Le rétablissement d’Israël. 1908

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Aurore du Millénium, Tome III — Chap. VIII.

Le rétablissement d’Israël en Palestine approche. — Comment se produira-t—il? Les Juifs qui y tendent sont-ils nom­breux et où se trouvent—ils? — Les événements de 1878 et ce qui suivit. — Les Juifs seront les premiers bénis du Millénium. — Leurs espérances revivent. — Citations d’écri­vains juifs et autres accomplissant les prophéties. — Les yeux d’Israël commencent à voir. Le mouvement prend de l’extension et de l’importance — Dieu les secourra. — Les Anglais sont-ils les dix tribus ?

,En ce jour-là, je relèverai le tabernacle de David, qui est tombé, je fermerai ses brèches, je relèverai ses ruines et je le bâtirai comme au jour d’autrefois: Et je rétablirai les captifs de mon peuple Israël, et ils bâtiront les villes dévastées et les habiteront, et ils planteront. dos vignes et en boiront le vin et ils feront des jardins et an mangeront le fruit. Et je les planterai sur leur terre et ils ne seront plus arrachés de dessus leur terre que je leur ai donnée, dit l’Eternel ton Dieu ” — Amas IX, 11. 14, 15.

Le peuple juif se trouve parmi les choses les plus intéressantes que l’antiquité nous a léguées. Des ar­chéologues. infatigables ont recherché et examiné tout objet témoin de l’antiquité et en ont tiré des conclusions savantes. Ils ont mesuré et décrit des monuments de tout genre: des autels, des tombeaux, des ruines d’édi­fices publiques ou d’habitations particulières, des fresques, des ornements sculptés; ils ont fouillé la littérature des anciens pour y trouver si possible la trace de la vérité cachée dans les mythes, les œuvres des poètes, les tra­ditions multiples. Ils désiraient retracer par ce moyen le chemin parcouru par l’humanité, en trouver l’ori­gine et si possible le but à venir. Eh bien, le monu­ment le plus digne de leurs efforts est le peuple juif, dont nous connaissons l’origine, l’histoire et l’avenir. Il est un témoin vivant et doué d’intelligence, du développement d’un plan merveilleux, développement prédit jadis par ses saints prophètes et qui s’accomplit tant sous nos yeux que dans le passé.

L’histoire d’Israël, ses croyances, son caractère, ses coutumes, voire même ses traits, établissent une distinction nette entre ce peuple et le reste de l’humanité. Il a conservé le cou roide ainsi que sa prédilection pour les oignons et l’ail relatés dans les livres de Moïse.

Comme peuple Israël a en effet des avantages “grands de toute manière ” les oracles du Dieu vivant lui ont été confiés, la vérité lui a été révélée, il a vu sortir de son sein des poètes et des législateurs, des hommes d’état et des savants qui, peu à peu, ont fait de ce peuple esclave une grande nation telle que le monde s’en étonnait. — Rom. 3:1, 2: 1 Rois 4: 30—84: 10:1—29.

Nous concluons du passage cité d’Amos que le rétablissement d’Israël en Palestine est un des événements du “jour de l’Eternel” (période de transition, durant de 1874—1914). Cette prophétie d’Amos ne se prête à aucune interprétation symbolique. Le Canaan qui est promis aux Juifs, n’est pas dans le ciel, mais sur terre, ils seront plantés dans leur pays. dans le pays dont Dieu dit qu’il le leur a donné, dans le pays, au sujet duquel il dit à Abraham: “Lève les yeux et regarde, du lieu où tu es, vers le nord, vers le midi, vers l’orient et vers l’occident; car tout le pays que tu vois, Je te le donnerai et à ta postérité pour toujours et je ferai que ta postérité sera comme la poussière de la terre, en sorte que si quelqu’un peut compter la poussière de la terre, ta postérité aussi sera comptée. Lève-toi et PROMENE­ TOI DANS LE PAYS, en long et en large, car je te le donnerai. Et je te donne et à ta postérité après toi le pays de ton séjournement, tout le pays de Canaan, EN POSSES­SION PERPETUELLE.” — Genèse 13: 14—17; 17: 8.

Les Juifs sont entrés dans ce pays de la promesse et y ont vécu durant plusieurs siècles, mais à diverses reprises ils en furent arrachés; ils furent emmenés captifs et des étrangers détruisirent leurs villes, burent le vin de leurs vignes, mangèrent les fruits de leurs jardins. L’empire romain mit fin à leur existence nationale et les dispersa dans toutes ses provinces, où, pour la plupart, ils sont restés des étrangers, des sans-patrie pourchassés de lieu en lieu. Mais suivant le prophète ils seront replantés dans leur pays pour ne

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plus en être arrachés et ils rebâtiront leurs anciennes villes et les habiterons. C’est ce rétablissement que, dans leur misère actuelle, ils appellent de tous leurs vœux, qui est leur espoir commun aujourd’hui encore, espoir qui en a groupé un grand nombre dans le mou­vement sioniste. Leur foi en le Dieu de leurs pères subsiste quoiqu’ils aient rejeté son Oint à cause de son apparence humble et débonnaire. Ils furent sévèrement puni pour l’avoir crucifié; ils expient encore ce grand crime; ils ne s’attendaient pas à ce que Dieu donnerait une suite si terrible à leur cri: “ Que son sang soit sur nous et nos enfants! ” Mais ce crime n’est pas impar­donnable, le Seigneur ayant donné sa vie en faveur même de ses ennemis.

A la merci des nations parmi lesquelles ils furent dispersés, les Juifs subirent un sort lamentable. Ils demeurèrent exclus des métiers honorables et furent réduits a gagner leur vie par des moyens qui étaient considérés comme déshonorants; ils furent pillés de toutes façons, casernés dans les ghettos des villes et obligés de se vêtir différemment ce qui ajouta au mépris, la haine de leur entourage et la cruelle moquerie. Et dans les pays à demi-barbares de l’Orient européen ils sont cons­tamment le gibier de foules ameutées, fanatisées se livrant à des pogroms sous le regard indulgent des autorités.

Mais le même Dieu qui a prévu tout cela, a aussi promis et prédit que leur aveuglement qui leur a attiré tous ces maux prendra fin et lui permettra de récom­penser la fermeté de leur foi, de les bénir, d’accomplir les prophéties les concernant.

Les préparatifs faits depuis un certain nombre d’années pour le rétablissement des Juifs en Palestine sont une preuve de plus pour la proximité de cet événement. Voici d’abord la séparation de la balle d’avec le bon grain. Les banquiers, les grands commerçants, les avo­cats, les éditeurs et rédacteurs juifs, en un mot, les grands aux yeux du monde, ont pour la plupart aban­donné la foi de leurs pères, alors que celle-ci, l’espé­rance en le retour, vers Sion, de la grâce et de la faveur de Jéhovah, est maintenue surtout par les Juifs pauvres et opprimés. Voici un résumé de leur foi:

“Je tiens et crois

  • que Dieu est le créateur, artisan et conducteur de toute créature,
  • qu’il n’y a qu’un seul Créateur et que ce créateur unique a été, est et sera à jamais le Dieu des Juifs;
  • que le Créateur est esprit et non chair;
  • qu’avant Lui rien ne fut et qu’Il subsistera éternellement;
  • qu’Il est seul digne de notre adoration,
  • que les paroles des prophètes sont vraies et s’accompliront,
  • que Moïse a été l’homme le plus sage qui ait jamais existé et qui existera jamais, et que ses prophéties s’accompliront;
  • que la loi a été transmise par Dieu à Moïse telle que nous l’avons maintenant encore;
  • que cette loi ne sera jamais changée ni remplacée,
  • que Dieu, d’après le témoignage des pro­phètes connaît toutes les pensées et tous les actes des hom­mes ;
  • que Dieu récompensera ceux qui observent ses commandements et qu’il punira ceux qui les transgressent; ~
  • que le Messie viendra — j’attendrai toujours sa venue—;
  • que les morts retourneront à la vie, lorsque le Dieu Créateur le voudra, Lui dont le nom et la mémoire soient loués à tout lamais. Amen.”

