Le Médiateur de la Réconciliation.

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(Chap. VII. du Vol. V, de l’Aurore du Mi1lénium.)

,,Le Fils de l’homme.”

Ce que ce titre ne signifie pas. — Ce qu’il signifie. —Jésus seul peut prétendre incontestablement aux honneurs qui s’y rattachent. Le Fils de l’homme jugé par par le monde. L’opinion de Pilate, celle de J.J. Rousseau. celle de Napoléon. —— Signification de certains passages du Livre sacre (Esaïe 52 et 58). — “Il n’avait aucune apparence pour que nous le désirions.” — “Tellement il était défait de visage.” —- “il se distingue entre dix mille.” — “Et toute sa personne est pleine de charme.” — Cant. 5: 10—16.

Parmi les nombreux titres appliqués à notre Seigneur et dont il se sert lui-même le plus souvent est celui de ,,Fils de l’homme”. Quelques-uns ont cru voir en cela que Jésus concédait qu’il était un fils de Joseph; mais ceci est tout à fait faux : Jésus ne reconnut ja­mais Joseph comme son père. Il est bon au contraire de remarquer qu’il s’attribue ce titre, non seulement en rapport avec sa vie terrestre, mais aussi en rapport avec sa condition présente et sa gloire. Et, partant de ce fait, plusieurs sont tombés dans l’extrême opposé, ils ont cru et croient que le Fils de Dieu est actuel1ement un homme au ciel, possédant toujours sa nature humaine. Mais comme nous allons le démontrer c’est là une pensée qui manque de toute certitude; c’est une fausse conception du titre de ,,Fils de l’homme”. Une telle pensée est complètement en désaccord avec tout ce que nous enseigne l’Ecriture sainte. La Bible démontre très clairement que l’abaissement du Seigneur en prenant une nature humaine n’était pas éternel mais passager et ayant pour but d’effectuer la rédemption de l’homme, de subir le châtiment de l’homme et en même temps de prouver ainsi sa propre fidélité au Père. C’est pour cela qu’à sa résurrection il fut souverainement élevé, non seulement à la gloire qu’il avait auprès du Père avant que le monde fût, mais à une gloire plus excellente, bien au-dessus des anges, des dignités et des puissances, — à la nature divine, ,,à la droite (à la place ou faveur) de la Majesté dans les lieux très hauts”. — IIéb. i : 3.

Nous relevons ci-dessous quelques-uns des usages que fit notre Seigneur de ce titre: ,,A l’époque de la moisson de cet âge de l’Evangile, le Fils de l’homme enverra ses anges. “‘ — Matth. 13 : 41.

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,,Telle sera aussi la présence du Fils de l’homme”, à la moisson, à la fin de cet âge. — Matth. 24: 27, 37.

,,Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire et tous les saints anges avec lui.” — Matth. 25 : 31.

“Le Fils de l’homme aura aussi honte de lui quand il viendra dans la gloire de son Père.” — Marc 8: 38.

,,Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. “ —    Jean 3: 13. (Qui est dans le ciel ces mots ne se trouvent pas dans les plus anciens manuscrits grecs voy. la remarque du N. Test, de Stapfer.)

“Et si vous contemplez le Fils de l’homme montant où il était auparavant.” — Jean 6: 62.

Les Ecritures identifient “le Fils de l’homme” avec le Seigneur de gloire et avec l’homme Christ Jésus qui se donna lui-même, ainsi qu’avec le Logos [le Verbe] (Jean 1 :1-2. se lit ainsi, littéralement: ,Au commencement Prov 13 :22,23] était la Parole [le Logos]: et la Parole était avec le Dieu [le Père]; et la Parole était un dieu (un puissant). Elle était au commencement avec le Dieu [le Père]. Les trad. de la Bible ont oublié le mettre l’article de­vant Dieu (theos) qui se trouve bien dans le grec [Rem. de la Rédaction].) pré-humain qui est descendu du ciel et qui a été fait chair. Evidemment les Juifs n’eurent jamais la pensée que le titre ,,Fils de l’homme” signifiait fils de Joseph ou fils d’un homme dans le sens ordinaire, d’avoir reçu la vie d’un père humain ; ceci ressort du fait qu’ils dirent (Jean 12 : 34): ,.Nous avons appris par la loi que le Christ demeure éternellement; comment donc dis-tu: Il faut que le Fils de l’homme soit élevé? Qui est ce Fils de l’homme?” Il est évident que les Juifs identifiaient l’expression ,,Fils de l’homme” avec le Messie qu’ils espéraient, on s’appuyant sans doute on grande partie sur la déclaration de Daniel (7 : 13):

