Ambassadeur de Christ prisonnier.

Listen to this article

— Actes 21 : 17—40. —

« Prends ta part de la peine comme un brave soldat du Christ Jésus.’ — 2 Tîm. 2:3. C.

St. Paul, accompagné de Luc, Trophime, Aristarque, Sopater, Second, Gaïus, Timothée et Tychique, rentra à Jérusalem, vendredi 27 mai en l’an 57. Il était de retour de sa troisième tournée missionnaire parmi les nations. Son absence avait duré sept ans. Comme nous venons de le voir, le Seigneur permit qu’il fut averti des tribulations, qui l’attendaient — des liens et de la prison — dans la sainte Cité. Malgré cela l’y voilà arrivé, cet ambassadeur de Christ sans peur et sans reproche. Rappelons que Paul et ses com­pagnons apportaient l’argent qu’ils avaient recueilli parmi les églises de l’Asie Mineure pour l’église de Jérusalem, qui apparemment était dans une certaine détresse financière.

La réception du premier jour a dû avoir sans doute un caractère intime et privé, mais le jour suivant,

2 Juillet 1910

qui fut probablement celui de la Pentecôte (Actés 20: 16), les apôtres et les principaux frères se réuni­rent pour recevoir Paul et ses compagnons d’une manière plus solennelle. St. Jacques, le frère (ou le cousin) du Seigneur, était semble-t-il reconnu comme le frère dirigeant de l’église de Jérusalem. Il n’est pas fait mention des autres apôtres. Quelques-uns d’entre eux peuvent avoir été absents, engagés dans l’oeuvre en d’autres endroits. St. Paul leur conta en détail son voyage missionnaire parmi les païens et comment le Seigneur avait béni son ministère en dé­pit de maintes tribulations; et, on peut bien le penser, il leur remit en même temps le produit de la collecte.

« La crainte des hommes porte avec elle un piège.”

Prov. 29 25. —

La brièveté du récit semble indiquer que les frères de Jérusalem ne furent pas peu troublés par la pré­sence de St. Paul au milieu d’eux. Non seulement ils eurent peur pour sa sûreté personnelle, mais encore ils craignirent que son arrivée ne donnât le signal d’une levée générale contre eux tous. Son activité et sa persistance l’avaient fait connaître aux Juifs dans les parties les plus influentes du monde où il avait travaillé. Jacques et les anciens pensaient aux Juifs religieusement zélés d’Ephèse, d’Athènes, de Thessalonique, de Bérée, et d’autres endroits qui se trouvaient souvent en contact avec les Juifs de Jé­rusalem, par le fait qu’ils venaient assez régulièrement assister aux fêtes religieuses, et, on pouvait le pré­voir, ne manqueraient pas de venir aussi prendre part à la fête de la Pentecôte. Ils savaient que le bruit de l’activité de St. Paul avaient transpiré jusqu’à Jérusalem et que même des croyants chrétiens avaient été troublés en entendant rapporter que St. Paul en­seignait que la loi était une chose du passé et qu’on n’avait plus besoin de s’en occuper. Ils insistèrent auprès de St. Paul le priant de donner un démenti à ces conceptions plutôt fausses de sa doctrine, en allant s’associer dans le temple aux 4 frères qui avaient fait voeu de naziréat temporaire. Ils ne dirent pas à Paul de faire aussi ce voeu, mais d’en reconnaître le bien fondé, de faire pour eux les frais, lesquels ne consistaient pas seulement à se raser la tête et à brûler ses cheveux, mais encore à faire les frais du sacrifice de 4 bêtes pour chacun d’eux. — Nomb. ch. 6.

St. Jacques et les anciens de l’église comprirent évidemment assez bien la situation de Paul, qui en­seignait aux convertis d’entre les nations que point n’était besoin pour eux de devenir juifs, d’observer les rites mosaïques, d’obéir à leurs rites, mais qu’au lieu de s’attendre aux faveurs de Dieu par l’obser­vation de ce qui fut type et ombre, ils devaient re­garder à Christ et à son accomplissement des exigences de la loi. Il enseignait que la loi ne pouvait ramener l’âme en communion avec Dieu; que, s’il y avait en­core certaines bénédictions divines en réserve pour les Juifs (Rom. 11: 37), Dieu pendant cet âge de l’Evangile se choisissait une semence spirituelle d’A­braham d’entre les Juifs et les Grecs; et que si quelqu’un (Juif ou Grec) essayait d’accomplir la loi en vue de mériter la vie éternelle, il ne l’atteindrait  jamais: Car nulle chair ne sera justifiée devant Dieu par les oeuvres de la loi (Rom. 3 : 20). Mais ce que S t. Jacques et les autres conseillèrent à Paul de faire pour les quatre hommes qui avaient fait le voeu, de faire les frais de leurs offrandes selon les exigences de la loi, n’était en rien contraire et ne pouvait pas davantage ajouter aux mérites du sacrifice de Christ. Néanmoins nous pensons qu’une attitude plus coura­geuse eut été de mise; puisqu’on voit que les mesures prises pour prévenir l’opposition publique la firent plutôt hâter et éclater spontanément. Rappelons-nous cependant que le Seigneur aurait pu faire prendre aux choses une autre tournure, s’il avait voulu. Le Seigneur savait d’avance et avait prédit que des tri­bulations assailleraient l’apôtre Paul. Ceux qui sont en communion intime avec Dieu ont l’assurance qu’il dirige tous leurs pas et que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein” (Rom. 8: 28). Quel ré­confort, quelle consolation pour l’enfant de Dieu! Il peut être tranquille, se reposer et avoir la paix même au milieu de la plus grande détresse.