La loi de Moïse est encore observée parmi les Juifs croyants quoique les sacrifices symboliques n’aient plus pu avoir lieu depuis la destruction du temple. Dans leurs assemblées cultuelles ils lisent une portion de l’Ancien Testament, prononcent des prières et des actions de grâces. Le second jour de leur “ fête des trompettes ” ils lisent l’histoire du sacrifice d’Isaac, et les bénédictions promises à Abraham et à sa postérité, puis ils sonnent de la trompette et prient que Dieu les ramène à Jéru­salem.

Parmi les Juifs incrédules il y en a qui nient l’exis­tence d’un Dieu personnel, la venue d’un Messie; ils prétendent que la nation juive tout entière est le Messie, qu’elle a souffert et ainsi accompli les prophéties et qu’elle réforme peu à peu le monde par le moyen de la civilisation.

Les Juifs croyants seront sans doute les premiers à être rassemblés et bénis par le Messie revenu. ils diront avec le prophète millénaire: “ Voici, c’est ici notre Dieu; nous l’avons attendu, et il nous sauvera; égayons-nous et réjouissons-nous dans sa délivrance. ” — Es. 25: 9.

Alors ils abandonneront les traditions vaines qu’ils maintiennent encore comme des suppléments précieux de la loi. Le temps est proche, où Dieu leur parlera de paix, les consolera et mettra fin à leur aveuglement. Nous ne voulons pas dire par là que l’aveuglement des juifs incrédules ne prendra jamais fin. Loin de là! les yeux de tous les aveugles, les oreilles de tous les sourds, quelle que soit leur nationalité, seront ouverts. Mais les Juifs incrédules ne seront pas au bénéfice des bénédic­tions spéciales au moment du rétablissement de l’Etat juif; celles-ci (d’échapper à la grande tribulation par l’établissement en Palestine, — voir Ez. 38: 11) sont réservées aux “ véritables Israëlites ” faisant à Dieu l’hon­neur de Le croire et d’avoir confiance en Lui.

Les Anglo-Israëlites.

C’est le lieu ici de décliner notre solidarité avec les par­tisans de la théorie que les 10 tribus perdues seraient la race anglo-saxonne dont les succès dans le monde seraient alors le fait des promesses données par Dieu à son peuple. Nous estimons que ce qui a valu aux Anglo­ Saxons le grand rôle qu’ils jouent dans le monde, c’est leur intelligence et leur amour de la liberté, et que ces deux qualités sont le produit de la lumière de l’Evangile que quelques-uns de la postérité spirituelle d’Abraham ont fait luire parmi eux. Il n’est pas logique d’admettre que Dieu ait ainsi récompensé l’indifférence à l’égard de la terre promise; dont les dix tribus auraient fait preuve en se séparant du reste des Juifs et en aban­donnant leur foi en le Messie qui devait sortir de la tribu de Juda. A ceux-là seuls qui; après l’exil de 70 ans, manifestèrent leur foi en les promesses divines, en quittant le lieu de leur naissance pour se rendre dans le pays de leurs pères qui était pour eux une terre inconnue, aux descendants de ces cinquante mille croyants qui suivirent Zorobabel et eurent comme con­ducteurs Esdras et Néhémie, le Messie offrit la dignité royale, non pas à ceux qui avaient fait d’une partie quelconque de l’empire romain leur patrie (les <Grecs> de Jean 12 : 20—26).

Les Juifs en Palestine étaient aux yeux du Seigneur et de ses apôtres les seuls représentants du peuple élu tout entier. Le Seigneur ne les nomme pas Judéens, mais brebis égarées de la maison d’Israël égarées parce qu’elles avaient abandonné les anciens sentiers et avaient

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suivi de faux docteurs dont les traditions s’écartaient de la vérité. Le Seigneur en chair limita sa mission à ces représentants d’Israël et enjoignit aux douze d’en faire autant (Matth. 10: 5, 6; 15 : 24) l’apôtre Paul aussi parla de “ tout Israël ” et de ses douze tribus (Actes 26 : 7). Les habitants de la Palestine sont nommés Israélites (et non Juifs, c. à d. Judéens) Act. 2 22; 3:12; 5:35; 13:16 et 21:28 et les croyants, c. à d. ceux qui crurent que Jésus était le Messie, sont con­sidérés par ces écrivains comme ce reste d’Israël dont parle Esaïe (Rom. 9:4,27,29,81—83; 10:1—4; 11 :1, 7—14, 25, 26, 31), comme demeurant seul au bénéfice des promesses. Tous les autres Israélites sont déchus de la grâce spéciale. Si donc il était possible de prou­ver que les Anglo-Saxons soient tout ou partie des dix tribus perdues, il est évident que leur alliance ne leur aurait pas valu la bénédiction dont ils se vantent; car ils auraient abandonné l’alliance et seraient devenus des idolâtres, des incroyants, des gentils. Toute la postérité d’Abraham selon la chair, pour autant qu’elle rejeta le Messie, fut exclue de toute grâce pour 1845 ans (voir Aurore IL: 7) qui prirent fin en 1878 de notre ère (lorsque le congrès de Berlin imposa à l’empire ottoman de tolérer l’établissement de colons juifs en Palestine). La faveur dont jouirent les Anglo-Saxons durant tant de siècles ne peut être celle qui a été enlevée aux Juifs en l’an 33; celle-ci ne peut retourner qu’à ceux auxquels elle a été enlevée, soit d’abord à leurs descendants qui sont indubitablement les 12 millions de Juifs dispersés dans le monde entier. Ce sont eux qui, avec la postérité d’Abraham selon l’Esprit, le petit troupeau des élus d’entre les Juifs et les nations, béniront toutes les géné­rations (lors de leur restauration dans la vie) sur la terre. Car les bénédictions de l’âge millénaire ne sont point limitées aux Juifs, mais elles sont pour “ tout le peuple” (toute la famille humaine) aussi peu que les bénédictions spéciales du petit troupeau durant l’âge de l’Evangile furent limitées aux nations: tout Juif accep­tant le Messie put en avoir sa part. Mais comme un petit nombre seulement parmi les Juifs fut prêt à accep­ter le Messie, ainsi un petit nombre seulement d’entre l’humanité sera prêt à accepter les lois et conditions de l’âge à venir sous l’égide de Christ et de son Eglise en gloire. Ce sont les Juifs avant tout autre peuple qui seront bénis à l’introduction du Millénium: “ le Juif première­ment, puis le Grec. ” — Rom. 2: 10.

Ce qui occasionna la chute d’Israël lors de l’annonce de la justification par la foi en Christ. L’ardeur du Juif pour la justification par les œuvres, donnera aux Israëlites un grand avantage dès le début de l’âge millénaire; car ils n’ont pas abandonné le respect de la loi, alors que les nations dites chrétiennes auront plus de peine à se soumettre aux pouvoirs nouveaux qui feront de la droiture une règle et de la justice un cordeau.

