LA PHILOSOPHIE D’UN ERMITE

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A méditer

Dans une certaine caverne rocheuse vivait un homme solitaire, quand arrivèrent une fois, des chasseurs en quête d’animaux sauvages. Ayant vu l’ermite, ils engagèrent la conversation avec lui.

— Est-ce que tu ne t’ennuies pas d’être là tout seul dans ce désert, sans aucune compagnie et sans occupation ? ‘lui demandèrent-ils.

— Oh ! mes braves gens, j’ai beaucoup de compagnons et beaucoup d’occupations, leur répondit l’ermite.

— Où sont-ils donc tes compagnons, et quelle est ton occupation ?

— Eh bien voilà, j’ai deux faucons que je m’efforce d’apprivoiser, pour qu’ils n’aillent pas où il ne faut pas, mais seulement là où je l’es envoie ; j’ai deux lièvres, qui d’habitude ne demandent qu’à galoper, courir, et moi je m’efforce de les retenir. J’ai deux éperviers voraces, qui voudraient toujours dévorer et détruire et que je m’évertue à éduquer pour les rendre doux et pacifiques… J’ai aussi un oiseau bizarre, qui d’habitude ne veut que battre des ailes et créer du tumulte, de la confusion et, bien sûr, des dégâts autour de lui ; je m’efforce de l’attacher pour qu’il reste calme et silencieux. J’ai un lion féroce qui cherche toujours une proie ; il voudrait me dévorer à la première occasion ; celui-là, je le tiens solidement par la crinière et je le muselé.

Enfin j’ai près de moi un certain malade qui a constamment des caprices, des envies, qui certainement conduisent à aggraver son état de santé, et même à l’anéantir. J’essaye de l’éduquer, je m’occupe de lui, l’autorisant uniquement à utiliser et à prendre tout ce qui ne lui est pas nuisible mais qui est de nature à l’aider à recouvrer la santé.

— Cher ami ! Mais où sont donc tes faucons, tes lièvres, tes éperviers, ton oiseau bizarre, ton lion et ton malade ? Lui demandèrent les visiteurs stupéfaits et intrigués.

— Les faucons, ce sont mes yeux ; ils convoitent toujours ce qui brille et qui est vain, et moi je les conduis vers les choses spirituelles, vers ce qui, intérieurement, est beau et précieux, même si, extérieurement, cela n’a pas d’attrait.

Les lièvres, ce sont mes jambes ; elles veulent galoper et courir dans le monde rempli de péchés et d’injustices, et moi je m’efforce de contenir leur énergie et leur zèle.

Les éperviers, ce sont mes mains qui voudraient accumuler sans cesse des richesses et essayer d’accaparer celles des autres ; et moi je les tiens près de moi pour qu’elles se satisfassent avec le peu qu’elles ont.

L’oiseau bizarre, c’est ma langue, qui voudrait toujours parler énormément, cancaner, dénigrer, offenser, blesser, avec pour résultat beaucoup de mal ; en conséquence, je le réduis au silence. Le lion c’est mon cœur, qui a divers désirs et aspirations coupables qui pourraient me perdre ; aussi j’essaye de les maintenir dans la modestie et les orienter vers le bien.

Le malade, c’est mon corps entier, faible de nature, susceptible et prédisposé à diverses tentations qui ‘l’affaibliraient encore davantage et le conduiraient rapidement à la tombe. Je lui explique donc que ce n’est pas lui qui doit dominer sur l’esprit, mais bien le contraire. Je lui accorde une hygiène convenable, ne lui donne pas trop à manger ; je lui fais boire de l’eau seulement, et ainsi je le maintiens en bonne santé.

Les chasseurs ont compris les paroles concises du solitaire et, l’ayant salué respectueusement, lui ont déclaré : “ Le plus grand des athlètes est celui qui se domine lui-même”.

Cette anecdote est d’origine ukrainienne ; nous la publions car elle renferme une magnifique leçon de contrôle de soi. Nul besoin d’être dans l’isolement pour contrôler nos membres et nos facultés.

 Nous pouvons et nous devrions le faire dans toutes les circonstances de notre vie, selon l’exemple de l’apôtre Paul : “Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti” (1 Corinth. 9:27).

“ Comme une ville forcée et sans murailles, ainsi est l’homme qui n’est pas maître de lui-même” (Prov. 25:28).

(Straz, 4-1937).