“Je regardais”pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux quelqu’un de semblable à un fils de l’homme; il s’avança vers l’Ancien des jours et un le fit approcher de lui. On lui donna la domination la gloire et le règne; et tous les peuples, les nations et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point et son règne ne sera jamais détruit.” Dans l’Apocalypse (14 14), le Seigneur s’identifie lui-­même avec cette description et se représente comme ,,quelqu’un qui ressemble à un fils de l’homme, ayant sur sa tête une couronne d’or et dans sa main une faucille tranchante” — le capitaine commandant de la moisson de l’ère évangélique.

Néanmoins, bien qu’assurés que ce titre ne s’ap­plique en aucun sens au fils de Joseph; et malgré l’évidence concluante que la nature humaine qu’avait pris le Seigneur est sacrifié pour toujours et qu’il est maintenant un esprit vivifiant,” un être spirituel de l’ordre le plus élevé (Héb. 2:9, 16; 1 Pierre 3:18; Jean 6 : 51; Phil. 2 : 9), la question se pose toujours:

Pourquoi choisit-il un tel nom et tel titre? Ne pou­vons-nous pas supposer qu’il y a en cela une raison particulière, puisque chacun des titres de Jésus a une signification particulière lorsque nous les comprenons à leur juste valeur.

Il y a en effet une raison des plus importantes pour l’emploi de ce titre. C’est un titre très honorable, parce qu’il est le souvenir perpétuel de sa grande vic­toire, de son humble et fidèle obéissance jusqu’à la mort à tous les arrangements du Père céleste; oui, jusqu’à la mort de la croix, par laquelle il s’assura un titre à tous les honneurs, à la gloire, à la dignité et à la puissance et à la nature divine. Ce titre ,,Fils de l’homme” rappelle directement aux anges et aux hommes la grande exhibition d’humilité do l’Unique Engendré du Père, comme aussi le principe qui est à la base du gouvernement divin, — ,,quiconque s’élèvera sera abaissé et quiconque s’humiliera sera élevé”.

Ce nom, chaque fois qu’il est employé, renferme tout un volume de précieuses instructions pour ceux qui sont enseignés de Dieu, qui aiment l’honorer et faire les choses qui lui sont agréables.

Dans le même sens que notre Seigneur était ,,de la semence de David” et de la semence d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il était aussi de la semence d’Adam, par la mère Eve, mais ,,sans souillure, séparé des pécheurs ”. Il est aussi fait mention de la ,,semence de la femme’ comme étant l’antagoniste de la semence du serpent, mais il n’y a pas le moindre indice qu’Eve aurait eu une semence séparée de son mari, Adam. Et comme on peut parfaitement penser de Jésus et en parler comme étant la semence de David, on peut de même y penser comme étant la semence d’Adam, par Eve. C’est ce que nous croyons être l’explication du titre de ,,Fils de l’homme”.