L’aveuglement du Juif provenait de la fausse inter­prétation de la loi qu’il se faisait expliquer par des conducteurs qui ne la comprenaient pas. De même l’aveuglement des nations à l’égard des faveurs du Mil­lénium provient de la fausse interprétation donnée à la théorie de la grâce et du pardon par des conducteurs aveugles eux-mêmes qui ont perdu de vue la justice divine, parlent du pardon comme s’il était le métier ou le devoir de Dieu puisque l’homme est soumis au péché, et ne voient pas que le précieux sang de Christ est le prix de notre libération du péché qui, un jour, n’aura plus de pouvoir sur nous, ne sera plus le plus fort comme il l’est maintenant. ils ne voient pas que le péché est pardonné à ceux-là seuls qui ont entrepris de le combattre et que le jour où nous serons rendus capables de le combattre avec succès, de le vaincre, d’être obéissants en toutes choses, l’obéissance la plus absolue nous sera demandée. C’est la un point que les Juifs comprendront beaucoup plus facilement que les nations.

Voici d’ailleurs un exemple, tiré du “ Chrétien-hébreu ””, de la façon des Juifs de comprendre la propitiation:

Au Jeûne juif (Yom Kippour) les Juifs croyants sacri­fient un coq blanc sur lequel ils transmettent leurs péchés en lui imposant les mains. Il faut — selon le Talmud — que ce coq soit blanc, parce qu’un coq rouge est déjà chargé de péché, dont la couleur rouge est un symbole (Es. 1: 18). Le choix de la victime propiti­atoire est tombé sur le coq parce que le mot ‘Geber’ qui signifie ‘homme’ en hébreu, signifie ‘coq’ en chal­déen, et les rabbins estiment pouvoir satisfaire la justice divine par ce vain jeu de mots, alors qu’en sondant les Ecritures ils trouveraient aisément qui fut le remplaçant de l’homme devant la justice divine, l’homme Jésus-Christ. — Es. 53: 10.

Les Juifs d’abord.

Israël, aveuglé jadis par sa loi (Rom. 11 : 9) selon les prophéties, parviendra ainsi par le développement tout naturel et logique des choses le premier aux béné­dictions millénaires, ce qui accomplira d’autres prophéties. Comme les bénédictions évangéliques lui ont été offertes en premier lieu, celles de l’âge nouveau lui seront offertes en premier lieu. Et ainsi la prophétie de Siméon va s’accomplir sous peu dans ses deux traits: “  Cet enfant est mis pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël.” Luc 2 : 34.

Mais si d’une part nous devons comprendre et inter­préter à la lettre les prophéties annonçant le retour des Juifs dans leur pays et la reconstruction de Jéru­salem et de leurs autres villes sur leurs anciens empla­cements, il est bien évident que les prophéties Act. 15:16: Luc 1 : 32 et Ezéch. 37: 24 n’auront pas un accomplissement aussi littéral. Le rétablissement de la maison ou du trône de David ne signifie pas la recons­truction de ceux-ci avec les mêmes pierres, pièces de bois et d’ivoire que jadis, mais le rétablissement de la dignité royale dans la lignée de David et l’Ecriture ne laisse pas de doute au sujet de l’héritier de cette dignité: C’est le Christ, l’Oint de Jéhovah. Celui-ci, comme son type David, exercera un pouvoir que Jéhovah lui aura délégué et David lui-même, ressuscité, sera simplement parmi les vainqueurs de l’ancienne Alliance (Hébr. XI) auxquels le Christ glorifié confiera la domination ter­restre, qui seront les représentants des rois célestes dont ils exerceront le pouvoir par procuration. — Ps. 45:16.

Par son nom aussi qui signifie “Bien-aimé”, David était le type de celui que Dieu qualifie de Fils bien-aimé et qui a la promesse d’être, en lieu et place de David, Roi de toute la terre.

112 Février 1908

Mais, si d’une part la reconstruction de Jérusalem a lieu au sens propre du mot, l’accomplissement de la prophétie ne s’arrêtera point là: cette reconstruction signifie en même temps le rétablissement de l’état juif, et si la prophétie parle des mêmes fondements, elle aura un accomplissement spirituel aussi bien que textuel: le rétablissement de l’état juif le replacera sur les anciennes bases qu’il occupait comme territoire de l’Oint de Jé­hovah.

A côté de l’ancienne Jérusalem rétablie il y aura cependant la Nouvelle Jérusalem dont les 12 apôtres sont les fondements. Celle-ci, l’Eglise glorifiée de l’âge de l’Evangile, sera le Roi de toute la terre, mais invisible aux hommes. L’établissement de son pouvoir sur terre sera l’exaucement de la prière: “ Que ton règne vienne. ” Déjà nous voyons les préparatifs pour son établissement et lorsqu’elle exercera son pouvoir, la prière: “Que ta volonté soit faite sur la terre comme (elle est faite) au ciel” sera également exaucée.

La “ Nouvelle Jérusalem” et les “ Nouveaux cieux” sont deux expressions synonymes: elles désignent le vrai “ Sacré collège ”, le nouveau pouvoir spirituel, le Christ — chef et corps.

Les prophéties que nous avons examinées précédem­ment semblent indiquer qu’en 1878 le “ double” du temps d’attente d’Israël était expiré. Dés cette date l’histoire contemporaine devait en conséquence relater des faits qui constitueraient le commencement du retour de la grâce et de la miséricorde divine envers Israël, qui prouveraient que l’aveuglement d’Israël commence à di­minuer. Le temps devait être venu de dire avec le prophète Esaïe (40: 1, 2): “Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et criez lui que son service pénible [d’attente de son “double”] est accompli, que son iniquité est acquittée; car elle a reçu de la main de l’Eternel le double pour tous ses péchés.”

Voici quelques prophéties qui parlent du retour du peuple d’Israël en Palestine:

“Ainsi, dit l’Eternel, le Dieu d’Israël: Comme tu vois ces bonnes figues, ainsi je me souviendrai en bien des transpor­tés de Juda, que j’ai envoyés hors de ce lieu au pays des Chaldéens (de Babylone — symbole des nations dites chré­tiennes, voyez le v. 9) et je mettrai mes veux sur eux pour (leur) bien [disciplinaire] et je les ferai retourner dans ce pays; et je les bâtirai et ne les renverserai pas, et je les plan­terai et ne les arracherai pas [ceci n’a donc point été ac­compli lors du retour de quelques milliers de Juifs de Babylone en Palestine, puisque après six siècles, ils ont de nouveau été arrachés]. Et je leur donnerai un cœur pour me connaître, car moi je suis l’Eternel; et ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, car ils retourneront à moi de tout leur cœur.” — Jérémie 24 : 5—7.

“ Ainsi dit l’Eternel: Voici je rétablirai les captifs des tentes de Jacob, et j’aurai compassion de ses demeures; et la ville [Jérusalem] sera bâtie sur le monceau de ses ruines et le palais [le temple] sera habité selon sa coutume . . . Et ses fils seront comme jadis et son assemblée sera affermie devant moi, et je punirai tous ses oppresseurs. Et son chef sera de lui, et son dominateur sortira du milieu de lui.” — “Voici je les fais venir des pays du nord [la Russie est le pays où les Juifs sont le plus nombreux] et je les rassemble des extrémités de la terre . . . une grande congrégation, ils retourneront ici. Ils viendront avec des larmes et je les conduirai avec des supplications . . . Nations, écoutez la parole de l’Eternel, et annoncez-la aux îles éloignées, et dites: Celui qui a dispersé Israël le rassemblera et le gardera comme un berger son troupeau. Car l’Eternel a délivré Jacob et l’a racheté de la main d’un plus fort que lui, et ils viendront et exulterons avec chant de triomphe sur les hauteurs de Sion, e ils afflueront vers les biens de l’Eternel, au blé, et au moût, et à l’huile, et au fruit du menu et du gros bétail; et leur âme sera comme un jardin arrosé, et ils ne seront plus languissants.” — Jér. 30: 18, 20, 21; 31 : 5—12.

