Luc 14: 25-35
« Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la retrouvera. » — Matth. 16: 25.
C’était vers la fin du ministère du grand Instructeur. De grandes foules le suivaient, se rendant à Jérusalem, selon les exigences de la loi, pour y célébrer la fête de Pâque, pendant laquelle Jésus savait qu’il serait mis à mort comme le véritable Agneau de Pâque. Pendant le voyage il s’adressait de temps à autre à des personnes de cette multitude. Notre leçon d’aujourd’hui a trait à quelques-uns de ses enseignements. Dans ce temps-là la coutume de ceux qui enseignaient était d’accepter, comme disciples ou élèves, ceux qui les considéraient comme de bons professeurs, désiraient apprendre auprès d’eux et bénéficier de leur instruction. Jusqu’à aujourd’hui, les chrétiens prétendent être les disciples de Jésus ou ses adeptes qui se conforment à sa parole et recherchent les bénédictions qu’il a promises à ses fidèles serviteurs.
On peut remarquer que les conditions imposées par Jésus à ceux qui veulent être ses disciples sont bien différentes de celles indiquées par quelques-uns de ceux qui prétendent être ses porte-parole, ses ministres. Ils affirment parfois qu’il suffit, pour qu’une personne soit un disciple, qu’elle se lève dans une assemblée et exprime le désir que les enfants de Dieu prient pour elle. On admet que de telles personnes sont des convertis. Pour amener ces personnes à franchir ce pas seulement, il faut leur présenter des arguments persuasifs. Ces arguments sont souvent de nature mercantile; pour le marchand ce sera la perspective d’une grande extension commerciale, pour l’employé de bureau, ce sera la possibilité d’être plus largement favorisé par son patron; ou bien ce sera la perspective d’être admis dans la société ou l’amélioration d’une situation politique.
Si nous mettons ces méthodes en regard des paroles de Jésus faisant l’objet de cette étude, nous voyons qu’un grand nombre de chrétiens nominaux ont été, si l’on peut s’exprimer ainsi, amenés grâce à des séductions, à faire des professions de foi qu’ils n’avaient certes jamais eu l’intention de faire. Nombre de personnes sont entraînées dans la chrétienté nominale, sans jamais être devenues chrétiennes, conformément aux conditions imposées par le Maître à ses disciples, et ne tenant aucun compte de sa Parole.
« Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. » Il n’y a assurément pas d’excuses, si nous ne comprenons pas la signification de termes et de conditions énoncées avec une telle précision. Le Maître ne dit pas que ses disciples seuls pourront obtenir la vie éternelle. Ses enseignements, dans leur ensemble, montrent que l’humanité toute entière est perdue, devenue étrangère à Dieu et n’a aucun droit à la vie éternelle. Mais il vint pour mourir, « lui juste pour des injustes » afin que tous les injustes aient la possibilité de rentrer en faveur auprès de Dieu. Il ne déclara pas que personne, sinon ses disciples, auraient de telles perspectives de vie future. Ceux qui affirment cela, ajoutent à la Parole divine et contribuent ainsi incidemment à se fourvoyer eux-mêmes.
Ce que Jésus enseigna, c’est qu’il serait au temps marqué « la véritable lumière, qui, en venant dans le monde éclaire tout homme ». Le monde avait déjà existé pendant 4000 ans avant la venue de Jésus et nul ne prétendra que ceux qui moururent avant sa venue aient eu la possibilité de le connaître et de devenir ses disciples. Il mourut cependant pour répandre des bénédictions sur eux aussi bien que sur ceux qui sont venus dans le monde depuis ce moment-là. Jésus déclara que ces bénédictions destinées à l’humanité tout entière seront répandues par son Royaume; il annonça en termes catégoriques que son royaume n’était pas de ce monde, de cet âge ou période, mais appartenait à une ère future. A l’époque où il vivait, il se bornait à inviter des disciples à le suivre et il n’essaya pas de convertir le monde.
Les disciples furent invités à devenir cohéritiers de Jésus dans son Royaume, afin qu’ils pussent s’asseoir avec lui sur son trône et participer avec lui à la grande œuvre du rétablissement de l’humanité, de la restitution de tout ce qui fut perdu par Adam et racheté sur le Calvaire. Jésus déclara, sans équivoque à ses disciples, qu’ils ne pourraient faire partie de la classe qui entrerait dans le Royaume qu’en passant par beaucoup d’épreuves, qui serviraient à prouver leur amour de la justice et leur fidélité à Dieu; il dit encore que Dieu rendit la voie si étroite à dessein, afin qu’un petit nombre seul, le véritable choix de l’humanité aux yeux de Dieu, pût la trouver; ils sont peu nombreux ceux qui suivent cette voie jusqu’au bout, jusqu’à la gloire, l’honneur et l’immortalité.
