« Quand il sortit de la barque, il vit une grande foule, et fut ému de compassion pour elle, et il guérit les malades. » – Matthieu 14 : 14.
Notre étude concerne essentiellement l’idée de compassion. On pourrait poser la question : pourquoi parler de compassion plutôt que de l’amour car l’amour est vraiment une merveilleuse qualité qui englobe tout. C’est même la vraie nature du caractère du Père céleste, car Dieu est amour.
L’amour s’exprime de différentes manières. Il se manifeste lorsque quelqu’un donne son temps, ses forces ou ses moyens pour nourrir, vêtir ou enseigner d’autres personnes ; ou quand une personne soumet sa volonté à une autre – et mille autres sacrifices, petits et grands, pour rendre la vie des autres un peu plus lumineuse, pour que leurs fardeaux et leurs soucis pèsent un peu moins lourd.
La compassion paraît être une manifestation particulière de l’amour ; c’est une forme d’amour qui vient du plus profond du cœur. Avoir de la compassion, c’est être profondément touché par le malheur et les soucis de son prochain. La compassion, c’est souffrir « avec » ceux qui souffrent. Notre Père céleste possède cette vertu en abondance, ainsi que notre Seigneur.
Cette compassion que le Seigneur éprouvait pour le monde malade et mourant ne débuta pas lors de son service pour la nation juive. Elle commença bien avant, dès la longue préparation de la terre, qui était informe et vide et devait être habitée par une nouvelle créature. L’apparition de la lumière pour combattre les ténèbres, la constitution de l’atmosphère avec de beaux nuages pour recueillir l’humidité afin d’arroser la terre et la rafraichir ; la séparation de la mer et du sec, l’ensemencement des collines et des plaines, pour donner de l’herbe et des arbres fruitiers ; la multiplication de merveilleux êtres vivants dans la mer, sur la terre et dans le ciel – tous ces préparatifs uniques et vitaux devaient être d’abord réalisés par le Logos – ou la Parole – sous la conduite de son Père. « … et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. » – Jean 1 : 3.
Puis vint le jour où l’homme fut créé – un nouvel être – pour lequel ces bénédictions furent prévues, et ces préparatifs réalisés. Le Logos participa aussi à sa création. En Genèse nous lisons : « Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. » (1 : 26). « Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. » – Genèse 2 : 8.
Quelle joie le Logos devait-Il ressentir à la création de cet être, formé de la poussière de la terre ! Il était capable de penser, de prendre librement ses décisions ; il pouvait glorifier Dieu et même se reproduire ! Et quelle merveilleuse perspective que la promesse d’une vie éternelle sur terre !
Pourtant, Lui qui avait participé avec amour et avec tant d’attentions à la création du genre humain, assista à la chute, à l’introduction du péché et à la condamnation à mort du premier homme. Sans doute, vit-t-Il avec un grand chagrin la terrible descente de cette noble créature terrestre dans le péché, la maladie, la peine, la souffrance et la mort.
Cette possibilité était prévue par le Père céleste car Il connaissait à l’avance le déroulement des choses qui se passent encore aujourd’hui ; c’est une qualité qui dépasse l’entendement humain. « Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre, je suis Dieu, et nul n’est semblable à moi. J’annonce dès le commencement ce qui doit arriver, et longtemps d’avance ce qui n’est pas encore accompli ; Je dis : Mes arrêts subsisteront, et j’exercerai toute ma volonté. » – Ésaïe 46 : 9, 10.
Dieu aurait-Il créé son enfant terrestre sans préparer une merveilleuse solution, sachant que l’homme irait vers la mort ? Certainement pas ! Dieu est amour, il ne faut pas l’oublier. « Mes arrêts subsisteront, et j’exercerai toute ma volonté. » Immédiatement après que le premier homme eût rompu l’alliance avec son Créateur, Dieu lui donna une lueur d’espoir : la postérité de la femme écraserait la tête du serpent. – Genèse 3 : 15.
