« Il m’a retiré de la fosse de destruction, du fond de la boue ;
et il a dressé mes pieds sur le roc, il a affermi mes pas. » – Psaume 40 : 3.
Le psaume quarante est l’un des plus confidentiels et des plus difficiles à comprendre ; nous allons essayer de démontrer la grande valeur de ce cantique.
Le monde, tel qu’il est, est le monde de Dieu, le Créateur des cieux et de la terre. Le Tout-Puissant, glorieux, juste et sage, nous donne l’assurance que sa Création sera parfaite, belle, intelligente, qu’elle subsistera éternellement. Nous pouvons Lui faire confiance, nous savons qu’Il nous protège, en Lui est notre promesse de vie.
Le psalmiste met cela en lumière, c’est ce qui lui procure repos et consolation, qui lui assure une paix durable. Ses pieds sont fondés sur le roc, sur le rocher de Dieu, sur le rocher de la foi. S’il ne perd pas ces choses de vue, il n’éprouvera plus de peur, ni de trouble ; il avancera d’un « pas sûr », qui le conduira au but.
Dieu a mis un « nouveau chant » sur ses lèvres, la louange du Dieu vivant, la joie de la délivrance parfaite en Dieu. Ce chant se répand, apporte aide et consolation à d’autres, pour la gloire du Tout-Puissant. Celui que ce chant a délivré peut lui-même montrer la voie à ceux qui sont prisonniers des ténèbres, montrer que l’orgueil de l’homme et la fuite dans l’illusion et le mensonge sont les pires erreurs et provoquent le désespoir. N’est-ce pas un mensonge qui nous fait croire que l’homme se suffit à lui-même ? L’homme impie ne cherche-t-il pas satisfaction dans les illusions mais ne la trouve pas ?
Le psalmiste désire s’immerger dans la richesse de la gloire de Dieu, pour mieux Le connaître, car Il comble ses espoirs. Il ne peut pas voir Celui qu’on ne peut pas approcher, même par « derrière ». Jamais personne n’a vu Dieu. Mais nous pouvons suivre sa trace et son action, dans notre vie, dans celle d’autres gens et dans celle des peuples.
Dieu parle de l’histoire. Il parle surtout de l’histoire du peuple d’Israël, non seulement dans la « Parole de Dieu », mais Il parle aussi de l’histoire des Juifs tout au long de la période chrétienne. Israël est, de nos jours encore, le témoin de Dieu, le peuple des prophètes, le pays dont les prophéties deviennent l’histoire et deviendront l’histoire future. La « Parole de Dieu », la Bible, nous montre les arrangements de Dieu dans le passé, son but final dans le futur.
« Tu as multiplié, Éternel, mon Dieu ! Tes merveilles et tes desseins en notre faveur : Nul n’est comparable à toi. » (Verset 6). On ne peut transmettre la richesse de la connaissance de Dieu et des expériences faites avec Lui.
Soudain, le cours des pensées du psalmiste prend une direction surprenante : « Tu ne désires ni sacrifice ni offrande, tu m’as ouvert les oreilles ; Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire. Alors, je dis : Voici, je viens avec le rouleau du livre écrit pour moi. Je veux faire ta volonté, mon Dieu ! Et ta loi est au fond de mon cœur. » – Versets 7-9.
Tout à coup, nous entendons parler un personnage tout différent. Il nous explique que le rouleau du livre est écrit pour lui, qu’il serait prophétiquement annoncé. Il ne s’agit pas de David, car il n’est annoncé nulle part dans la Parole.
Cet homme dit qu’il vient pour remplir une mission que Dieu lui a confiée, et qu’il désire faire sa volonté. Il ne répète pas simplement ce qui est écrit, il parle sous l’autorité directe du Saint Esprit : « Et ta loi est au fond de mon cœur ! » Celui qui parle est au-dessus de la loi, il est le Seigneur de la loi. Qui d’autre pourrait-Il être, que le Messie, le Christ ? Pour que nous n’ayons aucun doute, l’explication est clairement confirmée dans le Nouveau Testament. Il y est dit de Christ : « C’est pourquoi Christ, entrant dans le monde, dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps ; tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. Alors, j’ai dit : Voici je viens (Dans le rouleau du livre il est question de moi) pour faire, ô Dieu, ta volonté. » – Hébreux 10 : 5-7.
Ainsi, les versets 7 à 9 de notre psaume sont les paroles mêmes du Christ. Il parle par la bouche de David qui, comme prophète, exprime des choses dépassant de loin son entendement. Il nous révèle les résolutions de Dieu pour la rédemption de l’homme, par son Oint, qui seul a connu la volonté de Dieu : Il ne demande pas une multitude de sacrifices d’animaux.
