La question anglo-Israëlite.

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Nous avons déjà mentionné pour la réfuter la théorie suivant laquelle les peuples anglo-saxons seraient les 10 tribus d’Israël. Cette réfutation a provoqué la contra­diction de la “Bannière d’Israël”. feuille anglaise dévouée à la dite théorie, ce qui a fourni à l’auteur de l’Aurore III  l’occasion de documenter à fond sa manière de voir dans son journal Zion’s Watch Tower (édition anglaise du Phare de Sion). Nous reproduisons ici cet article qui, paru en 1891. n’a rien perdu de son actualité.

Monsieur le rédacteur de la “ Bannière d’Israël”. Vous avez publié en son temps une critique du 3ème volume de l’Aurore du Millénium (édition anglaise), cri­tique qui s’attaquait surtout à notre manière de com­prendre les promesses concernant le rétablissement d’Is­raël. Comme vous paraissez attendre une réponse, je m’empresse de vous la donner.

Il s’agit de savoir si les dix tribus, après s’être sé­parées au temps de Jéroboam, n’ont plus été joints au peuple de Dieu, en réalité ou par imputation. Votre critique pense que non et soutient que depuis Jéroboam “Israël” désigne les dix tribus en opposition aux Juifs descendant de Juda et de Benjamin. Cette présomption, indispensable à quiconque prétend que les Anglo-Saxons soient les 10 tribus et que leur prospérité en soit la conséquence, n’est pas fondée.

119 Février 1908

Nous estimons que depuis l’édit de Cyrus (536 av. J.-C.) “ Israël ” désigne ceux qui retournèrent dans le pays de leurs pères, quelle que soit la tribu à laquelle ils appartenaient. Nous estimons que ceux qui ne retournèrent pas en Palestine, furent comptés comme faisant partie des <nations et seront bénies avec elles dans l’âge à venir suivant le témoignage de tous les saints prophètes (Actes 3 19—21). Ceci dit, nous nous déclarons d’accord avec notre contradicteur en les points suivants: Que lors de la séparation les dix tribus conservèrent le nom d’Israël parce qu’ils étaient la ma­jorité; que le royaume des deux tribus pris le nom de “Juda:”, que la séparation qui survint après Salomon avait sa raison d’être, que Dieu s’en servit pour les châtier et que les dix tribus furent déportées longtemps avant les deux.

Jésus dit bien à la Samaritaine: “ Le salut vient des Juifs ” et Paul (Rom. 2: 10, 11) revendique aux “Juifs ” la priorité pour recevoir les bénédictions divines. Mais l’Ecriture montre abondamment que le nom “ Juif ” devint synonyme d’Israélite, qu’il désigna ceux qui res­tèrent fidèles à la loi de Moïse et continuèrent à fonder leur espoir sur les promesses faites à Abraham, ceux qui se rattachèrent à eux d’entre les dix tribus et d’entre les nations, en un mot ceux qui pratiquèrent la circon­cision. N’oublions pas que lors de la séparation il y eut un certain nombre de fidèles parmi les dix tribus qui émigrèrent en Juda (1 Rois 12: 17); ce petit royaume contint donc aussi des représentants des dix tribus, et ces représentants furent dorénavant des “ Juifs ”.

Remarquez que le Seigneur et les apôtres s’adressaient aux douze tribus et les nommaient “ la maison d’Israël ” même en parlant aux habitants de Jérusalem qui étaient sans doute en grande majorité des Juifs, soit des des­cendants de Juda. Eh bien, nous estimons être dans le vrai en acceptant la manière de voir du Seigneur et des apôtres.

Nous ne pouvons, sans dépasser le cadre de cette étude, citer ici tous les passages corroborant notre opi­nion que le terme “ Israël” dans le N. T. ne désigne point le royaume des dix tribus, mais bien la maison d’Israël tout entière. Ceux qui n’ont pas de concordance leur permettant de faire les recherches eux-mêmes, nous les renvoyons aux passages suivants: Matth. 8:10; 10:6; 15:24, 31; 27:9, 42; Marc 12:29; 15:32; Luc 1:54, 68, 80: 2:25, 32. 34; 24:21; Jean 1:31, 49; 3:10; 12:13: Actes 2:22. 36; 3:12; 4:10. 27; 5:21, 30, 31, 35; 13:16. 24: 21:28: Rom. 9:6,31; 10:19: 11:25, 26: 1 Cor. 10:18; Gal. 6:16; Eph.2:12;. Phil. 3:5; Hébr. 8:8.