Et le prophète Ezéchiel étend la promesse aux géné­rations Israëlites dormant dans la tombe; nous lisons en effet (Ezéch. 37 : 12 —14):

“Ainsi dit le Seigneur, l’Eternel, voici j’ouvrirai vos sépulcres et je vous ferai monter hors de vos sépulcres, mon peuple, et je vous amènerai dans la terre d’Israël. Et vous saurez que je suis l’Eternel, quand j’aurai ouvert vos sépulcres et que je vous aurai fait monter hors de vos sépulcres, mon peuple, et je mettrai mon Esprit (hébr.: ruach — souffle de vie) en vous, et vous vivrez et je vous placerai sur votre terre et vous saurez que c’est moi, l’Eternel qui ai parlé et qui l’ai fait, dit l’Eternel.”

Il va de soi que tout cela ne sera pas l’affaire d’un jour de 24 heures; c’est au contraire une partie inté­grale du programme du jour millénaire, de la régence du Christ pour rétablir la domination de Dieu sur la terre.

Nous avons dit plus haut que l’année 1878 devait marquer la fin du temps d’attente des Juifs. C’est en cette année en effet que, en suite de la guerre russo-­turque, eut lieu le Congrès de Berlin pour empêcher que la guerre n’éclate entre la Russie et l’Angleterre qui voulait empêcher la Russie d’entrer à Constantinople. L’Angleterre a plusieurs raisons pour tenir à l’existence de l’empire turc. D’abord de forts contingents de la fortune anglaise sont placés en valeurs turques. Ensuite il est clair qu’un partage de la Turquie agrandirait le territoire de ses voisins, les rendrait plus puissants et leur donnerait un accès plus libre à la Méditerranée, ce qui changerait les conditions d’équilibre au détriment de l’Angleterre. Et enfin l’annexion de la Turquie d’Asie par la Russie aurait rapproché celle-ci de l’empire des Indes qui constitue un des éléments de la prospérité britannique.

Le Congrès de Berlin entra dans les vues de l’Angle­terre: la paix de San Stefano que la Russie avait im­posée à son adversaire vaincue, fut annulée; l’empire ottoman fut maintenu; les puissances se bornèrent à fixer des lignes de démarcation pour le moment du partage, à “arrondir ” quelque peu les petits états confins de la Turquie (la Grèce, la Serbie, la Bulgarie et le Monténégro) et à demander la liberté de croyance et de culte en faveur des différents peuples relevant du gou­vernement ottoman. Ce point acquis l’Angleterre s’en­gagea vis-à-vis de la Turquie à garantir l’intégrité de son territoire en Asie et se fit livrer l’île de Chypre comme base d’opération en cas de guerre qu’entraînerait cet engagement.

Ainsi la Palestine, qui fait partir de la Turquie d’Asie, est à l’heure qu’il est sous le protectorat britannique, ce qui lui valut de suite un premier vestige de liberté. Dès ce moment l’immigration juive en Terre-Sainte prit des proportions plus considérables d’autant plus que les Juifs en Russie et en Roumanie étaient et sont encore l’objet de la haine populaire qui leur vaut souvent des persécutions sanglantes. Il y a longtemps que la colonie

113 Février 1908

juive de Jérusalem est de beaucoup la plus nombreuse en comparaison des colonies des autres nationalités.

Le commencement de la colonisation de la Palestine par les Juifs frappe même les hommes du monde. Les hommes d’Etat attribuent à la Palestine une valeur stratégique et économique considérable, les historiens et les gens “ religieux ” s’extasient des souvenirs qui s’at­tachent à son sol, les commerçants y voient le futur point de concentration des chemins de fer d’Asie et d’Afrique. Convoitée par le monde civilisé, la Palestine l’est encore bien plus et de plein droit par les Juifs qui sont la postérité d’Abraham à qui la terre sainte fut promise à toujours et à perpétuité. L’Italie ayant obtenu son unité, la Grèce sa liberté, le Juif commence à espérer que son rêve va être réalisé. En attendant les Juifs prient chaque matin et chaque soir dans le monde entier: “ Eternel, rassemble-nous des quatre coins de la terre, rétablis notre peuple et va habiter à Jéru­salem comme au temps d’autrefois! ” En Espagne les Juifs répandent un peu de poussière de la Palestine sur les yeux de leurs morts pour prouver leur attachement à la mère patrie.

Du passage Es. 66 : 20 les Juifs concluaient que leur délivrance serait proche, lorsqu’un chemin de fer attein­drait Jérusalem (le mot <Kirkaroth> signifierait des véhicules roulant rapidement) et d’Esaïe LXIII ils con­cluent qu’ils verront un jour la chute du pouvoir mos­covite qui les traite avec tant de rigueur. (Cette chute parait très proche maintenant. Le trad.)

Certainement ces espérances, fondées sur les prophé­ties, se réaliseront. Abraham en personne héritera dans la résurrection le pays dont il ne possédait pas même la moindre parcelle (Actes 7 : 5:) il sera rendu parfait avec Isaac, Jacob, Daniel et tous les saints prophètes, lorsque le petit troupeau aura été rendu glorieux (Hébr. 11:40); ils seront princes sur toute la terre (Ps. 45: 16), représentant au vu des hommes le Christ et ses élus, représentants visibles d’un pouvoir invisible.

Des colons qui arrivèrent à Jérusalem en 1881, écri­vaient après dix ans que le pays changeait de face à vue d’oeil. Des collines entre Jaffa et Jérusalem, grises à leur arrivée, un grand nombre étaient devenues vertes. Pourquoi -?

La pluie était devenue plus abondante, la rosée de même, les nuages se formaient au-dessus de parages qui, vingt ans auparavant encore, n’en voyaient pas de tout l’été. Jaffa eut en juillet et aoùt (qui étaient autrefois des mois de sécheresse absolue ) de l’année 1882 trois heures, Damas 16 heures de pluie. C’étaient là des petits commencements du retour de la faveur divine vers le pays. En même temps le mouvement antisémite en Europe fit faire des progrès à l’émigration juive dont une bonne partie se dirigea vers la Palestine et peupla de Juifs des quartiers entiers de Jérusalem. Le commerce y est en grande partie entre leurs mains main­tenant. Ils ont construit des rues nouvelles suivant l’alignement indiqué par le prophète Jérémie (31 : 38—40: 32 : 43, 44). ce qui a vivement impressionné les autorités turques qui, sages comme Gamaliel à Cet égard (Act. 5 : 39) ne soulevèrent aucune difficulté.

Nous voici donc témoins de l’accomplissement littéral des prophéties!

