Dans le récit qui nous est fait, en Lévitique 16, du Jour de Réconciliation, nous apprenons qu’après que le taureau fut offert en sacrifice pour les péchés du corps du souverain sacrificateur et de sa maison, et que le bouc de l’Eternel fut offert pour les péchés du reste du peuple, le souverain sacrificateur fit approcher le bouc émissaire, posa ses mains sur la tête de l’animal et confessa sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes leurs transgressions, quels que fussent leurs péchés ; il les mit sur la tête du bouc et envoya celui-ci au désert. (Lév. 16 : 21). Nous avons déjà expliqué que ce bouc émissaire typifiait la « grande multitude » mentionnée en Apoc. 7 : 9-15. Nous avons indiqué que le bouc de l’Eternel et le bouc émissaire, tous deux attachés à la porte du Tabernacle, représentaient les deux classes de personnes qui, pendant cet Age de l’Evangile, se consacrent entièrement à l’Eternel, sont acceptées par Lui et engendrées du Saint Esprit. L’une de ces classes vit en accord avec son vœu de consécration, suivant l’exemple de Christ qui est représenté typiquement par le taureau. L’autre, également consacrée et engendrée du Saint Esprit, manque de tirer parti du privilège de « souffrir avec Christ ». Elle se soustrait aux souffrances impliquées dans l’alliance du sacrifice. La question se pose alors : Quels étaient ces péchés qui furent mis sur la tête du bouc émissaire, et que représentent-ils en antitype relativement à la grande multitude ? Nous répondons qu’ils ne représentent pas les mêmes péchés que ceux qui furent placés sur le taureau offert en sacrifice d’expiation pour la maison de la foi, et qu’ils ne représentent pas non plus les péchés pour lesquels l’expiation a été faite grâce au sang du bouc de 1’Eternel. Ces derniers péchés, qui étaient ceux de «tout le peuple », furent entièrement annulés par l’aspersion de ce sang.
La raison de ce manque d’harmonie apparent, qui semble ressortir de ce que tout d’abord une expiation est faite dans le Très Saint « pour les péchés de tout le peuple », et qu’ensuite toutes les iniquités du peuple sont mises sur la tête du bouc émissaire, s’explique par le fait qu’il y a deux sortes de péchés, et que les sacrifices de Christ et de l’Eglise, typifiés par les sacrifices du taureau et du bouc de l’Eternel, faisaient expiation pour une sorte de ces péchés et non pas pour les deux. C’est ainsi qu’il est écrit au sujet de notre Seigneur
« Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », et cet Agneau s’est associé l’Eglise, dont le sacrifice est représenté par le bouc de l’Eternel. Le péché du monde est le péché adamique, auquel l’Apôtre fait allusion, disant : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé à tous les hommes » (Rom. 5 : 12). Ce péché et sa peine furent supportés par chaque individu de la même manière, indépendamment de sa volonté, car tous sont nés dans le péché, conçus dans l’iniquité, souillés, incapables de faire ce qui est droit dans un sens absolu. C’est de ce péché-là, et de celui-là seulement, que Christ, Tête et Corps, porte la peine.
A part ce péché général, il existe cependant des « iniquités du peuple » que certains commettent plus, d’autres moins, et que d’autres encore ne commettent pas du tout. Ces iniquités sont les méfaits plus ou moins volontaires qui prévalent à travers le monde, — les violations de la justice et de la charité au-delà du degré de faiblesse héréditaire. Dans ces transgressions, il existe donc une mesure de responsabilité proportionnée à la connaissance de l’individu et à sa capacité de résister au mal. Ce sont-là les péchés du monde qui seront confessés sur la tête de tous ceux qui formeront la classe du bouc émissaire, et à cause desquels ces derniers devront souffrir. Nous trouvons un exemple de ce qui vient d’être dit dans les paroles de notre Seigneur relatives à l’Israël typique, et à la terrible détresse qui s’abattit sur ceux de la nation juive qui furent trouvés indignes — sur ceux qui avaient joui de grands privilèges et qui furent, cependant, trouvés indignes du haut appel.