Emeute à Jérusalem et arrestation de Paul.

L’idée de faire apparaître Paul comme se soumet­tant au moins en partie à la loi semblait pendant quelques jours avoir été heureusement trouvée, mais à l’expiration du 7ème jour, l’apôtre fut reconnu par des Juifs venus d’Asie. Ils avaient vu Paul avec le Grec Trophime et en conclurent que ce dernier était un des quatre hommes qui avaient la tête rasée. Au point de vue juif cela aurait été une grave offense. Il était permis aux seuls Juifs d’entrer dans l’enceinte sacrée du temple, en dehors il y avait « le parvis des femmes » et aussi , « le parvis des gentils » séparé du lieu saint par une barrière en pierres et constituant ce que Paul appelle ailleurs: «le mur de séparation” (Eph. 2:14). Le mur était haut de quatre pieds et demi, un placard y était apposé — découvert récem­ment par la société d’exploration de la Palestine —sur lequel on lisait: «Aucune personne de race étran­gère ne doit pénétrer au delà de la balustrade qui entoure le temple; si quelqu’un franchit la barrière qu’il sache que c’est à lui seul qu’il doit en vouloir pour avoir encouru la peine de mort qui s’ensuivrait.” St. Paul seul fut accusé de cette offense et non pas le Grec qu’on supposait avoir été induit en erreur par l’apôtre. C’est de ce côté-là qu’on pouvait craindre pour la vie de Paul de la part de la multitude des Juifs fanatiques qui s’attroupaient de toutes parts en criant au sacrilège.

Pendant que la foule frappait Paul, cherchant à le tuer, un capitaine ou colonel des soldats romains du fort Antoine près du temple eut vent du tumulte et accourut sur place avec une troupe de soldats. Le peuple, qui n’avait pas appris à respecter la ma­jesté de la loi romaine, cessa de frapper Paul, en se laissant intimider par la puissance militaire.

L’apôtre fut enchaîné par chaque bras à un soldat. Le tribun, cherchant à savoir la cause de l’émeute et ne pouvant rien déduire de sûr des témoignages contradictoires, ordonna d’emmener Paul dans la forteresse

3 Juillet 1910

Mais la foule désappointée d’avoir perdu l’occasion de le lyncher fit un violent effort pour l’arracher aux soldats ou le tuer pendant son transfert à la forteresse. Comme l’esprit de meurtre peut être éveillé subitement dans le coeur des foules juives comme chrétiennes! Combien de fois ne lisons-nous pas dans les pages de l’histoire que de telles violences et atrocités furent commises au nom et pour la dé­fense d’une religion ou d’un système! Combien peu cela ressemble à ce que l’apôtre appelle: « l’esprit de sagesse ou de bon sens » — l’esprit de raison, de justice — pour ne pas parler de l’esprit de générosité, de bonté, de charité, de bienveillance et de miséri­corde! De même que la folie ou la brutalité d’une personne ivre devrait être pour chaque personne ré­fléchie une leçon de tempérance, ainsi en est-il d’une scène comme celle-ci, vécue ou seulement apprise par la lecture de l’histoire, elle devrait être une leçon durable contre toute chose aussi brutale et déraisonnable. Que chaque manifestation de bigoterie, que chaque pro­cédé fanatique dont nous entendons parler ou dont nous sommes témoins aujourd’hui, nous imprègnent de toujours plus de répugnance contre l’étroitesse sectaire, au point de provoquer en nous des résolu­tions dans une direction tout opposée: que, par la grâce de Dieu, quoi qu’il arrive, nous ne soyons jamais trouvés si fous, si méchants, mais au contraire, que, à mesure que les jours s’avancent, nous soyons trou­vés toujours plus tolérants, plus doux et plus sem­blables à Jésus notre précurseur.

Les soldats romains se virent dans la nécessité de se serrer les uns contre les autres, pour ne pas perdre leur prisonnier et ainsi Paul fut levé en l’air et porté au haut des degrés.

