Le grand Jubilé de la terre

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A ceux qui ont suivi nos présentations dans les récents débats sur des sujets millénaristes, il n’est guère nécessaire de dire que notre attente d’une introduction rapide du Millénium n’est pas basée sur la théorie courante, selon laquelle le monde des humains se mettrait spontanément au service de l’Eternel et de la justice. Au contraire, nous voyons que même dans les pays soi-disant convertis, dans les pays où la Chrétienté a produit les formes de civilisation les plus élevées, les masses de gens sont loin d’être des saints. Si le monde entier était tenu pour converti, selon le sens ordinaire de ce terme, il serait encore loin de la glorieuse condition évoquée dans la prière du Seigneur où il nous est enseigné à attendre le Royaume de Dieu et à prier pour qu’il soit établi sur la terre et pour que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme elle est faite au ciel.

Quant à la conversion du monde païen, les statistiques contredisent la pensée selon laquelle elle progresserait. Aucun esprit sensé et raisonnable ne peut regarder les faits carrément en face et en même temps continuer à s’abuser en supposant que le Millénium peut être introduit par la conversion du monde païen en dépit des capacités restreintes actuelles de l’homme et sans l’intervention divine. Permettez-moi de vous exposer quelques faits, de vous les citer brièvement :

Quelques chiffres saisissants.

La population du monde est officiellement estimée à 1.600.000.000 (Statistiques de 1904; 4.999.214,000 en 1989, QUID 1991 – Trad.). Si l’on décompte de ce nombre les populations entières de l’Amérique et de l’Europe considérées comme chrétiennes, soit un total de 400.000.000 Chrétiens de toutes nuances « blancs, noirs, rayés, tachetés » comme les décrit l’évêque Foster (Amérique 688.270.000 + Europe 495.950.000 + URSS 283.100.000 = 1.467.320.000 en 1989 – Trad.), il reste 1.200.000.000 de païens vivant aujourd’hui (3.531.894.000 en 1989 – Trad.)(*). Les résultats du recensement fait aux Etats-Unis montrent que le pourcentage d’augmentation de la population du globe est actuellement de huit dixièmes pour cent (0,8 p.100) par an. Cela veut dire que 9.600.000 païens sont nés l’année dernière (28.255.152 selon les statistiques de 1989 Trad.). Ce nombre dépasse de très loin celui des convertis d’aujourd’hui. Quel homme sensé contestera ces chiffres ? Ayant ces faits devant lui, quel homme sensé pourrait espérer que même avec des efforts missionnaires multipliés par dix on pourrait d’une manière quelconque amener le Millénium ? Si même les espoirs les plus grands se réalisaient sous ce rapport, les résultats seraient-ils ceux pour lesquels nous prions, lorsque nous demandons que les choses soient faites comme au ciel ? Loin de là ! Même dans notre religieuse et tranquille Allegheny, les vrais Chrétiens représentent une petite minorité. Nous ne désapprouvons pas les grands efforts qui sont faits pour aider les païens, mais nous montrons simplement que les espérances millénaristes ne se trouvent pas dans cette direction.

Nos espérances millénaristes sont basées sur la grâce de Dieu manifestée par la grande oeuvre rédemptrice qui a été accomplie par notre Seigneur Jésus au Calvaire ; elles reposent sur le ferme fondement des promesses divines qui ont été données à l’origine par serment à Abraham par l’intermédiaire des prophètes du passé et des Apôtres de notre Seigneur Jésus. Selon notre

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(*) Selon le QUID de 1991, page 512, les Chrétiens représenteraient 32,8% de la population mondiale, soit 1.665.000.000.

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compréhension, ce fondement est beaucoup plus sûr que tout autre qui pourrait être conçu de quelque autre côté.

Dieu promit à Abraham que sa « postérité », le Christ, bénirait « toutes les familles de la terre » ; et, pour que nous puissions avoir une forte consolation, l’Apôtre dit que Dieu appuya d’un serment cette déclaration, afin que par deux choses immuables – la Parole divine et le serment divin – la foi du peuple de Dieu pût être fixée comme « l’ancre de notre âme, ferme et solide, qui pénètre au-delà du voile, dans le sanctuaire, où Jésus est entré pour nous comme notre précurseur ». – Hébr. 6 : 19.

Non pas un roi charnel et un royaume matériel.