L’oppression de jadis n’ayant pas complètement em­pêché tout succès commercial des Juifs à Jérusalem, beaucoup de ceux qui ont réussi désirent utiliser leurs moyens pour l’amélioration du sort de leur peuple et les diverses mesures prises dans ce but n’ont pas manqué d’attirer l’attention sur la question juive. Depuis le réveil de 1878 cette attention est allée grandissant et ceux qui portent maintenant leurs regards vers la Pa­lestine se comptent par centaines de milliers. Pour nous qui assistons au mouvement sioniste, vieux de 10 ans seulement, il est intéressant d’apprendre qu’en 1886 déjà le “ Monde juif ” prédisait dans son numéro du 2 août l’acheminement du peuple d’Israël vers la Palestine dans un avenir prochain.

“Les nuages qui couvraient jusqu’ici d’obscurité la terre promise, commencent à se déchirer. L’aube d’un nouveau jour pour ce malheureux pays éclaire l’horizon et permet d’espérer que ce jour n’est plus éloigné. L’école d’agriculture à Jaffa et l’institut Lionel de Rothschild à Jérusalem fournissent à leurs élèves les connaissances indispensables pour lutter avec succès contre les difficultés de la situation. Le legs Montéfiori a donné naissance à plusieurs sociétés immobilières qui procurent pour peu d’argent des maisons salubres aux Juifs de Jérusalem. L’indifférence des miséreux commence à faire place au désir d’améliorer leur sort et de profiter des moyens qui sont mis à leur portée . . La prophétie disant que le désert fleurira, tout Juif a lieu de lutter avec courage; car le succès final ne saurait manquer; la patrie juive renaîtra, revivra sous peu.”

Le “Messager juif ” de New-York écrivait à peu prés à la même époque:

“Les signes des temps indiquent que l’accomplissement de la prophétie prédisant le rétablissement d’Israël est imminent. Il est vrai que la marche des événements est si peu frappante, parait si naturelle, que ceux—là seuls, qui s’y intéressent de coeur, en aperçoivent les traits caractéristiques . . . La Palestine: il la faut à notre race. Le rétablissement de l’état juif mettra fin à notre humiliation; le Juif aura de nouveau une patrie, il aura sa place au soleil. Cela peut paraître indifférent ou impossible à ceux dont l’horizon est limité par les colonnes “ Doit” et “ Avoir”, à ceux à qui les joies d’au­jourd’hui suffisent et qui ne songent donc pas au lendemain. Mais les observateurs des événements politiques voient claire­ment la tournure que les choses vont prendre sous peu.

“La Palestine sera repeuplée principalement par les Juifs dispersés dans l’Ancien Monde . . ”

“Mais le pays sera-t-il assez grand, le peuple sera -t-il assez nombreux pour jouer parmi les nations le grand rôle que la prophétie lui attribue? Nous rappelons aux sceptiques que la petite Grèce a joué un grand rôle dans l’antiquité et que l’exiguïté de son territoire n’empêche pas la Grande-Bretagne d’exercer sur les affaires du monde une influence prépondérante. C’est l’intelligence et la force morale qui rendent les peuples puissants; elles rendront puissante la nation juive.” (Nous ajouterons à cette opinion mondaine que la justice aussi élève une nation et que, en faisant sienne la justice divine, Israël s’élèvera au-dessus des autres nations. — Le trad.)

La “Chronique juive” de soit côté s’exprimait à peu prés en ses termes:

“Nous (les Juifs) n’avons pas le droit de croiser les bras en face des événements qui se préparent. Aurions-nous donc espéré à tort depuis tantôt 2000 ans que le recouvrement de la Palestine marquerait la fin de nos souffrances? Abandon­nerions-nous donc cette espérance au moment ou elle va se réaliser? Ou bien attendons-nous un miracle pour nous ra­mener en Palestine? Dieu fait accomplir sa volonté par les

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hommes. Ne méprisons pas le petit commencement que con­stituent les colonies juives en Palestine, encore peu nom­breuses. De petits commencements peuvent avoir des suites considérables; ils font en tout cas entrevoir la possibilité d’une colonisation en grand qui conduira à l’accomplissement des espérances juives.”

La vitalité du peuple juif, l’habilité de ses grands hommes qui réussissent bien mieux dans leurs entre­prises que les ressortissants d’autres nations ont éveillé l’attention de beaucoup d’observateurs (qui en ont parlé dans les journaux) et leur ont attiré la haine des peuples dont ils sont créanciers sur une très grande échelle.

Le mépris et les persécutions auxquelles est exposé le Juif en Allemagne, en Autriche, en Russie et en Rou­manie n’ont rien à voir avec ses croyances, mais sont la conséquence de la jalousie et du fait que le Juif dé­tient des titres hypothécaires onéreux pour leurs voisins

Voici encore l’opinion de l’écrivain Charles Reade:

“Le peuple d’Israël réoccupera sans aucun doute son ancien territoire qui lui est si manifestement réservé. Les prophéties démontrent d’une façon indubitable deux choses: d’abord que les Juifs posséderont de nouveau la Palestine et domineront du Liban à l’Euphrate; ensuite que ce rétablissement d’Israël sera le premier d’une série d’événements destinés à améliorer le sort de l’humanité entière, de la création gémissante. Cet événement aura lieu aussi certainement que demain le lever du soleil; il n’y a qu’une différence: que nous connaissons l’heure où le soleil se lèvera, mais que nous ne connaissons pas le jour auquel le Juif entrera en possession de la Syrie. Mais il est enfantin de conclure qu’un événement dont on ne connaît pas la date, appartienne nécessairement à un avenir lointain. Les gens réfléchis savent observer les signes des temps et sauront prêter leurs secours à un développement qu’il est impossible d’entraver. Les persécutions dont les Juifs souffrent en Orient, prouvent que la Tartarie européenne n’est point leur patrie; elle est bien au contraire le point de départ d’une colonisation en masse de la Palestine. Les Juifs sont un peuple de génie; ils ont réussi dans tous les do­maines. Si dans la période de transition ils ont besoin de secours, que nous sachions le leur accorder; nous serons aussi sûrement récompensés que leurs ennemis seront punis d’une façon frappante. Le nouvel état juif sera un débiteur bien autrement sérieux que les républiques de l’Amérique du Sud.”

Nous avons déjà mentionné le dicton juif “ que le Messie viendrait lorsque un chemin de fer conduirait à Jéru­salem, et avons rappelé à cette occasion la prophétie de Es. 60 : 2. Nous rappellerons ici en outre le curieux passage Nahum 2 : 3—5. “du jour de sa préparation ” et citerons d’un journal l’entrefilet que voici, paru lors de la concession du chemin de fer de Jaffa à Jérusalem:

“Galilée avait raison: le monde est un mouvement. Voici qu’un chemin de fer va relier Jérusalem à Jaffa, son ancien port où furent débarquées les cèdres pour la construction du temple de Salomon. La concession en a été accordée par le gouvernement turc pour 71 ans à un Juif établi à Jérusalem, du nom de Nabon. Voici donc la civilisation sur le point de s’étendre à la Palestine, pour qui le 19ème  siècle datera du jour où le sifflet de la locomotive retentira la première fois à Jérusalem.”

Une lettre de Jérusalem qui parut en 1889 dans la “Pittsburg Dispatch” témoigne du chemin parcouru depuis le Congrès de Berlin:

“A peine la disposition abolie qui détendait au Juif de sé­journer plus de trois semaines consécutives en Palestine, les juifs accoururent par centaines et aujourd’hui (en 1889) ils sont 30,000 à Jérusalem, soit les trois quarts de la population. Ils se livrent au commerce et en sont des représentants im­portants. Il y en a parmi eux qui réalisent que le jour de rétablissement de leur peuple en Palestine est venu, que les prophéties s’accomplissent. Il y a dans les environs de la ville une colonie agricole venue de l’Yemen, au sud de l’Arabie d’où une révélation l’aurait à son dire fait émigrer. Suivant de vieux documents qu’ils exhibent, ils auraient habité l’Yemen depuis 2500 ans, soit depuis le 7ème siècle av. J. C. Ils seraient des descendants de Gad.