Adam, comme chef de la race humaine, désigné pour lui donner la vie, ne put à cause de sa désobé­issance assurer une vie éternelle à sa postérité; néanmoins la Providence avait prévu le temps où le Messie, fait semblable à la nature d’Adam, rachèterait celui-ci et toute sa postérité. Adam était l’honune proémi­nent, comme Dieu le voulait, en ce qu’il était le prince de l’humanité, et en lui résidait la domination de la terre. Nous lisons Ps. 8 : 5-9 et Héb 2:6_8 (L.*):( Lorsque nous dévions des Bibles françaises les plus utsitées, Segond, Osterwald, etc., nous nous servons principalement de la trad. la plus litté­rale, la version de Lausasse. désigée par “ L ” parfois aussi de elle de Darby (D) ou Satpfer (St) )

,,Qu’est-ce que le mortel, que tu te souviennes de lui, ou le fils de l”homme, que tu le visites? Tu l’as fait quelque peu inférieur aux anges; tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu l’as fait dominer sur les ou­vrages de tes mains tu as tout mis sous ses pieds; les brebis et les boeufs, tous pareillement, et même les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, ce qui parcourt les sentiers des mers.”

Ce droit, cette royauté et domination terrestres qui tombèrent en désordre et se perdirent par la chute, furent néanmoins une partie, une portion de ce qui fut racheté par la grande offrande pour les péchés. Ainsi qu’il est écrit prophétiquement du Seigneur: “Et toi, Tour du troupeau, . . . à toi elle parviendra; oui, elle vient, la domnation première” (Mich. 4 :8, L.). Nous voyons donc que, sous l’arrangement divin, l’espérance du monde reposa sur la venue d’un grand fils et héri­tier d’Adam, d’un grand fils d’Abraham, de David, de Marie; mais cela n’implique pas cependant que la vie de ce fils procéderait d’Adam, d’Abraham, de David ou de Marie. Comme nous l’avons vu [dans les chap. précédents du Vol. V], sous l’arrangement divin un beau-fils est regardé comme un membre de la famille capable de racheter et de reprendre une possession

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perdue (Ruth 4:1-10). Dans le cas de notre Soi­gneur, ce n’est que l’organisme physique qui émana de sa naissance terrestre, sa vie procéda de Dieu, —par son origine Jésus fut connu comme le Logos.

Plus nous examinons ce sujet, plus la preuve de ce que nous avançons devient évidente; car celui qui connaît le grec peut tout de suite s assurer du fait que dans tous les exemples où Jésus emploie ce terme “Fils de l’homme” c’est dans un sens emphatique, que nos Bibles françaises — cette langue s’y prêtant mieux —       ont le mérite d’avoir bien rendu, mieux que les traductions anglaises et allemandes ordinaires. En effet nous lisons dans le grec: ,,le Fils de l’homme [de le 1’homme — Adam]; titre que personne ne peut contester au Seigneur. De même qu’Adam seul fut parfait et que tous les autres de sa postérité dégénérèrent, excepté ce seul Fils qui revêtit lui-même la nature d’Adam, pour être le Rédempteur de toutes ses possessions perdues, ainsi, quand il racheta la race humaine et depuis qu’il l’a rachetée de la malédiction ou de la sentence de la mort, le droit au titre de ,,Fils de l’homme [Adam]” lui est acquis d’une manière légale et incontestable.

Non seulement ce titre lui appartenait à bon droit pendant qu’il donnait la grande ,,rançon pour tous”, mais il lui appartient en propre, durant l’âge de l’Evangile, pendant que se fait l’Election de ses co­ouvriers dans le programme du rétablissement de toutes choses. Et bien plus encore, ce titre lui appartiendra de plein droit pendant le cours de son Royaume mil­lénaire, lorsque, comme le Fils de l’homme [maintenant transformé et souverainement élevé], il exécutera l’oeuvre de rétablissement, ,,la rédemption [délivrance] de la possession acquise.” — Eph. 1: 14.

L’homme Christ, Jésus, décrit par les incrédules.