Une grande erreur a été commise par beaucoup de nos chers amis qui réfléchissent avec nous dans une certaine mesure sur ce sujet. Ils ont suivi la pensée des Juifs, selon laquelle le Royaume de Dieu, quand il sera établi, sera un royaume matériel, terrestre. Ces vues erronées ont non seulement causé du tort à leurs propres conceptions du Royaume et contrecarré leur désir de parvenir à une compréhension plus claire de ce sujet, mais en plus ces vues terrestres et charnelles de la question ont éloigné des espérances du Royaume bon nombre des plus brillants esprits d’entre le peuple de l’Eternel.

Cette classe de personnes soulève une objection logique en déclarant que ce serait une absurdité et un mouvement rétrograde de croire que le comportement de l’Eternel avec l’Eglise a été sur un plan spirituel, que l’Eglise a été engendrée à une nature spirituelle et que les espérances célestes doivent aboutir à des conditions terrestres. Nous sommes d’accord avec cette objection. Notre compréhension des enseignements de la Parole de Dieu est que ceux de la classe du Royaume – les élus de cet Age de l’Evangile – seront « changés » de la nature humaine aux conditions spirituelles à la première résurrection, comme l’Apôtre l’explique en 1 Cor. 15 : 42-44. Ses paroles sont les suivantes : « Ainsi aussi est la résurrection des morts : il est semé en corruption, il ressuscite en incorruptibilité ; il est semé en déshonneur, il ressuscite en gloire ; il est semé en faiblesse, il ressuscite en puissance ; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y en a aussi un spirituel ».

Il n’est pas supposable que notre Seigneur, qui laissa la condition spirituelle et devint homme uniquement pour la passion de la mort, et non avec une intention quelconque de rester homme, doive encore être considéré comme homme dans le ciel. Au contraire, les Ecritures nous assurent partout qu’Il est maintenant un esprit vivifiant, faisant vivre, et que « si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière » (2 Cor. 5 : 16). Elles nous assurent qu’Il n’a pas été lésé par son obéissance au Père en devenant notre prix de rédemption, mais qu’au contraire « Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom » (Phil. 2 : 9). C’est parce que notre Seigneur Jésus est ainsi souverainement élevé et qu’Il a été changé de la nature humaine à la nature spirituelle que nous sommes pleins de confiance et que nous nous réjouissons des paroles de l’Apôtre quand il nous assure que nous serons « changés » – rendus semblables à notre Seigneur -, que nous le verrons tel qu’Il est (non pas tel qu’Il était) et que nous aurons part à Sa gloire. – 1 Cor. 15 : 51 ; 1 Jean 3 : 2.

Royaume spirituel – Sujets terrestres.

Il n’y a rien de mystérieux ni d’inconséquent dans la conception d’un royaume spirituel gouvernant et bénissant des sujets terrestres. Telle était la particularité de l’empire originel de Dieu institué en Eden – un homme, un être terrestre, sous les lois et la direction de l’empire céleste et assujetti à elles. Telle aussi est la particularité du Royaume au temps présent en ce qui concerne l’Eglise. Notre Seigneur est maintenant le roi de ceux qui Lui ont livré leur coeur et cherchent à se rendre obéissants à Sa volonté. Il est invisible aux yeux de la chair, mais nos esprits ont conscience de Sa présence et nous pouvons percevoir notre Seigneur et Roi avec les yeux de notre entendement, et dans nos coeurs nous rendre obéissants à Lui. Nous pouvons ainsi lui rendre hommage aussi bien ou mieux que s’Il était dans la chair, un roi terrestre. Pourquoi ne devons-nous pas conclure que les hommes, dans l’Age millénaire à venir, seront bien plus bénis en ayant conscience de leurs obligations envers un royaume et un roi spirituels que simplement envers un royaume terrestre ?

En vérité, les Ecritures parlent de représentants terrestres du Royaume céleste : « Quand vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu ». (Luc 13 : 28). Quand le royaume spirituel sera établi parmi les hommes, il aura pour représentants terrestres ces anciens dignitaires, parfaits comme hommes. Bien que ceux qui formeront la classe du Royaume, le Seigneur et Son Eglise élue dans la gloire, soient invisibles aux hommes, ils seront pleinement représentés par ces délégués fidèles et compétents.

Tous les humains se rendront compte alors que chaque parole, chaque pensée et chaque acte de la vie sera discerné par leurs gouvernants spirituels. Dieu merci, ils peuvent être assurés que le jugement de leurs paroles et de leurs pensées s’exercera avec une clémence convenable et raisonnable – avec compassion -, étant donné que tous ceux qui seront leurs juges dans le Royaume auront eux-mêmes passé par des épreuves similaires à beaucoup d’égards, et ils seront capables de partager les sentiments de ceux dont ils seront les juges, ainsi qu’il est écrit : « Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ? » – 1 Cor. 6 : 2.