“Bon nombre de colons en ville viennent de Russie et d’Autriche, ressortissants de l’ancien royaume de Pologne, chassés par toute sorte d’adversités ou par les persécutions en règle. D’autres viennent même d’Espagne. Ne rencon­trant plus ici les obstacles destinés jadis à enrayer la coloni­sation de la Palestine par les Juifs, ceux-ci sont devenus de plus en plus nombreux. Alors que vers le milieu du 19ème siècle Jérusalem comptait 32 familles juives et la Palestine entière 8000 colons juifs, ils sont aujourd’hui (en 1899) 50,000 et 30,000 d’entre eux forment les trois quarts de la popula­tion de Jérusalem.

“Quel merveilleux peuple que ces Juifs. A les voir, on se dirait transplanté au moins 20 siècles en arrière, tellement leur type antique les distingue de leurs compatriotes dans la dispersion qui pourtant ne les oublient point et envoient même des secours à ceux qui en ont besoin.

“Rien de plus émouvant que la scène qui se déroule tous les vendredis au pied du mur dit “des lamentations” qui est l’ancien mur de soutènement de la terrasse entourant le temple de Salomon. Il borde une ruelle étroite d’habitations misé­rables dont le délabrement est d’autant plus manifeste en face de ce superbe mur de marbre. Les dalles de la ruelle sont usées par les pèlerinages hebdomadaires auxquels se livrent de nombreux Juifs pour aller pleurer en ce lieu sacré la ruine de leur ancienne capitale. Appuyés contre le mur antique des vieillards à longues boucles et longues barbes blanches, des hommes à la fleur de l’âge, des femmes voilées de leurs châles prient et se lamentent et mainte fois un frisson d’émo­tion secoue leur corps. Chacun tient en main, une bible hébraïque et de temps en temps ils entonnent un chant mo­notone sous la direction d’un des leurs, un solo de celui-ci alternant avec les réponses du chœur. En voici la traduction:

Dirigeant:       A cause du temple tombé en ruines.

Choeur:          Nous sommes dans la solitude et le deuil. -Dirigeant: A cause des murs qui ont été détruits.

Choeur:          Nous sommes dans la solitude et le deuil.

Dirigeant:       A cause de notre grandeur qui n’est plus.

Choeur:          Nous sommes assis dans la solitude et menons deuil.

Dirigeant:       A cause de nos grands hommes couchés dans la tombe. Choeur: Nous sommes assis dans la solitude et menons deuil.

Dirigeant:       A cause de nos prêtres qui se sont égarés.

Choeur:          Nous sommes assis dans la solitude et menons deuil.

Dirigeant: A cause de nos rois qui l’ont méprisé.

Choeur:          Nous sommes assis dans la solitude et menons deuil.

“Ce chant est des plus impressionnants; il faut l’avoir en­tendu pour s’en rendre compte. Et voici des siècles — l’usage date du moyen âge — que ça dure! Qui verrait, sans en être ému, ces vieillards, ces femmes voilées embrasser les pierres du mur qui fut et soutint jadis une des merveilles du monde? Qui ne se sentirait pas ému de cette manifestation de deuil et d’espérance, de désespoir et de confiance mélangée qui constitue un tableau si étrange dans la plus étrange des villes!

“Il y a (écrivait-on en 1889) huit écoles d’agriculture en Palestine, dont l’une, celle de Jaffa, compte 700 élèves et cultive une étendue de terrain de 28.000 acres (113,288,000 m. car.). Ce terrain est situé dans la plaine de Saron, l’an­cienne Philistie, et les oliviers et les vignes y prospèrent par milliers. Les Turcs ne vendent du terrain aux Juifs qu’à leur corps défendant, mais ces derniers prouvent qu’ils s’entendent

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tout aussi bien à l’agriculture qu’au commerce. Ils s’y sont entendu d’ailleurs aussi aux temps d’autrefois — les travaux d’art sur les flancs des collines environnant Jérusalem en font foi — alors que les conquérants de la Palestine ne s’y enten­daient pas du tout. Ainsi le terrain aux environs immédiats de Jérusalem passe peu à peu en des mains juives, tant de particuliers que de sociétés immobilières, d’établissements de bienfaisance, etc” de sorte que des rues entières d’habitations convenables furent bientôt construites.

“Nous avons trouvé — c’est toujours le correspondant de 1889 qui parle — à Jérusalem une petite colonie de Non-Juifs, comptant 15 personnes et ayant loué en commun un bel immeuble, pour être témoins oculaires de la réintégration des Juifs dans leur ancienne patrie. Ce sont des ressortis­sants des Etats—Unis; aussi les nomme-t-on “les Américains (tant à cause de leur origine qu’à cause de l’extravagance de leur foi. Le trad.). Ils attendent le renouvellement de la face de la terre conformément aux promesses solennelles de Dieu et ils pensent que ce renouvellement commencera à Jérusalem.

“La ville sainte prend d’ailleurs un développement réjouis­sant. Les rues principales ont un bon pavé; des mesures hygiéniques ont assaini les différents quartiers. Les prix du terrain à bâtir ont subi une hausse considérable. Le télégraphe, le chemin de fer ont fait leur entrée à Jérusalem et la police y a été organisée suivant les idées modernes ”

Voici encore ce que, en 1889, un Juif américain écri­vait dans le “ Chrétien hébreu” après avoir visité en son tour le mur dit des lamentations:

“Après avoir fait plusieurs visites chez des Juifs établis à Jérusalem, mon vieil ami, un rabbin de Kovno (Russie) me proposa d’aller avec lui vers le mur de Salomon pour y prier pour le rétablissement. J’y consentis volontiers, ayant ainsi une occasion pour exprimer à Dieu mon ardent désir de le voir hâter le jour ou sa grâce retournerait à Juda. C’était justement un vendredi, jour mis à part par beaucoup de Juifs pour prier au pied du mur de Salomon. Je me trouvai ainsi en nombreuse compagnie. L’aspect de tout ce monde vêtu à l’orientale, quoique appartenant à différentes nations, quel­ques-uns ayant endossé la talith (robe pour prier) était sai­sissant. Ils lisaient aussi haut que possible le Ps. XXII. Des femmes dans des attitudes tragiques criaient: “Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m’as-tu abandonné, et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? Mon Dieu! je crie le jour et tu ne réponds pas; la nuit et je n’ai point de repos.”

Des hommes pleuraient et récitaient des psaumes, des lita­nies et des prières. La plupart pressaient passionnément leurs lèvres contre le mur et l’embrassaient. En écoutant leurs prières, je me souvins du passage du Talmud disant que “depuis la destruction du temple les portes de la prière sont fermées et les portes des larmes sont ouvertes”. Mon com­pagnon entonna tristement le chant cité tout à l’heure: “A cause du lieu tombé en ruines, etc.”