Ce ne sont pas simplement les disciples dévoués du Seigneur Jésus-Christ qui reconnurent sa sagesse et sa grâce et remarquèrent qu’il était “rempli de toute la plénitude de Dieu”, mais ses adversaires même le reconnurent comme bien supérieur à l’homme ordinaire, comme nous le lisons on Luc 4 : 22: ,,Et tous lui ren­daient témoignage, et ils étaient étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche.” D’autres dirent (Jean 7 : 46): ,,Jamais homme n’a parlé comme cet homme.” Et Pilate, regrettant de détruire la vie du plus noble Juif qu’il eut jamais rencontré, chercha par tous les moyens à apaiser la fureur de la multitude et à détourner son aversion pour Jésus, car il remarqua très bien qu’elle était excitée par les scribes et les pharisiens envieux et jaloux de la popularité du Sau­veur. Il n’y a pas de doute que Pilate fit amener finalement Jésus devant ses accusateurs, avec la pensée qu’un regard sur ses nobles traits ferait cesser leur haine et leur malveillance. En le présentant, Pilate s’écria, on accentuant fortement sur l’article: ,,Voici [voyez] l/(e)’homme!” Comme s’il avait voulu dire : L’homme dont vous me demandez la crucifixion n’est pas seulement le Juif au-dessus des autres Juifs, mais l’homme au-dessus de tous les hommes. De même c’est concernant l’humanité de Jésus que Jean déclare: ,,La Parole a été faite chair . . ., et nous avons contemplé sa gloire la gloire de l’unique Engendré du Père ” (L). — Jean 1:14; 19:5.

Ici trouve place l’éloge bien connu et souvent cité de J. J. Rousseau, le célèbre philosophe de Genève, sur le Fils de l’homme” et ses enseignements. Il dit “textuellement”

: “Je vous avoue aussi que la sainteté de l’Evangile est un argument qui parle à mon coeur et auquel j’aurais même regret de trouver quelque bonne réponse. Voyez les livres des philosophes avec toute leur pompe: qu’ils sont petits prés de celui-là! Se peut-il qu’un livre à la fois si sublime et si simple soit l’ouvrage des hommes? Se peut-il que celui dont il fait l’histoire ne soit qu’un homme lui-même ? Est-ce là le ton d’un enthousiaste, ou d’un ambitieux sectaire ? Quelle douceur, quelle pureté dans ses mœurs! Quelle grâce tou­chante dans ses instructions ! Quelle élévation dans ses ma­ximes Quelle profonde sagesse dans ses discours Quelle présence d’esprit, quelle finesse et quelle justesse dans ses réponses ! Quel empire sur ses passions! Où est l’homme, ou est le sage qui sait agir, souffrir et mourir, sans osten­tation comme sans faiblesse? . . . Mais où jésus avait-il pris chez les siens cette morale élevée et pure dont lui seul a donné des leçons et l’exemple? Du sein du plus furieux fanatisme la plus haute sagesse se fit entendre et la simplicité des plus héroïques vertus, honora le plus vil [noble] de tous les peuples. Dirons-nous que l’histoire de l’Evangile est inventée à plaisir? Mon ami, ce n’est pas ainsi qu’on invente, et les faits de Socrate dont personne ne doute sont moins attestés que ceux de Jésus—Christ . . . . ”

Ce qui suit est l’éloge du “Fils de l’homme”, qu’on met dans la bouche du grand Napoléon Bonaparte [que nous traduisons de l’anglais, faute de l’original]:

“Du commencement à la fin Jésus est le même — toujours le même — majestueux et simple, infiniment sévère et infi­niment aimable. Sa vie aux yeux de tous — ne fut jamais trouvée en faute. La sagesse de sa conduite, unie à sa force de caractère, en même temps qu’à sa douceur, force notre admiration. Il est le même en paroles et en actions, — illu­miné, calme et ferme. Il est dit que la sublimité est un at­tribut de la divinité: quel nom devons-nous donc donner à celui dans la nature duquel était réunie tous les éléments si sublime?