“ Le salut vient des Juifs ” (c’est à dire des Israélites fidèles à leur alliance) en ce que:

(1) Le Seigneur Jésus appartenait en tant que fils de Marie, au peuple Israélite:

(2) Un reste de ces Israélites)  (les apôtres et la plu­part des premiers chrétiens) devinrent les messagers, annonçant la réconciliation auprès des nations.

(3) Israël selon la chair une fois guéri de son aveu­glement dans la résurrection dirigera vers toutes les générations sortant de la tombe, les fleuves d’eau vive de salut qui sortiront du temple antitypique, de l’Israël spirituel glorifié, suivant qu’il est écrit: (De Sion [l’Eglise glorifiée] sortira la loi et de Jérusalem [la nation d’Israël rétablie] la parole de l’Eternel” — Esaïe 2 : 3.

Les dix tribus de Jéroboam comme telles n’ont rien à voir dans ces promesses; ni Sion ni Jérusalem ne sont leur. Pour avoir part à l’héritage d’Abraham, elles doi­vent se rattacher soit à l’Israël antitypique, l’élection de l’âge évangélique dont le “ Lion de la tribu de Juda” est le chef, soit au tabernacle de David rebâti à Jéru­salem, car “ Jéhovah sauvera en premier lieu les tentes de Juda.” — Zach. 12:7.

Voici comment votre critique essaie de prouver sa thèse:

La comparaison de Jérémie 20: 1, 4, 18 avec Esdras 1: 1 fait ressortir que l’édit de Cyrus a été l’accomplissement d’une promesse donnée à Juda (soit au royaume des deux tribus) et Ezéch. 4:3-8 démontre que la capti­vité des dix tribus devait durer bien au delà de 70 ans. Rien ne prouve que l’édit de Cyrus regardait aussi les dix tribus.”

Nous ne pouvons admettre cette argumentation et en appelons à l’examen approfondi des passages Jér.29:1-10 et Esdras 1: 1-5 par nos lecteurs. Jérémie con­seille aux déportés non pas d’abandonner tout espoir de réintégrer les anciennes demeures, et de considérer la Chaldée comme leur nouvelle patrie, mais de s’y arranger pour un séjour prolongé, vu que 70 ans passeraient avant qu’ils aient l’occasion de rentrer chez eux.

Le passage cité d’Esdras ne s’applique aucunement aux deux tribus seules. Bien au contraire. Dans les versets 3 et 4 nous voyons que l’édit de Cyrus était adressé à “ quiconque de tout le peuple ” [de Jéhovah. — (C. et L.] habitant (v. 4) “dans tous les lieux [de l’empire]: et le verset 5 nous dit que non seulement les chefs de Juda et de Benjamin, mais encore “ les prêtres et lévites avec tous ceux dont Dieu avait réveillé l’esprit ” (L.) et qui, comme Siméon, “ attendaient la consolation d’Israël ”, profitèrent de l’occasion fournie par l’édit de Cyrus. Ainsi une partie, quoique la moindre, des rapatriés appartinrent aux dix tribus; exemple les ancêtres d’Anne, la fille de Phantuel de la tribu d’Aser — Luc 2 : 25, 36.

Quant à Ezéch. 4 : 3- 8 nous n’avons aucune donnée nous permettant d’établir le commencement et la fin des 390 et des 40 ans de colère divine contre Israël et Juda. D’aucuns pensent que les 390 ans sont la période allant de la sécession des tribus à la destruction de Jérusalem et que les 40 ans feraient partie du règne de Manassé sous lequel Juda s’adonna à l’idolâtrie. Dans ce cas la colère de Dieu eut été assouvie par la destruction de Jérusalem et la grâce pouvait revenir au peuple déporté, à ceux au moins qui croyant que l’exil durerait 70 ans, attendraient plein d’espoir la in de cette période et con­serveraient le désir de retourner à la ville sainte pour y adorer dans le temple du Très-Haut.

Rien ne prouve que ceux d’entre ces veilleurs, qui appartenaient aux dix tribus furent empêchés de retourner en Palestine, lorsque les 70 années de désolation furent accomplies: au contraire, ils furent libres de le faire et quelques-uns le firent..

Votre critique approuve ce que nous avons dit au commencement de ce chapitre que les dix tribus abandonnèrent leur alliance et devinrent idolâtres, incrédules, païennes, puis il ajoute

120 Février 1908

Elles furent retranchées de l’alliance mosaïque. Mais un rétablissement leur est assuré, une nouvelle alliance, meilleure que la première, serait traitée avec elle. Voyez Esaïe 54: 4-8; Jér. 51 : 81-83; Osée 2 : 7. 19. En attendant ce glorieux jour les dix tribus devinrent des païens et elles le sont restées jusqu’au jour d’aujourd’hui, conformément aux prophéties.