Dieu a « ouvert les oreilles » au Fils, la capacité de comprendre sa volonté et de la faire. « Des oreilles » – cela veut dire que le Fils n’a pas attendu un ordre de son Père, mais qu’il Lui a suffi d’entendre le vœu de son Père pour saisir avec joie l’occasion que son bon plaisir Lui réservait. Ces mots nous permettent d’entrevoir le fond du cœur du Père et du Fils, en cette heure bénie où la décision de la délivrance a été conçue.
Le Fils nous dévoile ce plan : ni les nombreux sacrifices d’animaux, ni leur sang ne peuvent satisfaire à la justice de Dieu. Elle nécessite le sang d’un homme parfait. Le texte grec des psaumes dit que Dieu a donné un « corps » à son Fils. Il Lui a octroyé la nature humaine, pour que le prix correspondant qu’Il représente soit équivalent.
Les milliers de sacrifices d’animaux qu’Israël a offerts à son Dieu, avec un zèle sincère, sont devenus superflus, inutiles. Pourtant, n’est-ce pas la loi de Dieu qui exigeait ces sacrifices ? Sans aucun doute, et ils ne devaient pas être négligés jusque-là. Mais le peuple d’Israël avait la légèreté de croire que Dieu se contenterait des innombrables cérémonies et sacrifices d’animaux. Il ne connaissait même plus le sens symbolique du sacrifice, représentant le rapprochement de celui qui l’offrait avec Dieu ; et il n’était pas question que l’homme impie et impur s’approche du Saint des Saints, si ce n’est au prix d’une autre vie (représenté ici par la vie d’un animal sacrifié), qui l’aurait purifié de ses péchés. Les sacrifices d’animaux, mais aussi tout culte, sont sans valeur s’ils ne conduisent pas le croyant au cœur spirituel même de l’œuvre de Dieu, et si le message de Dieu n’est pas entendu, mais plutôt celui de l’homme, plus ou moins sincère.
Même si les entreprises actuelles de Dieu devaient nous être incompréhensibles, nous voyons pourtant, à travers l’histoire passée de son peuple, qu’Il nous a permis de jeter un regard sur le but de son action en faveur des hommes. Il démontre ainsi au psalmiste que le jour viendra, où tout ce qui concerne le service de Dieu, fait de figures allégoriques, se révèlera et se réalisera merveilleusement dans le royaume de Dieu. Alors, non seulement le sacrifice symbolique sera supprimé, mais même le temple et le culte qui s’y rattache, disparaîtront ; ils seront remplacés par le royaume de Dieu et le service de l’amour, de la miséricorde et de la fraternité.
En fait, peu après l’offrande du sacrifice de Christ, le temple de Jérusalem « fait de main d’homme » a cessé d’exister. Car, l’Église de Christ, le véritable temple de Dieu dans lequel son esprit habite, s’est manifestée. « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » demande Paul, plein de reproches, aux croyants encore novices (1 Corinthiens 3 : 16 ; 2 Corinthiens 6 : 16). De même, Étienne, le premier martyr, avait souligné le caractère provisoire de « ce qui est fait de main d’homme » – Actes 7 : 48.
Le psalmiste a eu l’honneur d’annoncer le secret le plus sacré de Dieu et de son Élu, non pas en tant qu’initié, mais le Seigneur Lui-même, par sa bouche, a parlé aux hommes de ce qu’il y avait dans le cœur du Père et du Fils. Il a révélé des plans totalement inimaginables, telle que la décision du Fils de s’offrir en sacrifice véritable antitypique, à cause de l’amour de Dieu. Et maintenant, qu’est-ce que le psalmiste a encore à nous annoncer ? Ne devrait-il pas conclure, pour ne pas tomber dans la futilité, après avoir avancé des informations si grandioses ?
Pourtant, c’est là qu’il va dire l’essentiel : « J’annonce la justice dans la grande assemblée ; voici, je ne ferme pas mes lèvres, Éternel, tu le sais ! Je ne retiens pas dans mon cœur ta justice, je publie ta vérité et ton salut ; je ne cache pas ta bonté et ta fidélité dans la grande assemblée. » – Versets 10 et 11.