Nous avons ici de nouveau un bel exemple de l’hé­roïsme de cet ambassadeur de Christ et de son em­pressement de tirer profit de chaque occasion pour annoncer le message du Maître. Les coups qu’il avait reçus du peuple et le fait qu’il fut mené assez rude­ment dans la forteresse auraient intimidé et excité tout commun mortel. Mais l’apôtre, lui, calme et recueilli, demanda au commandant l’autorisation de parler au peuple, pensant, sans doute, que la multi­tude ne savait pas au fond de quoi il s’agissait, qu’elle avait été mal renseignée à son égard et qu’avec quelques paroles il la ramènerait au bon sens. Le tribun fut surpris de l’entendre parler si couramment le grec. Il l’avait pris pour «cet Egyptien”, men­tionné par Josèphe, qui quelques temps avant avait rassemblé une troupe de juifs mécontents auxquels il s’était donné pour le Messie et qui donna pas mal à faire aux autorités romaines. St. Paul répondit qu’il était Juif, citoyen de Tarse, une ville honorable et demanda à nouveau l’autorisation de parler au peuple, ce qui lui fut accordé. Incontinent l’apôtre prêcha Christ; il se trouva sans doute largement ré­compensé de ses douloureuses expériences par le pri­vilège qu’il avait maintenant: le privilège de parler de Jésus à un grand auditoire juif, de lui dire que ce Na­zaréen fut le Messie annoncé dans la loi et les pro­phètes, que sa mort volontaire constitue le sacrifice de rachat de la vie perdue par Adam et en même temps le prix de rachat de tous ses enfants qui mou­rurent par suite de la sentence. Il doit leur avoir dit aussi que le Messie appelle maintenant une classe spirituelle « de prémices », pour se les associer dans le royaume millénaire et que bientôt les Juifs et toutes les nations goûteront effectivement les bienfaits de ce règne; que c’est maintenant le temps favorable d’affer­mir notre appel et élection à cette partie principale de l’alliance faite avec Abraham.

Paul leur parla de ses tournées missionnaires et combien joyeusement plusieurs d’entre les nations avaient reçu le message et s’étaient donné dans une consécration entière à l’Eternel. Mais les préjugés juifs étaient tellement enracinés que la seule mention des nations, ayant part à la grande bénédiction au même titre qu’eux les Juifs, ralluma leur haine et leur fureur et suffit pour faire remplir l’air de leurs cris et hurlements. Le colonel romain se trou­vant dans une situation embarrassée en conclut que toute cette opposition devait avoir ses raisons: «Où il y a beaucoup de fumée, il doit y avoir du feu.” Il ordonna donc qu’on lui donnât la question par le fouet, jusqu’à ce qu’il dise et reconnaisse son tort et s’en repente. Sur le champ il fut donné suite à ce commandement et les soldats se mirent en devoir d’attacher Paul à un poteau. Mais l’apôtre les fit cesser immédiatement en demandant au centenier: « Vous est-il permis de battre de verges un citoyen romain qui n’est pas même condamné?” Le centenier le fit alors aussitôt mettre en liberté, car il avait déjà ici outrepassé ses droits. Il le crut sur parole; car si Paul avait prétendu être citoyen romain et que cela se fût trouvé faux, sa condamnation à mort eut été certaine. En attendant Paul fut simplement gardé prisonnier pour être jugé.

Il y a plusieurs leçons à apprendre ici. Tout en ne jugeant pas trop sévèrement les Juifs pour leurs sentiments égoïstes et leur haineuse jalousie envers ceux des nations, notons néanmoins tout le mal que les Juifs se faisaient à eux-mêmes avec cet égoïsme et cette amertume. Sans ces mauvais sentiments op­posés il se pourrait fort bien que plusieurs autres d’entre eux et d’entre les nations eussent prêté l’o­reille à l’Evangile. Apprenons donc à nous défaire de toute bassesse, jalousie, inimitié et amertume, de toutes vilaines choses de notre coeur, de notre esprit, de nos paroles et de notre conduite, par contre re­vêtons-nous de l’esprit de notre Seigneur Jésus-Christ celui de la douceur, de la débonnaireté, de la tolé­rance, de la patience, de la bonté, de la charité et de l’amour.

Il y a ici encore une autre leçon à apprendre, c’est que quand nous subissons des épreuves et des diffi­cultés, si injustes soient-elles et que seul par la per­mission divine elles puissent nous assaillir, nous sommes libres de nous servir de tout moyen légal pour notre assistance et délivrance — comme St. Paul usa de son droit de citoyen romain. Dieu l’a d’avance muni de cette protection partielle et c’eut été une coupable négligence de sa part de ne pas s’en servir en s’at­tendant à ce que le Seigneur le délivre d’une manière miraculeuse quelconque.