La multitude de nations que devait devenir Ephraïm (Gen. 45: 19) sont des “ goyim ” (païens) et les descendants d’Ephraim (la principale des 10 tribus) que l’on ne pourrait pas compter, sont les descendants de “ Lo-Ammi ” (Os. 1: 9, 10), par conséquent pas le peuple (de Dieu).’

Qu’il nous soit permis de comprendre les choses autrement. L’Eternel n’a jamais fait et ne fera jamais alliance avec les dix tribus. Osée, dans son premier chapitre parle d’un peuple méchant et dans les versets 4, 6 et 7 il parait en effet avoir en vue les dix tribus en oppo­sition aux deux, mais non pas pour leur promettre quelque faveur, mais bien plutôt pour les avertir qu’il romprait avec eux et qu’il ferait miséricorde à Juda. Dans les versets 8 et 9 il est question du rejet d’Israël tout entier, des branches retranchées de l’olivier franc sur lequel sont entées les branches de l’olivier sauvage, ceux d’entre les nations étrangères ennemies d’Israël qui auront été appelés en Christ et rendus participants de la grâce, après avoir été Lo-Ammi (pas mon peuple). C’est Paul qui applique ainsi la prophétie d’Osée (voir Rom. 9 : 23 —26). Puis (v. 11) Osée annonce que Juda et Israël seraient réunis sous un même chef lorsque les branches entées, l’Israël antitypique aura été glorifiée.

Notre contradicteur en appelle, en faveur de sa manière de voir, aux versets 1-7 du 2ème chapitre d’Osée mais il n’y est pas question d’une nouvelle alliance avec les dix tribus: les versets 9-13 le prouvent abondamment. Les versets 14-20 démontrent toutefois que tout espoir n’est pas perdu pour Israël, mais que ce peuple sera béni dans l’aire millénaire, après la grande tribulation, lorsque les nations ne s’exerceront plus à la guerre, et ce par l’entremise de la postérité spirituelle d’Abraham. —            Le pauvre Lazare né de Dieu; Luc 16 : 22; Jean 1:13: 1 Jean 3:2; Hébr. 11:40.

Les versets 19—20 semblent s’appliquer à l’Israël selon l’esprit, à l’Eglise choisie, suivant versets 23 et 1 : 10 (voire encore Rom. 9 : 23—26) et d’accord avec cette autre déclaration de St. Paul: “ Ce qu’Israël cherchait, il ne l’a pas obtenu, mais l’élection l’a obtenu ” — Rom. 11                : 7.

Quant à Es. 54: 1-8 ce passage est appliqué par l’apôtre Paul non pas aux dix tribus, muais à la Sion spirituelle, à l’alliance de l’âge de l’Evangile typifiée par Sara. La postérité d’Abraham selon la chair (Ismaël type du peuple d’Israël) fut rejetée avec Sa mère (l’alliance de la loi et ne devait pas hériter les promesses et la postérité spirituelle d’Abraham, le Christ (chef et corps, typifié par Isaac et Rébecca) fut seule reconnue héritier des promesses. — Gal. 4 : 22. 24. 26, 31.

Jérémie 31 : 29-33 est encore très instructif à cet égard. A l’époque de Jérémie, il fallait, en évitation d’équivoque dire “ Juda et Israël ” si l’on entendait parler du peuple entier (verset 31). Mais dans les versets 33-36 il est question des douze tribus, et les versets 38-40 mentionnent comme lieux “ israélites ” les locali­tés à l’intérieur ou aux environs de Jérusalem soit dans le territoire des deux tribus.

Remarquons au surplus que la prophétie des versets 31-33 n’est point encore accomplie. Les dix tribus, même si elles pouvaient se faire connaître, n’auraient pas encore de raison pour se glorifier. Elles doivent attendre pour cela que la nouvelle alliance soit faite avec elles que la loi soit écrite dans leur cœur. Et quand cela sera arrivé, elles ne se glorifierons sans doute pas de leur ancienne alliance qu’elles transgressèrent, mais bien plutôt de la nouvelle.