Qui parle ici ? C’est le témoin de l’œuvre du Messie, de la justice de Dieu, de la délivrance accomplie fidèlement par Dieu. C’est celui qui a été désigné pour répandre le message de la Rédemption dans « la grande assemblée », qui porte l’Évangile dans le monde entier : c’est l’Église. Le Messie parle du haut du ciel par la bouche de ses témoins terrestres, son Corps. Ce n’est donc pas le psalmiste qui parle, il est l’interprète de l’Église. Nous entendons la Bonne Nouvelle et nous apprenons qu’elle ne peut être passée sous silence, mais qu’elle doit rendre témoignage dans la « grande assemblée ». Quelle est cette grande assemblée ? C’est la classe des appelés hors du monde, tout au long de l’Âge de l’Évangile. Ce sont ceux, à qui l’Église de Christ peut et doit parler. Elle ne parle pas au monde, à ceux qui sont aveugles et sourds face à ce message. Elle ne peut parler qu’à ceux qui ont des oreilles pour entendre. Ce sont donc ceux qui forment la « grande assemblée ».
L’expression « assemblée » revient deux fois de suite. Le Nouveau Testament en grec, utilise deux termes pour « assemblée » : « Ecclésia », et « Synagogue » (ici le texte hébreu emploie le même mot, les deux fois). La Synagogue doit aussi entendre le message ; d’abord l’Ecclésia, puis la Synagogue. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Israël selon la chair doit aussi entendre le message de l’Évangile, peut-être d’une autre façon que l’Ecclésia, peut-être indirectement, de manière incompréhensible ou déformée, suivant la manière dont ils comprennent le message. Il suffit que « la vérité ne leur soit pas restée cachée », car : « Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s’il n’y a personne qui prêche ? » (Romains 10 :14). Et c’est valable, somme toute, pour l’ensemble des hommes. Même si la vérité ne touche pas leur cœur actuellement, elle doit au moins avoir résonné à leurs oreilles : « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » – Matthieu 24 : 14.
Nous entendons donc, dans ce psaume 40, des voix bien différentes. La voix du psalmiste, celle du Messie et celle de l’Ecclésia. Et par leur entremise, Dieu aussi parle aux croyants.
Puis, la parole revient au psalmiste et ce qu’il dit, après cette importante révélation, est un peu déconcertant. Il se voit obligé de revenir sur lui-même, sur sa misère humaine, sur ses insuffisances. Et comment ce misérable se comporte-t-il vis-à-vis de la gloire dont il vient de témoigner ? Il est dans le même état d’esprit que le prophète, quand il a eu l’honneur d’apercevoir le Très-Saint dans le temple et s’est exclamé : « … Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées ! » (Esaïe 6 : 5). De la même manière, le psalmiste se sent contraint de faire appel à la miséricorde de Dieu, pour que sa grâce et sa vérité le protègent : « Car des maux sans nombre m’environnent ; les châtiments de mes iniquités m’atteignent, et je ne puis en supporter la vue ; ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête, et mon courage m’abandonne. » (Verset 13). C’est la situation dans laquelle se trouve cet homme béni, après avoir reçu la brillante lumière du ciel. Nous ne sommes rien face au Tout-Puissant, il ne peut en être autrement. « Veuille me délivrer, ô Éternel ! Éternel, viens en hâte à mon secours ! » – Verset 14.
Mais cette perplexité n’est pas la seule source de tourment qui touche l’enfant de Dieu. Si le croyant se sent éloigné de la sainteté divine, en même temps éloigné et attiré par elle, sa situation dans le monde diffère peu. En tant qu’homme, il est censé appartenir à une culture, à un peuple, à un cercle amical et à une famille terrestre ; mais comme Chrétien, il est conscient d’être délivré de ces liens et appelé hors du monde. C’est cette dernière situation qui doit emporter la décision. Et le monde sachant cela, quand il rencontre cette personne singulière, la traite volontairement ou non, avec haine et mépris, et ce d’autant plus qu’il n’a aucune raison de se plaindre d’elle. Car ici, ce ne sont pas la raison et la vérité qui interviennent, mais de sombres instincts, le mensonge et des pulsions de meurtre. « Que tous ensemble ils soient honteux et confus, ceux qui en veulent à ma vie pour l’enlever ! Qu’ils reculent et rougissent, ceux qui désirent ma perte ! Qu’ils soient dans la stupeur par l’effet de leur honte, ceux qui me disent : Ah ! Ah ! » (Versets15, 16). Le monde vous haïra, dit Jésus à l’Église.
C’est ainsi que le psaume se termine, par une description claire de la situation personnelle du croyant, de l’Église qui souffre et combat. La vie de David est pour eux un symbole complet : aimé de Dieu, il est passé par des hauts et des bas ; éclairé par la grâce, assombri par les péchés et les souffrances, mais sauvé par l’amour et le pardon, à cause de sa fidélité. Mais il n’est pas question de triomphe ni d’autosatisfaction, tant que nous sommes dans la chair. Et notre beau cantique se termine plutôt humblement : « Moi, je suis pauvre et indigent ; mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon aide et mon libérateur : Mon Dieu, ne tarde pas ! » – Verset 18.
Extrait TA – décembre 1981