“Je connais les hommes et vous dis que Jésus n’était pas un homme. Toutes choses en lui m’étonnent. Impossible de faire une comparaison entre lui et tout autre être dans le monde. Il est vraiment une existence par lui-même. Ses idées et ses sentiments, la vérité qu’il annonce, sa manière de parler, tout est au-dessus de l’humain et de l’ordre naturel des choses. Sa naissance et l’histoire de sa vie, la profon­deur de sa doctrine, qui résout d’une manière satisfaisante toute difficulté; son Evangile; la singularité de cet être mys­térieux et son, apparence; l’influence et le progrès de son empire durant tous les siècles et à travers tous les royaumes tout cela m’est un prodige, un mystère insondable. Je ne vois rien ici de l’homme. J’ai beau m’approcher, plus j’exa­mine, plus tout reste pour moi hors de comparaison — grand d’une grandeur qui m’écrase. C’est en vain que je réflé­chis tout demeure inexplicable. Je vous défie de me citer une vie semblable à celle de Christ.”

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Oh, oui! la vérité est plus étrange que la fiction; l’homme parfait Jésus, oint de l’esprit du Très-Haut, différait tellement de la nature déchue de la race im­parfaite, dont il s’était revêtu pour la racheter, que le monde est certainement excusable quand il se de­mande s’il n’a pas été plus qu’un homme. Assurément Jésus était plus, bien plus qu’un homme ordinaire —beaucoup plus qu’un homme pécheur; car il était séparé des pécheurs, et, comme homme parfait, il était l’image même, la ressemblance du Dieu invisible. — 1 Cor. 1 : 15.

,,iI n’avait ni beauté, ni éclat . . . pour nous plaire.”

“Et il est monté comme un rejeton devant lui et comme une racine (sortant) d’une terre aride; il n’a ni forme ni éclat; quand nous le regardons, il n’a aucune apparence pour que nous le désirions. Méprisé et moindre [ou D. (plus) délaissé] que les hommes, homme de douleurs et connu de la souffrance ; comme celui dont on cacherait sa face [ou mieux, selon Osterw., et nous avons comme caché (notre) face de lui], il est méprisé et nous ne l’avons point estimé (L.)”. — Esaïe LIII, 2—3.

Quelques-uns ont cru devoir déduire de ces passages que l’apparence personnelle du Seigneur était inférieure à celle des autres hommes et trouvent là une preuve qu’il n’était pas séparé des pécheurs, mais participait au péché et à son châtiment qui est la dégradation. Nous ne pouvons nous ranger à cette idée, ce serait contraire à toutes les déclarations de l’Ecriture; nous pensons plutôt pouvoir expliquer cette déclaration, en la mettant on harmonie avec l’ensemble du témoignage de toutes les Ecritures saintes qui y ont trait, et en faire la démonstration sans violenter en rien les vrais principes d’interprétation.

Il a différents types d’honorabilité, de beauté et de dignité; et l’idéal des divers peuples, et d”un même peuple, diffère beaucoup selon les circonstances. L’idéal de beauté chez les peuples barbares est répulsif pour les peuples civilisés. Le guerrier indien, teint de rouge et de jaune, couvert d’écailles et de plumes colorées et munie d’une ceinture de scalpes sanglants est la beauté idéale de certains sauvages. Le boxeur, bien équipé, qui entre on lice pour le prix est l’idéal de l’homme bien fait pour les sportsmen, pour ceux qui considèrent ainsi la virilité, humaine. Pour d’autres encore le toréador richement paré est le grand idéal de la perfection humaine, il capture l’admiration et attire l’applaudissement de la multitude. Ainsi l’idéal varie suivant les temps, les circonstances et les im­pressions respectives. Comme cette prophétie d’Esaïe a trait à notre Seigneur, lors de son premier avène­ment, il faut la comprendre dans ce sens que Jésus ne répondait pas à l’idéal juif, tel que les Juifs se le représentaient. Et il faut bien qu’il en ait été ainsi puisqu’ils demandèrent qu’on ôtât celui-là même du­quel Pilate leur avait dit: “Voyez l’homme!” on criant: ,,Crucifie-le . . . nous n’avons de roi que César!”

