JACOB ET ESAU 1961

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– Vus sous un jour nouveau

Un conférencier que ses voyages ont amené en contact avec les moeurs et les usages de l’Orient rapporte des renseignements qui permettent d’examiner sous un jour nouveau le marché qui inter­vint entre Jacob et Esaü au sujet du droit d’aînesse et de la tromperie exercée vis-à-vis d’Isaac.

On prétend, et non sans raison, semble-t-il, que les moeurs actuelles des Arabes de Mésopota­mie sont restées, à tous égards, telles qu’elles étaient il y a trois mille cinq cents ans, quand -Abraham y habitait et était un grand cheik, pro­priétaire de troupeaux et maître de nombreux serviteurs. Leurs traditions et leurs coutumes actuelles permettent, par conséquent, de se faire une idée exacte de celles qui régnaient au temps d’Isaac, de Jacob et d’Esaü.

Ainsi on nous dit que, de nos jours encore, le fils premier-né de la famille est l’héritier de la fortune – et qu’il a toute autorité après le père. Il est d’usage, parmi les Arabes, que le fils aîné marque en jeûnant l’anniversaire de la naissance d’un ancêtre connu, dont la fortune est devenue son patrimoine. Les autres membres de la famille, par contre, célèbrent ce jour-là par un festin. Pour le fils aîné, participer au festin en pareille circonstance équivaudrait à renoncer à son droit d’aînesse en faveur de son frère puîné.

Appliquant ces données au cas d’Esaü et Jacob, nous sommes fondés à présumer que les faits relatés en Gen. 25: 29-34 se sont passés à l’occasion de l’anniversaire de leur grand-père Abraham, qui était le point de départ de la merveilleuse bénédiction de Dieu, dont Esaü, comme aîné de la famille, était l’héritier. C’était donc pour lui un devoir, ce jour-là, de jeûner, tandis que Jacob le célébrait comme un jour de réjouissance par un repas de fête, où entrait notamment un ragoût de lentilles. Comme fils aîné, Esaü n’avait pas besoin, pour manger, de marchander avec son frère puisqu’il était le chef de famille après son père; il n’avait qu’à commander tout ce qu’il aurait voulu. Mais en la circonstance, lorsqu’il demanda à Jacob de son mets savoureux, celui-ci en fut étonné et lui répondit pour ainsi dire : — « As-tu cette intention ou plaisantes-tu ? Veux-tu réellement dire que tu souhaites renoncer à tes droits comme premier-né en mangeant ce ragoût ? Si tu as cette intention, j’assumerais très volontiers la responsabilité et je jeûnerai comme si j’étais le premier-né. »

Et Esaü répondit : «Oui, j’ai cette intention. Pourquoi jeûnerais-je? Je n’ai, de toute façon, aucune confiance dans les vieilles promesses de l’Ecriture et je ne crois guère que Dieu ait eu plus de rapports avec notre père Abraham qu’avec d’autres. »

Toujours doutant de sa sincérité, Jacob, suivant une habitude qu’on retrouve encore aujour­d’hui chez les Orientaux, lui dit alors « Jure-le et je le croirai ».

Et ainsi, Esaü jura qu’il abandonnait volontairement ses droits à son frère Jacob, lequel se soumit avec joie aux conditions, en raison de sa foi dans les promesses faites à Abraham.

Pourquoi la supercherie employée à l’égard d’Isaac?

Notre informateur rapporte que, chez les Arabes, on considère encore de bon ton de cacher la vérité aux vieillards, lorsque c’est pour leur éviter de la peine. Pour Isaac la nouvelle que son fils aîné avait fait si peu de cas de ses privilèges, devait, c’est facile à penser, lui causer du chagrin et de la douleur. C’est pourquoi sa femme et Jacob s’entendirent pour l’abuser. (Gen. 27 : 141). Esaü agissait malhonnêtement quand il tenta de reprendre la bénédiction dont il était déchu par serment. Il craignait, semble-t-il, que la bénédiction de premier-né ne valût à Jacob la plus grosse part de la fortune d’Isaac. C’était, selon toute apparence, les biens terrestres qu’il recherchait, et non la bénédiction spirituelle de Dieu par Abraham. Du moment que Jacob laissait tout l’héritage terrestre aux mains d’Esaü, c’était tout ce que demandait ce dernier. Et Jacob légalement, était content, puis­qu’il obtenait la portion qu’il désirait tout particulièrement et qu’il estimait au-dessus de toute autre chose.

Les Ecritures concordent parfaitement avec cette manière de voir, quand elles dénoncent Esaü comme un homme profane et attaché aux choses, du monde, qui vendit sa part acquise, la portion qui lui revenait par droit de naissance des promesses spéciales de Dieu, pour un plat de lentilles, pour une satisfaction temporelle terrestre.

De même, les Ecritures louent Jacob pour avoir renoncé de son propre gré au bien-être terrestre en échange des promesses célestes.

(W. T. 4722 — C.T.R. 1910)

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