, pour bien se conduire, refuser cette fonction, sachant qu’il aimait déjà trop l’argent et que, manipuler des fonds, constituerait pour lui une tentation. Mais, tout au contraire, il rechercha cet office, l’obtint, porta la bourse et, prenant ce qu’on y mettait, devint voleur comme le déclare l’Apôtre Jean (Jean 12: 6). Cette passion pour l’argent, comme tous les autres penchants anormaux, propres à notre nature déchue, devint de plus en plus forte, à mesure qu’elle était encouragée, cultivée et, finalement, elle ne connut plus aucune limite car elle rendit Judas prêt à vendre son affectueux Maître, le Messie, pour trente pièces d’argent.
Mais si nous haïssons un caractère pareil, si nous le détestons et le méprisons, et si nous nous efforçons de développer en nous un caractère opposé jusqu’à l’extrême, dans la mesure du possible, nous ne devons pas perdre de vue le fait que, parmi les disciples du Seigneur, il en est beaucoup qui, à un degré moindre, commettent un crime semblable à celui de Judas ; ils vendent le Seigneur, ils Le trahissent tout en prétendant L’aimer. En vérité, trahir et vendre le Seigneur ne peuvent aujourd’hui être effectués d’une manière littérale et personnelle, comme précédemment ; mais le même esprit se discerne de temps à autre, et nous regrettons d’avoir à le dire. Certains croient réellement en Jésus ; ils ont consacré leur vie pour devenir Ses disciples ; ils se sont engagés dans le ministère de la Vérité, comme Judas, et cependant, ils sont prêts à vendre le Seigneur pour un plat de potage — pour ce que la vie présente procure de bon — pour obtenir un salaire, pour parvenir à un certain rang social, pour être honorés parmi les hommes, pour jouir de la popularité et être parés de titres divers. Ils sont prêts à vendre même leurs lèvres, comme le fit Judas, de sorte que, s’ils professent honorer et servir le Seigneur, ils veulent se joindre à ceux qui présentent faussement Son caractère, Son Plan, Sa Parole ; ils veulent se réjouir avec ceux qui cherchent à assassiner le Seigneur. Ah ! qu’il serait bon que chacun de nous se posât cette question qui jaillit des lèvres des Apôtres lors du Souper Pascal « Seigneur, est-ce moi ? » Ne soyons pas prompts à excuser notre comportement, mais examinons sérieusement notre coeur, notre vie, notre conduite pour voir si nous ne sacrifions pas de quelque manière la Vérité et notre vie pour quelque rémunération que ce soit.
Nous ne combattons pas avec des armes charnelles
Lorsqu’Il ordonna à Pierre de remettre son épée dans le fourreau, notre Seigneur donna une leçon que ne sont pas parvenus à apprendre nombre de Ses disciples bien intentionnés. Au contraire, tout au long des âges de ténèbres, l’épée —la puissance militaire — a été réclamée et employée pour le compte d’une faction de prétendus disciples de Christ, et ensuite d’une autre; parfois ce fut contre des incroyants, mais, très souvent, contre des croyants qui eux aussi prétendaient suivre Christ. L’épée a souillé de sang l’église nominale, et est devenue une cause de scandale même pour des gens du monde qui voient combien le comportement de cette église a différé de celui que notre cher Rédempteur recommanda à Ses disciples.
Mais ici, il nous faut établir une différence et présumer que, comme jadis l’Apôtre déclara. « Tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël », ainsi aujourd’hui, ceux qui se trouvent dans la Chrétienté ne sont pas tous de véritables Chrétiens. Il nous faut croire que sont toujours vraies les paroles de l’Apôtre « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas. » Si l’esprit d’amour, de gentillesse et de douceur fait défaut chez quelqu’un, il y a là une bonne preuve que ce quelqu’un, quelles que puissent être ses déclarations de foi, n’est pas ministre de Christ, n’est pas ministre du véritable Evangile, mais simplement ministre de quelque dénomination humaine, de quelque faux évangile contredisant la Vérité…
La coupe que le Père m’a donnee à boire
Notre texte d’or exprime de la manière la plus belle, la plus concise, la plus vigoureuse, les principes qui ont poussé notre Maître à obéir au Père Céleste, et qui L’ont rendu capable de sortir vainqueur et même « plus que vainqueur » en toutes circonstances; et tous ceux qui s’efforcent de marcher sur Ses traces, d’être vraiment Ses disciples, feront bien de réfléchir mûrement sur la pensée exprimée dans les paroles suivantes “ Ne boirai-je pas la coupe que le Père m’a donnée à boire ? »Ces paroles sont claires; elles signifient que le Seigneur reconnaissait que les circonstances et les conditions dans lesquelles Il se trouvait n’étaient pas voulues par Lui, ni même par Ses ennemis. Il reconnaissait que Dieu supervisait toutes Ses affaires et que rien ne pouvait Lui arriver sans que le Père l’eût permis ; et parce que le Père avait arrangé les choses pour qu’elles fussent ce qu’elles ont été, parce qu’il avait versé pour Lui cette coupe, Son devoir était de la boire.
Nous ne voudrions pas affirmer que le peuple de Dieu ne devrait jamais chercher des moyens qui lui permettraient d’échapper à d’imminentes épreuves et difficultés ; à cet égard, nous avons en effet la promesse du Seigneur nous assurant qu’Il ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos, forces, mais qu’avec la tentation, Il préparera le moyen d’échapper aux parties de l’épreuve qu’il nous serait impossible d’endurer. Par conséquent, lorsque nous sentons que notre soumission au mal est près d’atteindre ses limites, que le secours doit intervenir sinon nous tomberons, nous devons chercher autour de nous pour voir quelle porte de sortie le Seigneur nous ouvre. Mais nous pouvons être assurés que l’issue de secours que nous prenons dans ce cas, nous ne nous la sommes pas faite nous-mêmes, mais c’est le Seigneur qui nous l’a préparée. Si en effet, demeurant en un lieu, nous devions faillir à notre devoir, si nous voulions fuir des épreuves, ce serait simplement pour tomber dans d’autres épreuves, plus sévères peut-être, en un autre endroit. Nous devons savoir d’avance que les épreuves, les difficultés, les persécutions, les calomnies, sont une partie du lot que le Père a réservé, non seulement à la Tête du Corps, mais aussi à tous ses membres. Comme de bons soldats, nous devons donc être prêts à endurer la rigueur. Ne fuyons pas, mais acceptons courageusement tout ce que le Seigneur, dans Sa providence, peut permettre qu’il nous arrive, à moins que nous soit montré un moyen raisonnable, convenable et honorable d’échapper à l’épreuve sans pour autant contrevenir à notre alliance et à la justice.
Il n’est peut-être aucune autre leçon que les disciples du Seigneur ont davantage besoin d’apprendre que celle de la bonne volonté à boire la coupe versée par le Père. Nous reconnaissons par là que le Père guide et contrôle nos affaires parce que nous sommes Siens, étant membres du Corps de l’Oint. A cet égard, les enfants de Dieu consacrés occupent une place très différente de celle qu’occupe le monde. Le Père ne traite pas comme fils les gens du monde qui ne sont pas à l’épreuve pour la gloire, l’honneur et l’immortalité et à qui, en conséquence, Il ne verse pas des coupes d’épreuve, de souffrances, etc. « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ? » N’est-ce pas une participation à Ses souffrances ? « Si nous souffrons avec Lui, nous régnerons aussi avec Lui » ; si nous sommes morts avec Lui, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui.
Extrait de W.T. 2778 — C.T.R. 1901