ANALYSE DE L’ORGUEIL

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Notre sens de la vue ne permet d’observer que ce qui se trouve dans les limites de notre champ de vision. De même chaque personne qui réfléchit, juge et apprécie elle-même et les autres, selon la mesure et les limites de son esprit. L’œil de l’esprit a aussi ses limites. Personne ne peut correctement juger son prochain, car il le fait selon la mesure limitée de son discernement et il est encore plus difficile de se juger soi-même.

La mauvaise appréciation des autres va généralement de pair avec une estime exagérée de soi. Toutes deux ont la même origine, c’est l’utilisation d’une mauvaise mesure et une mauvaise application de celle-ci. C’est ainsi que l’orgueil prend naissance. Ce défaut provient d’une mesure inexacte de soi.

L’orgueil a une connaissance étroite et erronée du monde. De même que l’on estime les dimensions de certaines choses en les comparant à d’autres, ainsi nous apprécions les autres en les comparant à nous-mêmes.

Lorsque nous franchissons les mers et les continents, notre terre nous paraît très grande. Mais lorsque nous considérons les observations des astrophysiciens concernant l’existence d’autres mondes en comparaison desquels notre terre n’est qu’une simple poussière, alors notre perception de la grandeur et de l’importance de la terre se trouve modifiée. Une meilleure connaissance de l’univers rend notre jugement plus mesuré à l’égard de notre terre, comme étant une infime partie de la création divine.

De même l’orgueil rétrécit ce qui l’entoure pour se croire supérieur. La véritable compréhension de l’immensité de l’univers, de la sagesse et de la puissance qui le régit, ne laisse aucune place à l’orgueil. L’esprit est surpris de sa propre faiblesse considérant les gigantesques systèmes qu’il peut apercevoir.

L’orgueil provient de l’ignorance et d’un manque de réflexion. Il est issu d’une piètre compréhension du monde et de la vie. Il commet la même erreur que l’ancienne astronomie qui supposait que notre terre était le centre de l’univers, simplement parce qu’elle ne connaissait que très peu de choses sur les autres mondes. L’orgueil exagère sa propre valeur, ignorant ce qu’est la véritable grandeur. Il n’est grand qu’à ses yeux, car il ne peut comprendre ce qui l’est vraiment.

L’orgueil considère très peu les autres, alors qu’une connaissance plus approfondie peut y remédier. Ceux qui ne possèdent pas l’esprit d’observation ou qui ne sont pas suffisamment sensibles à discerner les capacités des autres, se privent de bienfaits. Ce principe s’applique également à la grande école de la vie. Personne ne peut persister dans l’orgueil s’il prend conscience de l’exacte mesure des mérites et des actions des autres.

L’homme peut être content d’avoir accompli quelque chose de grand et en ressentir une certaine satisfaction, mais une connaissance plus approfondie lui montre que d’autres ont déjà réalisé des choses identiques, si ce n’est plus grandes.

Un véritable artiste considère humblement son œuvre, car il sait combien d’autres furent couronnées de succès. Celui qui pense avoir rendu un grand service à la science, n’est qu’un prétentieux qui ignore ce que d’autres ont accompli.

Analysons-nous à l’aide de comparaisons. Plus nous connaîtrons les hommes, plus nous constaterons que d’autres nous égalent ou nous surpassent. Une comparaison sincère de nous-mêmes avec les autres, permet de nous analyser avec lucidité et humilité. L’orgueil a une obscure et mauvaise reconnaissance du travail et de la valeur des autres, comme l’est un préjugé.

L’orgueil renferme en lui une mauvaise connaissance de soi. Il est évident, que celui qui a une très haute opinion de lui-même n’est pas beaucoup apprécié par les autres. L’orgueil n’a qu’un seul admirateur : soi-même. Le monde connaît mieux de nombreuses personnes que celles-ci ne se connaissent elles-mêmes. Sur ce point le monde a généralement raison.

Une véritable connaissance de soi révèle nos propres manquements et nous donne l’exacte image de nous-mêmes. Elle éclaire l’étroitesse de nos préjugés, nous dicte d’en avoir honte. Elle montre l’insuffisance des bases de bon nombre de nos jugements et dévoile les subtils méandres de nos illusions. Elle découvre les raisons de nos sentiments et nous révèle si notre conscience se tourne vers le bien.

La véritable connaissance de soi humilie l’homme. Ceux qui se croient supérieurs aux autres, n’ont personne avec qui partager leur avis. Ils se croient parfaits, simplement parce qu’ils remarquent immédiatement les erreurs des autres tout en fermant les yeux sur les leurs.

On peut toutefois lui trouver une seule bonne excuse. Il démontre une faiblesse mentale : l’incapacité d’un bon discernement, de l’analyse de soi et des autres. Cela peut être dû à des déficiences intellectuelles ou morales, ou les deux à la fois. L’orgueil est une tare dont le développement doit être énergiquement traité. Aucun autre trait de caractère n’éveille une si mauvaise impression de vanité et de ridicule. Un ancien proverbe décrit très bien l’orgueil : “Verras-tu un homme qui pense être sage, l’espérance du stupide est meilleure que lui“. – Proverbes 26 : 12.

L’orgueil est l’indice d’une étroitesse d’esprit, une facette de l’égoïsme. Il a une vision erronée du monde et des autres, témoigne d’un caractère mal établi et d’un sens inexact des devoirs. L’orgueil, c’est la vie concentrée uniquement sur soi. Or, une vie dont on est le centre, n’est pas à la hauteur de son sens véritable, comme affirmer que la terre est le centre de l’univers. Cela reflèterait bien mal la grandeur du système céleste entier.

Shakespeare a dit que “l’orgueil agit plus facilement dans nos corps”. Les personnes qui ont rendu service à l’humanité – les grands réformateurs, les philanthropes etc., n’étaient pas orgueilleux. Ils furent grands dans l’humilité, car lorsque celle-ci est convenablement comprise, elle constitue l’essence de la grandeur. L’humilité est la qualité qui pousse l’homme à servir son prochain, alors que l’orgueil ramène tout à soi.

Analysé dans ses différents aspects, l’orgueil est préjudiciable. Il témoigne d’un manque de considération pour notre Grand Dieu, devant lequel chaque être intelligent doit se tenir avec humilité et vénération.

La grandeur de Dieu manifestée dans le monde, dans l’homme et dans l’histoire doit rappeler à chacun sa propre faiblesse et ses insuffisances. L’orgueil ne témoigne pas de sympathie, ni d’appréciation aimable, mais développe le cynisme et la solitude.

L’orgueil n’aide personne, si ce n’est que de favoriser soi-même. Autant il est intolérant à l’égard des faiblesses des autres, autant il est tolérant pour lui-même.

L’orgueil, tout comme d’autres défauts, se développe par faiblesse. L’analyse de ce travers met à nu sa laideur et montre qu’il est indigne d’une âme honnête, large et généreuse.

(Traduit du périodique polonais Straz 1936-5-66 ; 1936-6-82)

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