Il faut nous rappeler qu’à l’époque du premier avène­ment, la nation juive était assujettie au joug des Ro­mains et que depuis six siècles déjà elle était “foulée aux pieds par les nations”. Rappelons-nous aussi l’espérance d’Israël — espérance qui reposait sur les promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob et qui avait été renouvelée par tous les prophètes — qu’au temps convenable Dieu leur enverrait son Oint, qui serait un législateur plus grand que Moïse, un général plus grand que Josué et un roi plus grand que David ou Salomon; et que c’était justement à ce moment-là que les Juifs étaient dans l’expectative du Messie, mais selon leur idéal, ainsi qu’il est écrit (Luc 3: 15):

,.Le peuple était dans l’attente et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.” Mais quand Jésus fut annoncé comme le Messie, son ap­parence était si différente de tout ce que les Juifs attendaient, que leur cœur hautain eut honte de lui, qu’ils cachèrent leur face de lui et lui tournèrent le dos — surtout les conducteurs et les grands de cette nation, dont les instructions étaient suivies par le commun peuple.

Ils attendirent un Messie qui réunirait en lui les qualités d’un grand général, d’un grand roi et d’un grand législateur, un homme plein de dignité, de hau­teur, d’ambition, de fierté et d’opiniâtreté, hautain et dominant en paroles et en actes.

C’était l’idéal qu’ils se faisaient de ce qui devait constituer les qualités nécessaires du Roi qui conquerrait le monde et ferait d’Israël la principale nation. Ils avaient remarqué l’orgueil, l’insolence et l’arrogance d’Hérode, que l’empereur romain avait établi roi sur eux. Ils avaient vu quelques géné­raux, gouverneurs et centurions romains; ils s’imagi­nèrent que l’empereur romain, élevé à la prédominance dans l’empire, devait posséder ces divers traits caractéris­tiques d’une manière bien plus marquée; et qu’ainsi le Messie qu’ils attendaient brillerait beaucoup plus et posséderait ces qualités d’une manière plus frap­pante encore, comme devant représenter la dignité et la gloire plus grandes de la Cour céleste et de son autorité transférées sur la terre.

Il n’y a donc rien d’étonnant qu’attendant le Messie dans un tel aspect ils ne fussent pas préparés à re­cevoir l’humble et doux Nazaréen, qui eut pour, com­pagnons des publicains et des pécheurs et dont la seule arme fut ,.l’épée de sa bouche”. Rien d’éton­nant, que quand il fut annoncé comme étant l’espérance d”Israël, le Messie, le roi des Juifs, ceux-ci lui aient tourné le dos et aient été douloureusement désap­pointés dans leur fausse attente si longtemps nourrie. Rien d’étonnant encore, qu’ils aient ou honte de reconnaître ,,Jésus, le Roi des Juifs” et qu’ils aient dit: Il n’est pas ce que nous désirions comme beauté, honneur et dignité; il n’est pas le soldat, l’homme d’état et le roi idéal, qui répond aux besoins de notre nation; ce n’est pas lui qui accomplira nos espérances chéries. Eh, oui! comme aujourd’hui une classe sem­blable qui attend le second avènement du Messie, les Juifs crurent que vraiment leurs espérances fondées sur ,,la tradition des anciens” étaient correctes et négligèrent par conséquent de sonder sincèrement et sérieusement les Ecritures qui auraient pu les ,,rendre sages à salut”. — 2 Tim. 3 : 15.

Il est clair que c’est bien à cette apparence peu désirable, à ce manque de beauté (d’honneur) recherchée

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par les Juifs, que le prophète fait allusion. Il serait Illogique et hors d’harmonie avec les déclara­tions répétées de la pureté de Jésus.”, comme “Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde” — ,,saint, inno­cent, sans souillure et séparé des pécheurs,” — que de traduire et d’interpréter la prophétie en désaccord avec les faits historiques admis comme étant son accomplissement.

..Tellement il était défait de visage”.

Esaïe 52: 13-15 (L).