Le grand jubilé de la terre.

Notre thème de discussion pour aujourd’hui se rapporte aux grandes bénédictions du Jour de Jugement du monde. Au lieu de l’appeler « le jour de sentence » [en anglais « doomsday » les Ecritures le décrivent comme une période de grand « Jubilé ». Pendant de nombreux siècles, dans chaque pays, dans chaque partie de la terre, Satan s’est efforcé de présenter sous un faux jour le caractère et le plan de Dieu, afin d’éloigner les hommes de plus en plus de leur grand Créateur, de les empêcher d’entendre et d’apprécier Ses « magnifiques paroles de vie » « qui parlent de paix par Jésus-Christ notre Seigneur ». Le grand adversaire a totalement mal représenté le jour de jugement qui vient. Celui-ci doit être un jour de jugement dans le sens que des récompenses seront accordées et des punitions seront infligées à l’Eglise pour les actions de la vie présente, mais non pas au monde.

L’Eglise, ayant été libérée de la condamnation originelle par la foi en Christ et « justifiée par la foi », et s’étant consacrée à l’Eternel, est maintenant à l’épreuve ; et l’Apôtre nous assure que chaque membre de l’Eglise, à la fin de cet âge, à l’aurore de l’Age millénaire, recevra « selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans le corps ». – comme membre du Corps de Christ. (2 Cor. 5 : 10). Certains de ces « vainqueurs » seront héritiers avec le Seigneur dans le Royaume, tandis que d’autres d’entre ces consacrés ne réussiront pas à parvenir à cette position élevée et feront partie de la grande multitude dont il est fait mention en Apocalypse 7 : 9-15. Ils ne monteront pas sur le trône avec la classe de l’Epouse, mais ils jouiront de grands privilèges en ce qu’ils serviront Dieu devant le trône pendant l’Age millénaire ; ils n’auront pas de couronnes, mais ils auront des palmes à la main, parce qu’ils ne furent pas suffisamment fidèles à l’Eternel et aux principes qu’Il énonça ainsi qu’aux termes de leur alliance. Ils laissèrent leurs robes blanches de la justification se salir, se souiller, se plisser ; ils manquèrent d’en prendre convenablement soin et ils devront enlever les taches et les faux plis de leurs robes avec le sang de l’Agneau ; par conséquent ils doivent « laver leurs robes et les blanchir dans le sang de l’Agneau » (Apoc. 7 : 14) – dans de grandes tribulations. D’autres encore, qui ont fait partie de l’Eglise, seront estimés dignes de la seconde mort, comme les Ecritures l’indiquent clairement.

Quant au monde, il doit attendre son jugement qui aura lieu pendant l’Age millénaire. Ceux qui n’entendent pas l’invitation de l’Evangile au temps présent auront laissé échapper l’occasion de changer de nature, de passer de la nature humaine à la spirituelle. La grande opportunité qui sera offerte aux humains sera une opportunité de retourner aux conditions humaines parfaites, morales, physiques, et leur habitation sera la terre rajeunie – « le Paradis rétabli ». Les gens du monde seront alors à l’épreuve, mais non pour le péché d’Adam, ni pour les faiblesses qu’ils ont héritées de lui et pour lesquelles ils sont déjà condamnés et meurent.

Ce jugement-là est passé ; il a été rendu irrévocablement dans la sentence divine prononcée contre Adam après sa désobéissance, et cette sentence, – « mourant, tu mourras » -, s’est étendue à tous les membres de sa famille. Mais le prix de rédemption de Christ racheta le monde entier de cette sentence et accorde au monde entier une nouvelle épreuve pour la vie, une nouvelle occasion de parvenir à une connaissance de Dieu, et aux conditions de laquelle la vie éternelle pourra être accordée. Cette épreuve sera permise pour voir si oui ou non les humains résisteront à cette épreuve ou mise à l’essai et seront obéissants aux conditions imposées.

En ce qui concerne le monde, cette connaissance n’a pas encore été atteinte ; il n’y a jamais eu d’épreuve ou jugement selon les clauses de la Nouvelle Alliance. La promesse de la Parole de Dieu est que le monde aura une telle occasion ou épreuve. « Dieu a fixé un jour (l’Age millénaire) où Il doit juger le monde avec justice par l’Homme qu’Il a établi pour cela » – le Christ.

(A suivre).

Sermon du Pasteur RUSSELL.

(PITTSBURGH GAZETTE du lundi 4 janvier 1904).