Nous ne savons pas si le Logos connaissait dès le début ce point des résolutions de son Père, ni quand Il l’apprit, mais Il l’accepta. Le Logos possédait la gloire, l’honneur et était en harmonie avec le tout-puissant Créateur. Quelle raison obligeait cet être spirituel, le plus glorieux après Dieu, à suivre le difficile chemin que la justice du Très-Haut exigeait ?
Il accomplit cette démarche par amour pour son Père, dont Il reconnaissait et respectait la sagesse en toutes choses. « Alors je dis : Voici je viens avec le rouleau du livre écrit pour moi. Je veux faire ta volonté, mon Dieu ! Et ta loi est au fond de mon cœur. » – Psaume 40 : 8, 9.
Au jardin de Gethsémané, dans l’immense douleur de son âme, quelques heures avant la crucifixion, Il déposa totalement sa propre volonté et son droit à la vie terrestre dans les mains de son Père et pria : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » – Matthieu 26 : 39.
Il y avait encore une autre raison. Durant environ quatre mille ans, le Logos avait observé le triste état dans lequel se trouvait ce merveilleux être humain, qu’Il avait contribué à créer. Il avait constaté sa déchéance, la perte de sa gloire, de sa perfection et de son bonheur – tout ce dont se réjouissait le père Adam au jardin d’Éden. Il le vit séduit par le péché, impliqué dans des combats et des guerres, abattu par la maladie, dans la souffrance et la mort.
Jésus Lui-même nous raconte le grand amour de son Père pour l’humanité, même dans cet état de déchéance : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. » – Jean 3 : 16.
Le Seigneur témoignait du même amour envers l’humanité, et c’est par compassion pour les hommes, qu’Il abandonna la gloire dont Il jouissait auprès du Père. Il quitta le plaisir de sa compagnie, car Jésus-Christ « existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. » (Philippiens 2 : 6-8). L’apôtre Paul nous dit aussi : « Mais celui qui a été abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges, Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de la mort qu’il a soufferte, afin que, par la grâce de Dieu, il souffrit la mort pour tous. » – Hébreux 2 : 9.
Cet amour, cette compassion, qui poussa notre Seigneur à quitter sa position élevée auprès du Père céleste, fut le fil conducteur de son service sur terre. Partout où Il allait, Il rencontrait les soucis, les maladies et les souffrances humaines, et Il en était affligé. Nous lisons dans certains versets qu’une grande foule Le suivait et qu’Il guérissait tout le monde. Quand Jésus apprit la mort de Jean-Baptiste, Il : « … partit de là dans une barque, pour se retirer à l’écart dans un lieu désert ; et la foule, l’ayant su, sortit des villes et le suivit à pied. Quand il sortit de la barque, il vit une grande foule, et fut ému de compassion pour elle, et il guérit les malades. » – Matthieu 14 : 13, 14.
Ailleurs Matthieu écrit : « Jésus parcourait toutes les villes et les villages, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité. Voyant la foule, il fut ému de compassion pour elle, parce qu’elle était languissante et abattue, comme des brebis qui n’ont pas de berger. » – Matthieu 9 : 35, 36.
À une autre occasion, Matthieu dit encore : « Jésus, ayant appelé ses disciples, dit : Je suis ému de compassion pour cette foule ; car voilà trois jours qu’ils sont près de moi, et ils n’ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, de peur que les forces ne leur manquent en chemin. » – Matthieu 15 : 32.
Lorsqu’Il constata que les disciples avaient sept pains et quelques poissons, Il rendit grâces, et nourrit quatre mille hommes sans compter les femmes et les enfants. Son attention ne se portait pas uniquement sur les foules, mais Il était aussi ému par la maladie d’une seule personne, comme dans le cas du lépreux : « Un lépreux vint à lui ; et, se jetant à ses genoux, il lui dit d’un ton suppliant : Si tu le veux, tu peux me rendre pur. Jésus, ému de compassion, étendit la main, le toucha, et dit : Je le veux, sois pur. Aussitôt la lèpre le quitta, et il fut purifié. » – Marc 1 : 40-42.