De ce temps de détresse, notre Seigneur parla abondamment en Matthieu 24 ; et en Luc 21 : 22, Il déclara que « ce sont-là des jours de vengeance, afin que toutes les choses qui sont écrites soient accomplies ». L’Apôtre en parla aussi, et dit que « la colère est venue sur eux au dernier terme ». (1 Thess. 2 :16). Pourquoi une si grande sévérité fut-elle manifestée envers eux, bien plus grande que celle qui fut manifestée envers leurs ancêtres ? Pourquoi une si grande tribulation, comme l’annoncent les Ecritures, doit-elle venir sur ceux de la grande multitude vivant à la fin de cet Age, une tribulation plus grande que celle qui s’abattit sur d’autres dans les temps passés ? Notre Seigneur laissa échapper des paroles qui nous donnent la clé de l’énigme : « Afin que le sang de tous les prophètes qui a été versé depuis la fondation du monde soit redemandé à cette génération ». (Luc 11 : 50, 51). Et les Ecritures donnent à entendre qu’à la fin de cet Age, il s’effectuera pareillement un règlement des comptes du passé, entraînant des châtiments. Ces comptes doivent être réglés par la dernière génération des humains, et ils seront pleinement soldés dans la terrible détresse qui terminera cet âge. Par exemple, ceux qui souffrirent plus tôt dans cet âge sont représentés comme des âmes décapitées se trouvant sous l’autel et criant : « Jusques à quand, ô Maître saint et véritable, différeras-tu de juger, et de venger notre sang sur ceux qui habitent la terre ? ». (Apoc. 6 10). La réponse qui leur a été donnée laisse entendre que leur sang, le mal qui leur a été fait et l’injustice que l’on a commis à leur égard, de même que le mal qui a été fait à d’autres ayant vécu après eux et l’injustice que l’on a commise aussi à leur égard, sont tenus rigoureusement en compte et il sera nécessaire que ce compte soit entièrement réglé à la fin de cet Age.
Ceux qui ont fait une alliance par le sacrifice de leur vie au service du Seigneur, de la Vérité et des frères, et qui en vertu de cette alliance furent engendrés de l’Esprit en vue d’obtenir une nature spirituelle, seraient passibles de la seconde mort, s’ils négligeaient, par la suite, d’accomplir leur vœu ou alliance ; mais, dans Sa grande miséricorde, le Seigneur se propose de faire passer ces négligents par une « grande tribulation », et d’accepter comme « vainqueurs » ceux d’entre eux qui subiront loyalement les épreuves de ce temps de détresse. Mais leurs souffrances ne seront pas pour leur propre compte. Ils souffriront pour les péchés des autres. Ainsi, les péchés accumulés au cours de cet âge et commis contre la lumière et la connaissance, seront endossés par ceux qui, en ce jour où la lumière de la vérité « éclaire de son éclat », se sont quand même retenus d’accomplir le sacrifice volontaire qu’ils avaient commencé à leur consécration.
Cependant, en fin de compte, ceux qui forment cette grande multitude, après avoir passé leurs épreuves et démontré leur fidélité à l’Eternel, recevront une grande bénédiction ; celle-ci ne sera pourtant pas aussi grande et aussi glorieuse que celle que l’Eternel donnera au Petit Troupeau qui, de bon gré et avec joie, fait le sacrifice de sa vie en accord avec les privilèges et les instructions reçus par la Parole. Ceux de la grande multitude seront invités à participer au banquet des noces de l’Agneau. — Apoc. 19 : 9.
Certains nous ont écrit dernièrement en prétendant être assurés que la grande multitude sera bénie sur le plan terrestre. Nous répondons qu’il est exact qu’une grande multitude de gens —« toutes les familles de la terre » — seront bénis pendant le Millénium, par les bénédictions et les privilèges du rétablissement. Mais la Grande Multitude citée en Apocalypse 7 : 9-15 s’identifie spécialement à l’Eglise, et elle est séparée du monde. Elle parviendra à sa position par une « grande tribulation », tandis que le monde montera le grand chemin de la sainteté, sur lequel il n’y aura ni lion ni bête féroce, et cela en un temps où rien ne causera dommage et destruction dans tout ce saint Royaume.
S’il n’y avait pas de mentions de faites dans la Bible à propos de la Grande Multitude, nous serions portés à en chercher une, sinon nous devrions convenir avec tristesse que beaucoup iraient à la seconde mort. Assurément, de tous ceux qui se consacrent pleinement et qui sont engendrés du Saint Esprit à une nouvelle nature, seul un « petit troupeau » rendra sûre son élection, en en respectant les termes. Les autres, indignes de recevoir la gloire à laquelle ils furent appelés, doivent, semblerait-il, soit mourir de la seconde mort, soit passer par des épreuves ardentes et de grandes tribulations « pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus », et pour que la nouvelle nature soit développée.
W.T. 4273 – 1908