Plusieurs d’entre les Juifs les plus pieux exercent un culte de deuil chez eux. Ils endossent la talith à minuit, répandent des cendres sur leur tète et se jettent par terre. Puis ils récitent avec l’expression d’une immense tristesse des vers qui traitent de la disparition de la gloire du peuple juif, de la perte de la faveur divine et qui se terminent par une ardente prière pour la délivrance d’Israël. Ensuite on lit plusieurs psaumes et l’on récite d’autres prières. En se redressant, ils disent: “Secoue ta poussière, relève—toi, assieds—toi, Jérusalem, détache les chaînes de ton cou, captive fille de Sion !“

Mais, généralement, jusqu’ici, les Juifs fortunés n’ont point émigré en Palestine. Nous pensons qu’ils n’y songent pas avant que la civilisation y soit réellement établie, et lorsqu’ils y songeront, ce sera pour mettre à l’abri du danger que lui feront courir les troubles de la grande tribulation, leur grande richesse. La Palestine, épargnée par les convulsions révolutionnaires qui secoue­ront le reste du monde civilisé leur apparaîtra alors comme un port de refuge. Nous avons tout lieu de penser que le mouvement sioniste aura abouti d’ici quelques années et qu’il aura jusqu’alors préparé les demeures pour les grands capitalistes juifs. — Voici deux conclusions de congrès sionistes (Réd):

“ Le 7ème  congrès sioniste (de 1905, déclare que l’or­ganisation Sioniste préconise l’établissement d’un Etat juif autonome, garanti par le droit public, en Palestine, et repousse, aussi bien comme but que comme moyen, toute activité colonisatrice en dehors de la Palestine et des pays limitrophes.”

“Le congrès sioniste allemand [tenu à Hamburg en 1906] a décidé à une majorité des deux tiers des vo­tants, que l’on entreprendra la colonisation de la Pa­lestine. Le congrès a adopté en même temps une proposition tendante à prélever un impôt spécial dans ce but.”

L’aveuglement d’Israël touche à sa fin.

L’Ecriture prédisant que l’aveuglement d’Israël pren­drait fin un jour, il importe que les veilleurs qui attendent l’accomplissement des prophéties dirigent de ce côté aussi leur attention. L’apôtre Paul explique dans son épître aux Romains que l’aveuglement d’Israël durerait jusqu’à ce que la plénitude des nations soit entrée, ait atteint le nombre voulu: jusqu’à ce que la nature divine soit devenue la part du nombre prévu des Israélites sans fraude et de ceux d’entre les nations que Dieu n’y aura pas appelés en vain. Le temps où Israël selon la chair (en prophétie: Jacob) sera complètement guéri de son aveuglement, ne viendra donc que lorsque Israël selon l’esprit aura été rendu glorieux: car c’est par l’entremise de Sion, la montagne sainte (la domination des saints) que s’effectuera la délivrance d’Israël selon la chair, que les Juifs seront débarrassés de leur cécité spirituelle, de leurs préjugés (Rom. 11 : 26). Le gou­vernement de Sion ayant en quelque sorte commencé en 1878 lorsque le Chef et Roi commença à exercer son grand pouvoir et avant que “les pieds”, les derniers membres du corps de Christ, soient entrés dans la gloire, il en est de même avec le retour de la grâce envers “Jacob”. Il commença à l’époque indiquée, mais ne leur profitera pleinement et entièrement que lorsque les der­niers membres de l’Israël spirituel auront passé à tra­vers le voile. En attendant la chrétienté nominale repousse la lumière qui doit guérir l’humanité et refait ainsi les expériences de son ombre typique les Juifs contemporains de Caïphe, en courant au devant de son rejet et de sa chute. Qu’il est donc important pour ceux qui vivent au milieu de la chrétienté nominale et qui acceptent cette lumière de se souvenir de l’exhortation de St.. Paul: “Garde-toi de pensées orgueilleuses, mais crains. Car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, crains qu’il ne t’épargne pas non plus” — Rom. 11 : 20, 21.

L’instrument humain qui conduira Israël vers la connaissance du Messie et l’acceptation de soit règne, sera la classe des saints de l’Ancien Testament qui seront ressuscites parfaits étant déjà rendus justes par la foi)

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dès que le corps de Christ sera entré tout entier dans la gloire. Mais les premières traces d’un revirement parmi les Juifs sont déjà visibles. Des milliers de Juifs dans le sud de Russie reconnaissent Jésus comme le Messie et considèrent leur misère nationale comme la conséquence du forfait que constituait la crucifixion de Jésus. Ce ne sont nullement des émissaires d’une con­grégation quelconque qui ont amené ce mouvement; bien au contraire c’est un Juif authentique, non pas un rabbin, mais un laïque, l’avocat Joseph Rabbinovitch. de Kichinew. Voici ce que disait, il y a quelques années, le “Harpers Weekly” de ce mouvement:

“ L’expérience a donné raison à l’auteur du mouvement qui montre une grande et saine vitalité en évitant toute précipi­tation et exagération. Les autorités russes l’ont considéré comme religion permise”, et pourtant cette religion est bien différente de toutes les autres qui divisent les 120 millions de sujets russes. Les fidèles repoussent l’idée de se joindre à n’importe quelle congrégation chrétienne et n’aspirent qu’à former des assemblées semblables à celles du temps des apôtres. Ils repoussent par conséquent toutes les doctrines soi-disant orthodoxes, qui constituent des déformations de la foi jadis délivrée aux saints.

Doué d’un caractère énergique et désireux de s’instruire et de pouvoir travailler au développement politique, social et moral de son peuple, Rabbinovitch jouit bientôt d’une grande réputation parmi les Juifs de l’Europe orientale. Son instruc­tion, ainsi que son ardeur, le pousse à s’inspirer des moyens pour la réalisation de ses vues. Il fit de grands efforts pour assurer aux Juifs en Russie et en Roumanie des droits civiques, mais il se heurta là à ces haines féroces qui valent à tout moment des persécutions sanglantes aux Juifs. Il tenta d’amener ses compatriotes à accepter la civilisation de l’Europe occi­dentale, mais il se heurta là à l’instinct ultra-conservateur d’une race rendue méfiante par tant de persécutions. Il en appela à la conscience des Juifs pour obtenir qu’ils renoncent à leur rapacité, à leurs habitudes d’usuriers qui ne les carac­térisent non moins que leurs usages religieux et les rabaissent moralement. Mais ses tentatives de fonder des colonies agri­coles pour ses coreligionnaires, soit en Russie ou en Roumanie, soit en Palestine, n’aboutirent pas; elles étaient prématurées. Lors d’un voyage en Terre-Sainte il se mît à étudier les rap­ports existant entre le N. T. et l’A. T. et il fut bientôt con­vaincu par ce moyen que le rejet de Jésus-Christ avait été une faute lourde au point de vue national et avait valu à Israël la déchéance de Sa destinée historique.

C’est cette idée qu’il réussit à faire accepter à un certain nombre de ses compatriotes et qui est au centre du mouvement religieux dû à l’action de Rabbinovitch. Ses adeptes pensent que pour pouvoir accomplir la tâche que l’histoire avait ré­servée à Israël, il aurait fallu que ce peuple fasse siens les principes préconisés par l’humble prophète de Nazareth, que, donc, Israël a rompu à son grand détriment avec sa tradition on repoussant les enseignements, acceptés par ceux d’entre les nations et les Juifs qui surent croire. Eh bien, Rabbino­vitch voulut renouer le fil rompu de la destination d’Israël. En 1880 il publia un programme pour la révision des doctrines rabbiniques et l’année suivante [ moment parallèle à la fin des 70 semaines de Daniel (1845 ans après l’an 36)]— il par­vint à reconnaître le tort qu’Israël avait eu en reniant Jésus. Aucun émissaire “chrétien” n’avait amené ce changement de vue : Rabbinovitch s’était peu à peu fait à cette idée et sitôt affermi il s’efforça de fonder des communautés chrétiennes de nationalité juive. C’est notre frère Jésus qui a la clef de notre ancienne patrie” disait-il. Cette expression: “Jésus notre frère” donne la note principale de sa conviction.”