Puis, nous avons le touchant épisode de Naïn. C’est Luc qui nous le rapporte : « Le jour suivant, Jésus alla dans une ville appelée Naïn ; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui. Lorsqu’il fut près de la porte de la ville, voici, on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve ; et il y avait avec elle beaucoup de gens de la ville. Le Seigneur, l’ayant vue, fut ému de compassion pour elle, et lui dit : Ne pleure pas ! Il s’approcha, et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s’arrêtèrent. Il dit : Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! Et le mort s’assit, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère. » – Luc 7 : 11-15.
Que le Seigneur devait être heureux de sentir en Lui la puissance de vie de Dieu, lorsque la femme recouvra son fils de la mort !
Nous nous souvenons aussi de la mort de Lazare et comment ses sœurs Marie et Marthe, attristées, firent chercher Jésus. « Lorsque Marie fut arrivée là où était Jésus, et qu’elle le vit, elle tomba à ses pieds, et lui dit : Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort. Jésus la voyant pleurer, elle et les Juifs qui étaient venus avec elle, frémit en son esprit, et fut tout ému. Et il dit : Où l’avez-vous mis ? Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois. Jésus pleura. Sur quoi les Juifs dirent : Voyez comme il l’aimait. » (Jean 11 : 32-36). Et Jésus le ramena à la vie.
Même lors de son arrestation au jardin de Gethsémané, peu avant sa crucifixion, Il montra encore sa miséricorde et sa compassion, cette fois-ci à l’égard d’un ennemi. Pour défendre son Maître, Pierre d’un geste prompt tira son épée et « frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui coupa l’oreille droite. Ce serviteur s’appelait Malchus. Jésus dit à Pierre : Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m’a donnée à boire ? » – Jean 18 : 10, 11.
Au milieu de ce tumulte, Il était calme, et n’oubliait pas un instant qu’Il était le Fils de Dieu, qu’Il était venu sur terre pour être le Sauveur du monde. Sans égard au danger et que sa mort était imminente, Il guérit charitablement l’oreille de l’homme. Souvent, le Seigneur devait penser au temps où, non seulement une personne çà et là serait guérie, recouvrirait la vue ou serait rappelée à la vie, mais où toute l’humanité « morte » et mourante sera sauvée, bénie et rendue à la vie dans le royaume.
Pourtant, peu de gens Le remerciaient en ce temps-là. Un jour, Il guérit dix lépreux, mais un seul revint et glorifia Dieu. Jésus lui dit : « Les dix n’ont-ils pas été guéris ? Et les neuf autres, où sont-ils ? Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir et donner gloire à Dieu ? » (Luc 17 : 17-19). Mais ce manque de gratitude ne décourageait pas notre Seigneur de faire le bien ; Il savait que la compassion divine n’était pas seulement accordée à ceux qui étaient reconnaissants.
Jusqu’à la fin, nous voyons l’amour de Jésus pour son peuple ; et nous entendons son cri de désespoir, venant semble-t-il du plus profond de son âme : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Matthieu 23 : 37). Il était venu chez les siens, mais ils ne l’ont pas reçu ; mais cela n’empêcha pas son amour et sa compassion pour eux. Il n’est pas étonnant que le peuple ordinaire l’ait reçu avec joie ! Vraiment, nous avons un Souverain Sacrificateur, qui a compassion de nos faiblesses ! Il fut ému de compassion pour toute l’humanité. Il souffrit avec elle, et donna finalement sa vie pour elle.