Durant l’âge de l’Evangile ni les dix tribus ni les deux, mais un “ reste” seulement parmi les douze et avec lui ceux d’entre les nations que Dieu appela furent instruits par l’Esprit qui écrivit la loi divine dans leur cœur: la postérité d’Abraham suivant la chair (Ismaël) doit attendre que la postérité spirituelle (Isaac) ait tout hérité, et alors elle sera bénie par l’entremise d’Isaac. En ce jour (millénaire) les versets 29 et 30 s’accompliront.

Bien-aimés, affermissons notre appel et notre élection par l’obéissance de la foi (par le respect d la vérité divine) et n’attendons pas des bénédictions spirituelles en réponse à des liaisons charnels. L’Eternel nous dit que de telles espérances seraient trompeuses (Gal. 4:30). Si vraiment les nations anglo-saxonnes étaient les dix tribus, leur prospérité proviendrait du fait que Dieu les considérerait comme des “ goyim ” ou païens: car les dix tribus comme telles ont été retranchées des bénédictions terrestres qui leur étaient promises et la grâce et la miséricorde de Dieu s’est tournée vers les nations pour en tirer un peuple qui n’avait pas été un peuple. La grâce ne retournera à Israël que lorsque ce peuple particulier sera complet et glorifié.

Ce n’est pas que nous comprenons la Bible dans le sens qu’il n’y ait pas un ressortissant des dix tribus parmi les nations anglo-saxonnes habitant la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Etats-Unis. Mais personne ne saurait affirmer que ces nations soient de descendance purement Israélite. Que l’on pense seulement à la variété d’origine de ceux qui ont peuplé l’Amérique, il est possible que l’origine de ces nations y soit pour quelque chose dans leur prospérité, mais l’origine Israélite ne donnerait plus d’avantage; car le peuple d’Israël a été rejeté lorsqu’il repoussa l’offre à lui faite de la carrière céleste. Celle-ci offerte maintenant sans acception de personne ou de nationalité; le “ reste ” d’Israël l’accepta en croyant à Jésus comme Médiateur, mais il ne fut pas avantagé par égard aux élus des autres nations. Nulle part les apôtres font-ils des promesses temporelles à Israël selon la chair  mais ils affirment que la maison de David sera rebâtie après que l’Election sera entrée dans la gloire.

Or nous croyons que l’Election est bientôt complète et c’est pour cela que nous croyons au retour prochain de la grâce de Dieu vers Israël selon la chair. Leur aveuglement va prendre fin afin qu’ils puissent être bénis les premiers par la postérité spirituelle d’Abraham et obtenir enfin miséricorde (Rom. 11 : 31). Lorsque la loi divine sera écrite dans leurs cœurs, alors seulement ils pourront servir d’instrument pour la bénédiction des autres nations car la promesse faîte à Abraham demeure irrévocable et est pour les deux postérités d’Abraham : “ Pour quela promesse soit assurée à toute la postérité non à celle qui (l’est) par la loi seulement, mais aussi à celle qui (l’est) par la foi d’Abraham ” —Rom. 4 : 16 (sig. l’Auteur de l’aurore du Millénium)

121 Février 1908

Encore un mot à l’adresse de -ceux qui prétendent que “Israël” désigne les dix tribus et que le nom re­~venant à ceux qui, après l’exil à Babylone, sont rentrés en Palestine est “Juda”: Comment se fait-il que le Seigneur affirme n’être envoyé que vers les brebis égarées de la maison d’1sraël (Matth. 10 : 6; 15 : 24) et qu’alors

il ait limité son activité à la Palestine qui, selon les Anglo-Israélites ne serait point la maison d’Israël, mais la maison de Juda’? Comment se fait-il que Pierre, dans son discours de Pentecôte, accuse toute la maison d’Israël d’avoir crucifié le Christ (Actes 2 : 36)? Suivant les Anglo Israélites ce serait la maison – de Juda qui aurait crucifié le Seigneur. Libre à chacun de choisir: notre choix est vite fait; nous estimons que ce ne sont pas Jésus et Pierre, mais les Anglo Israélites qui font erreur. Le N. T. tout entier et le bon sens donnent raison aux premiers.

Les châtiments annoncés par Moïse (Deut. 28: 15, 46, 47, 63, 67) pour le cas où Israël (les douze tribus) abandonnerait son alliance ont atteint le peuple entier; Jésus confirme que ces châtiments viendraient sans faute et Paul rend attentif au fait que ces menaces ne sont pas restées parole vaine. — 1 Thess. 2: 15—16. Si la nation britannique était une partie d’Israël, Deut. 28: 64 et 65 n’aurait pas trouvé d’accomplissement.

Traduit pax E. P.