Ici de nouveau une traduction défectueuse a fait surgir des pensées erronées concernant l’apparence de notre Seigneur; et pourtant le lecteur le plus in­souciant qui a vu des visages d’hommes défigurés par la débauche, par des maladies, ou par un accident doit se dire qu’il est impossible que la face ou la physionomie de Jésus ait été défigurée et déformée ”plus que celle d’aucun homme et plus que celle des fils des hommes”. Il y a ici quelque chose qui évi­demment n’est pas en ordre, sans cela Pilate n’aurait pu le présenter au peuple et dire: ,,Voyez l’homme !“ Jamais le peuple n’aurait acclamé un tel homme comme ,,le Fils de David” et n’eût ou l’idée de le prendre par la force pour le faire roi. De plus n’est-il pas dit: ,,Aucun de ses os ne sera brisé?” Mais comme tout change et combien cette déclaration pro­phétique s’harmonise mieux avec les faits de l’histoire biblique et avec les déductions logiques de sa sainteté et de sa pureté si nous la lisons comme suit:

,.Autant beaucoup (de gens) ont été stupéfiés à ton sujet (tellement il était défait de visage [litt.] aux yeux de l’homme et d’aspect aux yeux des fils des hommes), autant il transportera d’admiration beaucoup de nations.”

De même que les gens de son temps ont été sur­pris de le voir se soumettre au bon plaisir de ceux qui posèrent sur Sa tête une couronne d’épines, le frappèrent, crachèrent contre lui, le crucifièrent et le percèrent, ainsi d’autres de toutes les nations, main­tenant et dans l’avenir, en entendant parler de l’en­durance, d’une telle contradiction contre lui-même de la part des pécheurs” (Héb. 12 : 3), sont étonnés et s’étonneront d’une telle patience et d’une telle débonnaireté.

“ A son sujet des rois auront la bouche fermée; car ce qui ne leur avait pas été raconté [au sujet d’autres], ils le verront [illustré en Lui] et ce qu’ils n’avaient pas entendu ils le discerneront.” Jamais les grands de la terre n’ont entendu dire qu’aucun roi se soit sou­mis volontairement à de telles indignités de la part de ses sujets et dans le but de leur faire du bien. ”Son amour est (vraiment) plus grand que celui d’un frère.” Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que tous soient dans l’admiration “au propre temps.”

Il est vrai que le visage de notre Seigneur porta l’empreinte de douleurs, car son cœur profondément sympathique compatissait à nos infirmités (114h. 4 : 15): et sans aucun doute ces marques augmentèrent jusqu’à la fin de son ministère, au Calvaire. Il faut nous mettre dans l’esprit que plus un organisme est fin et tendre et plus sa sensibilité est délicate, plus il est susceptible de douleurs. Nous pouvons parfaitement nous imaginer que des scènes de troubles, de mala­dies, de misère et de dépravation auxquelles nous, comme participants de la chute et grâce à un contact continuel avec les maux de l’humanité, nous nous habituons plus ou moins doivent avoir eu un effet beaucoup plus considérable sur l’homme parfait, Jésus, le seul pur et le seul saint. Nous pouvons trouver des exemples de ces choses dans la vie journalière. Ceux qui possèdent une sensibilité comparativement fine et qui sont accoutumés au luxe, au raffinement, à la beauté et à un milieu privilégié; sont sûrs d’être pris de nausées en visitant les quartiers pauvres d’une grande ville, à la vue de la dégradation, des conditions défavorables, de la mauvaise odeur, du bruit confus et de la malpropreté qui y règnent. Involontairement ils pensent que la nécessité de vivre dans de telles conditions doit être terrible, et combien la mort serait préférable! Ils peuvent cependant, tout en tenant un tel soliloque, voir peut-être un enfant jouant gaie­ment, une lessiveuse plaisanter, ou entonner un air tout en travaillant, un homme tout heureux lisant son journal, ou encore un garçon essayant de tirer de doux sons d’un vieil instrument de musique. Ces choses nous indiquent que ceux qui sont habitués à de tels aspects, à cette misère générale, en souffrent beaucoup moins que ceux qui depuis leur enfance ont l’habitude du bien-être.