Puis vint sa résurrection. Et lorsqu’Il fut relevé de l’état de mort et libéré des liens de la tombe par son Père céleste, nous pouvons nous imaginer son premier instant de joie lorsqu’Il comprit que son sacrifice avait pris fin, et que le Père l’avait accepté. Peut-être que sa première pensée fut pour la promesse du Père : « Car tu ne livreras pas mon âme au séjour des morts, tu ne permettras pas que ton bien-aimé voie la corruption … Il y a d’abondantes joies devant ta face, des délices éternelles à ta droite. » – Psaume 16 : 10, 11.
Durant les années de solitude de son service où Il fit un travail épuisant – Lui, le « Fils unique venu du Père » (Jean 1 : 14), combien s’était-Il langui de ne pouvoir être auprès du Père, dont Il faisait les délices ! Pourtant, avant de se présenter au Père, Il avait encore un devoir à remplir. Il devait retourner auprès de ses chers disciples – « les brebis sans berger » – pour se manifester à eux, les consoler et les assurer de sa résurrection.
Nous avons compris ces témoignages – et ils portent à réfléchir. Certes, nous connaissons depuis longtemps les versets cités. Mais maintenant, nous nous demandons si, à la place du Seigneur, nous aurions ressenti les mêmes émotions.
L’apôtre Paul savait qu’il ne nous était pas toujours donné d’être compatissants, à cause de notre nature déchue, sinon il n’aurait pas jugé utile d’insister auprès des saints et des fidèles d’Éphèse, en leur écrivant : « Que toute amertume, toute animosité, toute colère, toute clameur, toute calomnie et toute espèce de méchanceté, disparaissent du milieu de vous. Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ. » – Éphésiens 4 : 31, 32.
Il existe aussi pour nous, qui devons lutter quotidiennement avec notre « vieille nature », une aide, un genre de « tremplin » pour nous assister dans la pire situation, celle de l’amour de nos ennemis. Imaginons que quelqu’un nous ait blessé, calomnié, ou traité, selon nous, injustement. Notre réaction « naturelle » serait de répondre, de réagir en conséquence, car nous sommes dans notre droit. Pensons alors au Seigneur : aurait-Il agit ainsi ?
Lui qui était parfait, voyait plus loin dans l’avenir. Il avait de la compassion pour l’humanité décadente, parce qu’Il la savait sous l’influence de l’Adversaire, parce qu’Il ne perdait jamais de vue le futur temps de justice, de rétablissement et de pardon. L’homme qui a goûté à l’amour de Dieu et compris que nos péchés ne nous sont pas imputés grâce au sacrifice de Jésus, n’a plus autant de difficultés à avoir de l’indulgence pour celui que Satan a séduit. Il sait, en effet, que dans les « temps de rétablissement » cet homme sera complètement transformé. Il sera comme Adam à l’origine, à l’image de Dieu, notre Créateur tout-puissant.
Efforçons-nous, dans ce temps où le mal est permis, d’acquérir cette disposition de miséricorde. Car les mêmes personnes qui nous condamnent, nous blessent ou nous font du tort aujourd’hui, quand elles auront fait l’expérience de la bonté, du pardon et de la compassion du Seigneur, deviendront des êtres humains à l’image de Dieu, sous la bienveillante direction du Christ. Il est encore temps pour nous de suivre le conseil enflammé de Pierre, qui nous exhorte ainsi : « Enfin, soyez tous animés des mêmes pensées et des mêmes sentiments, pleins d’amour fraternel, de compassion et d’humilité. Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure ; bénissez, au contraire, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin d’hériter la bénédiction. Si quelqu’un, en effet, veut aimer la vie et voir des jours heureux, qu’il préserve sa langue du mal et ses lèvres des paroles trompeuses, qu’il s’éloigne du mal et fasse le bien, qu’il recherche la paix et la poursuive ; car les yeux du Seigneur sont sur les justes et ses oreilles sont attentives à leur prière. » – 1 Pierre 3 : 8-12.
TA – Mars-Avril 1999