Si ces choses sont clairement présentes à la mémoire, on comprend tout ce qu’il y a de raisonnable dans les dures conditions imposées à ceux qui veulent être des disciples. Seuls, ceux qui sont entièrement disposés à se soumettre à ces conditions et à prouver de cette manière leur amour leur fidélité à Dieu, pourront être convenablement rendus dépositaires de la grande puissance, de la gloire et de l’honneur qui seront accordés à la classe des élus du Royaume associée avec le Rédempteur dès qu’elle sera au complet. Examinons ces paroles avec soin, tout en nous sondant nous-mêmes, non pas notre chair, mais notre esprit, nos intentions et nos désirs.
Henry Ward Beecher s’est très bien exprimé au sujet de ces déclarations du Maître: Il n’y avait jamais eu auparavant et il n’y a jamais eu depuis, je le présume, de telles paroles adressées à ceux qui prétendent être disposés et désireux de suivre une autre personne. Nous trouvons une déclaration analogue dans Matth. 10: 37: « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. » Selon toute apparence, le mot haïr est employé pour établir un contraste avec le mot amour. Etre un disciple de Christ, cela signifie donc que nous devons aimer, par-dessus tout, le Seigneur et les principes qu’il nous impose, de telle manière que l’amour que nous ressentons pour les autres soit analogue dans une certaine mesure à la haine.
Cette considération sur le mot haïr implique dès le début la signification de séparation et, en ce qui concerne l’homme, c’est la mise à part de sa volonté, de ses desseins relatifs à tout autre amour susceptible d’entrer en conflit avec notre amour pour le Seigneur et avec notre obéissance à sa volonté. Nos affections terrestres comparées à notre amour pour le Seigneur doivent être considérées comme insignifiantes. Nous devons être prêts à sacrifier, si le Seigneur le commande, toutes nos espérances, nos ambitions, nos projets, et à offrir nos vies volontairement et avec joie. Tous ceux qui font preuve d’un tel esprit de sacrifice sont dignes de se voir confier toutes choses. Le Seigneur désigne ces fidèles-là dans une prophétie de la manière suivante: « Au jour que je prépare, dit Jéhovah des armées, ils seront pour moi un bien particulier [des joyaux].» — Mal. 3 : 17.
Le fait que Jésus lui-même possédait un tel caractère, mettant la volonté de son Père céleste au-dessus de toute autre considération, nous donne l’assurance que tous ses cohéritiers dans le Royaume seront d’un même cœur et d’un même esprit. Jésus nous affirme que ce ne sera pas un royaume où règnera l’égoïsme, mais bien le contraire. Les rois, les princes et les juges de ce royaume auront, non seulement un pouvoir irrésistible, mais ils seront incorruptibles et intègres. Pour eux, l’idéal divin primera tout, ceci dans le sens le plus absolu.
Une consécration au Seigneur telle que nous venons de la décrire, amènera nécessairement, un moment ou l’autre, la rupture de plusieurs liens terrestres. Ceux qui suivent Jésus seront considérés comme des originaux; plusieurs personnes estimeront que la voie qu’elles suivent est anormale, extraordinaire et dénotant un esprit faible. C’est pourquoi St. Paul a dit: Nous sommes fous à cause de Christ pendant tout le jour, parce que nous prêchons la sagesse divine et l’amour de Dieu de préférence à la sagesse humaine et à l’amour de l’humanité. En parlant de ces mêmes consacrés, St. Jean dit: « Tel il est, tels nous sommes aussi dans ce monde, c’est-à-dire proscrits, mal compris, blâmés et calomniés. Seuls, ceux qui pourront résister à ces épreuves, pourront obtenir la couronne au sujet de laquelle Jésus s’exprima comme suit: « A celui qui vaincra je donnerai la couronne de vie et je le ferai asseoir avec moi sur mon trône.