Tout ceci ne nous donne cependant qu’une notion bien vague de la différence qui existe entre ce que nous ressentons et ce que le Seigneur a dû ressentir au sujet de l’état pécheur et malheureux de l’huma­nité. Comme un être parfait, qui avait quitté la gloire et les lieux célestes et qui s’était humilié pour parti­ciper aux maux du genre humain, pour lui montrer sa sympathie et l’en délivrer, il ressentit sûrement beaucoup plus que nous la misère de ”la création gémissante”’. Il n’y a donc pas lieu de nous étonner que le poids de nos douleurs ait jeté une ombre sur sa glorieuse beauté et sur son visage parfait! Que son contact avec les maux de la terre et sa partici­pation volontaire aux faiblesses et aux maladies hu­maines (au prix de sa vie et de sa vitalité), aient fait une empreinte profonde sur la face et la forme du Fils de l’homme! Cependant nous ne pouvons pas douter un seul moment que son intimité avec le Père, sa communion du saint Esprit et le témoignage de sa conscience — qu’il fit toujours ce qui était agréable au Père — aient dû donner une expression pai­sible au visage de notre Seigneur où devait se lire une combinaison de joie et de douleur, d’inquiétude et de paix. De plus sa connaissance du plan du Père céleste doit l’avoir mis à même de se réjouir dans les souffrances, sachant combien vite elles produiraient non seulement une bénédiction pour lui-même, mais aussi “un salut jusqu’aux extrémités de la terre” (Es. 49 : 6). Si donc les douleurs que Jésus éprouvait pour l’humanité ont jeté une ombre sur sa contenance, nous pouvons être sûrs que l’expression de son visage n’en reflétait pas moins sa foi et son espérance; et que la paix de Dieu qui surpasse toute connaissance gardait son cœur et le rendait capable de se réjouir sans cesse au milieu des plus grandes contradictions qu’il endurait de la part des pécheurs.

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,,Il se distingue entre dix-mille.”

Tout ce qui rappelle la beauté, la bonté, la vérité et l’amour déplaît au cœur corrompu, envieux et hai­neux de la nature déchue; il n’y voit rien de beau et de désirable, et n’y est pas attiré. Notre Seigneur exprima cela on ne peut mieux, quand il dit: ,,Qui­conque fait le mal hait la lumière et ne vient point à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient dévoilées”. — Jean 3: 19, 20.

Nous voyons encore plus loin une illustration de ce fait qu’un mauvais cœur peut quelquefois haïr et dé­daigner une noble contenance, une aimable personne, non seulement en ce que notre cher Rédempteur fut de cette sorte méprisé par ceux qui crièrent: ,,Cru­cifie-le !“ mais aussi en ce qui se passa chez certains de ses imitateurs, Nous pourrions rappeler des cas de martyre en faveur de la vérité; combien l’influence, pourtant attendrissante, de la tenue de ceux qui pou­vaient regarder au delà de leurs propres souffrances et prier pour ceux qui les torturaient fut faible. Il est dit d’Etienne, le premier martyr chrétien, que son visage fut tellement beau et radieux qu’il était com­parable à celui d’un ange: ,,Tous ceux qui étaient assis dans le conseil ayant arrêté les yeux sur lui, virent son visage comme un visage d’ange” (Actes 6:15). Et néanmoins, à cause de la dureté de leur cœur, loin d’aimer son visage angélique, qui l’était bien moins que celui du Maître, et au lieu de prêter l’oreille à ses paroles merveilleuses — mais bien moins merveilleuses aussi que celles du Grand Docteur: ,,Ils se bouchèrent les oreilles et se précipitèrent sur lui d’un commun accord…, et ils lapidèrent Etienne ;“ comme ils crièrent à Pilate de crucifier le Seigneur de gloire.

Oui, ,”toute s a personne est délicieuse !“ Il est tout amour — Cant. 5 16 (L.).