« Qui donc est capable d’un tel ministère ? »demande l’apôtre et il donne la réponse lui-même:
« Notre aptitude vient de Dieu. » Nous trouvons aussi dans les promesses divines: « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » ; nous lisons plus loin: « Je ne te délaisserai point, et je ne t’abandonnerai point. »
Définition du terme, porter sa croix
Jésus, accentuant la sévérité des termes dont il se servit déclara: « Quiconque ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple.» Il ne suffit pas que nous débutions avec de bonnes intentions, après avoir confessé courageusement le nom de Jésus et déclaré hardiment que nous devenions ses disciples, il faut encore que nous soyons mis à l’épreuve après avoir fidèlement pris place auprès du Seigneur. Ce ne sont pas ceux qui débutent dans la carrière avec un faible enthousiasme qui seront reconnus dignes de la récompense, puis acceptés par le Seigneur, mais bien ceux qui auront fait preuve de leurs mérites et de leur fidélité. Le fardeau de la croix est une tâche journalière; nos croix sont constituées par l’opposition du monde, celle de la chair et celle du diable, qui toutes entrent en conflit avec la volonté divine telle qu’elle est contenue dans la Parole de Dieu. La seule véritable notion exprimée est celle que le Maître a rendue comme suit: « Que ma volonté ne se fasse pas mais la tienne. »
Pour nous avertir de ne pas nous aventurer dans la vocation de disciple sans de mûres réflexions, notre Seigneur se servit de la parabole d’un homme qui commence la construction d’une tour, jette les fondations, ne peut terminer son ouvrage et a fait un travail inutile, se rendant ainsi ridicule et insensé aux yeux du monde. On peut donner une autre image de la chose en montrant un soldat partant pour la guerre sans être bien préparé; une telle tentative échouerait misérablement. Tous ceux qui suivent Christ s’astreignent à se former le caractère et à combattre le bon combat. Tous ceux qui s’enrôlent sous la bannière de Jésus, prennent position contre Satan et le péché, et doivent s’attendre à soutenir une rude bataille; ils ne recevront la couronne du vainqueur et n’entendront les paroles : « C’est bien » que s’ils ont persévéré fidèlement à faire le bien.
Quelle bénédiction ce serait si tous ceux oui embrassent la cause de Christ, le faisaient avec une entière et claire compréhension de ce qu’ils font et avec la ferme résolution d’aller de l’avant dans le bon chemin sans regarder en arrière! La cause de Christ progresserait bien davantage au sein de l’humanité et si, d’une part, le nombre des fidèles était bien inférieur, d’autre part, leur influence et la puissance qu’ils exerceraient dans le monde seraient certainement bien supérieures.
«Le sel est une bonne chose, mais…»
Le sel a la propriété de conserver les choses avec lesquelles il est en contact. Il sert aussi à donner de la saveur à nos aliments. Il servait autrefois d’emblème de la fidélité et de la loyauté; on assure que, même aujourd’hui, nombre d’Arabes sont fidèles jusqu’à la mort envers toute personne dans la demeure de laquelle ils ont mangé du sel. Pour eux, cela signifie l’engagement d’être fidèle.
Jésus se servit du sel comme d’un symbole pour représenter sa propre fidélité à Dieu et la fidélité qui doit être manifestée par tous ses disciples, non seulement pendant un certain temps, mais d’une manière permanente. Si le sel perd sa valeur comme assaisonnement, il ne sert plus à rien, il n’a plus aucune valeur comme engrais, car il exerce un effet contraire; il n’est d’aucune utilité quelconque, sinon pour son emploi usuel. Il en est de même du chrétien; il a un but déterminé à remplir dans le monde, il doit exercer un pouvoir préservatif, posséder des qualités antiseptiques et mettre en valeur toutes les bonnes qualités des personnes avec lesquelles il est en relation: telle est la mission du chrétien dans le monde. S’il échoue dans cette mission, il n’a pas atteint le but de son appel et la valeur de ses services pour le Seigneur est nulle.
« Que celui qui a des oreilles pour entendre entende » conclut Jésus. Tous ses disciples doivent se conformer à ces paroles; ceux qui n’en tiennent pas compte méprisent celui qui les leur donna et ils n’obtiendront pas la bénédiction qu’ils eussent acquise en agissant différemment. En ce qui concerne les humains, par contre, « ils ont des yeux et ne voient point, ils ont des oreilles et n’entendent point ». Nous ne devons pas mesurer le mon de avec les mêmes unités que nous employons pour nous-mêmes et pour tous ceux qui professent être des disciples de Jésus. L’idéal le plus élevé du monde est la loi d’or; l’idéal le plus élevé du chrétien est le sacrifice de soi-même en accomplissant la volonté de Dieu quoi qu’il doive lui en coûter.
(T. G., mai 1914)