Rabinovitch coupa court à l’embarras du choix entre les nombreuses congrégations catholiques et protestantes auxquelles il aurait éventuellement pu se joindre, en n’en choisissant aucune. Il vénéra “ Jésus seul ” duquel il disait: “Comme mon peuple a dû franchir le Jourdain pour entrer dans le repos de Canaan, ainsi Jésus est le chemin qui conduit au repos, aux trésors spirituels”.

La cène doit être célébrée selon lui seulement, comme fête pascale, une fois par an [comme nous le faisons aussi]. En effet Jésus ne dit pas de commémorer sa résurrection, mais bien l’anniversaire de sa mort. Dans les communautés que R. fonda, on continua à observer la circoncision, sans toutefois y attacher une importance exagérée, et, comme juif, à célébrer le sabbat au lieu du dimanche.

Une tentative fut faite auprès d’un comité londonien pour l’engager à s’attacher Rabbinovitch à titre de missionnaire parmi les Juifs, mais le dit comité s’y refusa, Rabbinovitch n’ayant pas été baptisé. (Il le fut plus tard, à Berlin, mais sans se laisser incorporer dans une congrégation.) Il ne resta néanmoins pas longtemps seul; sa publicité lui valut des lettres de compatriotes de toutes les parties de la Russie pour l’assurer qu’on était son partisan et pour offrir de fonder une de ces communautés. Mais avec toute son affabilité, sa pro­fonde reconnaissance pour les témoignages de sympathie qu’il reçut de divers côtés, il refusa toujours de devenir membre d’une secte dit “église”, déclara ne reconnaître qu’une autorité, la Parole de Dieu, et vouloir remplacer ­peu à peu ses anciennes croyances par celles qui ré­sulteraient de la lecture et de l’étude approfondie de la Bible entière sous la direction de l’Esprit saint.

Le mouvement qui se rattacha au nom de Rabbino­vitch intéressa à un si haut point le professeur De­litzsch à Leipzig qu’il lui consacra une brochure de 75 pages, écrit en hébreu et en allemand. Cette brochure contient un grand nombre de documents authentiques provenant de personnes qui ont leur part dans ce mou­vement. Nous y trouvons une confession de foi de “l’Eglise nationale juive se rattachant au N. T.” ; une déclaration pourquoi et comme quoi un membre de cette église considère Jésus comme le Messie; un Hagada pour les Israélites se rattachant à cette foi; une procla­mation d’un particulier nommé Friedmann à l’usage des Juifs croyant en Jésus; une résolution d’une assemblée qui avait eu lieu à Kichinew’, etc.

La brochure traite dans un premier chapitre de la misère des Juifs en Russie, de l’insuccès manifeste de toutes les tentatives faites jusqu’ici par des Juifs pour y remédier, et parle ensuite de la nécessité inéluctable d’une réforme du cœur juif:

“Il nous faut, à nous Israélites une rénovation radicale au moral et à l’intellectuel. Nous devons renoncer à nos faux dieux (argent et l’or) et accorder dans nos cœurs une place à l’amour de la vérité et à l’horreur du mal. Nous avons besoin d’un guide dans cette nouvelle voie et n’en trouvons aucun en Israël. Nous l’avons donc cherché dans tous les livres qui traitent de l’histoire de notre peuple et avons fini par l’y découvrir. L’homme que toutes ses qualités désignent comme le conducteur d’Israël: l’amour pour Israël, l’esprit de sacrifice, la pureté des intentions, la connaissance du cœur humain, le courage de mettre le doigt sur les plaies nationales: tout cela est réuni en la personne de Jésus de Nazareth. Les sages à la manière du monde ne purent le comprendre en son temps; mais nous, Juifs d’aujourd’hui, pouvons affirmer que Jésus n’a cherché que notre plus grand bien. Nous devrions en conséquence vénérer son nom, nous procurer les livres de l’Evangile et les joindre aux livres sacrés de nos hommes sages.”

Voici, àtitre d’échantillon un des articles de foi les plus remarquables:

“Selon la décision de la sagesse insondable de Dieu les cœurs de nos pères furent endurcis et nos pères furent affligés d’un esprit de profond sommeil de sorte qu’ils résistèrent à

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Jésus et l’ont rejeté jusqu’au jour d’aujourd’hui. (Mais leur incrédulité alluma le zèle d’autres nations et fut le point de départ de la réconciliation de l’humanité avec Dieu par l’ac­ceptation du message de paix (Es. 52 : 7) de ceux qui lui an­noncèrent Jésus roi dus Juifs et que nous avons, à notre honte, excommuniés. En suite de notre péché contre l’oint de l’Eternel, le monde est devenu riche par le fait de croire en Christ, et la plénitude des nations est entrée dans le Royaume de Dieu.) [Cette parenthèse, tirée évidemment de l’épître aux Romains, n’est pas absolument conforme à la vérité; il n’y a que le nombre complet des élus d’entre les nations qui soit entré dans le Royaume, et non pas les nations entières. Maintenant notre tour est venu; nous tous devons être bénis par la foi en Jésus-Christ et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob aura pitié et entera les branches arrachées sur leur tronc que supporte notre racine Jésus. Ainsi Israël aura sa part du salut éternel; Jérusalem sera rebâtie et le trône de David sera rétabli à toujours et à perpétuité.

Voici ce que Rabbinovitch écrivait en 1885 à un ami à Londres:

“Votre estimée du… est en ma possession. Mon cœur tres­saillit de joie en la lisant et en y trouvant le témoignage d’une si grande affection pour les compatriotes du Messie Jésus et du grand intérêt que vous prenez au salut de la nation Israélite.”

Je me prosterne devant Jéhovah, le Dieu de notre Seigneur Jésus, et répète de tout mon cœur les belles paroles du grand poète Israélite:

“Qu’ils rougissent et soient confondus tous ensemble, ceux qui se réjouissent de mon malheur! . . . Qu’ils soient dans la joie et l’allégresse, ceux qui désirent le triomphe de mon droit; et que sans cesse ils disent: Gloire à Jéhovah qui veut la paix de son serviteur!” (G) — Ps.     XXXV. 26. 27.

Je joins à ma lettre un mémoire concernant les Israélites de la Russie méridionale. Vous y trouverez l’origine de notre foi en Jésus (notre frère selon la chair) en qui nous voyons le Messie. Jésus remplit maintenant tous nos cœurs, toutes nos pensées. Que, en Angleterre, nos frères en Jésus notre Sauveur, puissent voir avec nous que le moment est venu pour éliminer tout élément impur du milieu d’Israël et pour purifier ceux qui portent les vases sacrés de l’Eternel, J’admets qu’il faut un certain temps pour l’accomplissement de cette œuvre de séparation et de purification, mais je suis persuadé que Jéhovah qui jadis marcha devant Israël pour les conduire au désert est occupé maintenant à rassembler les brebis égarées d’Israël. Mon temps et mon renom appartiennent tout entiers à la cause de mon peuple si malheureux et si insoumis; le front ferme et haut le lui annonce dans la force de Dieu la bonne nouvelle de l’accomplissement, en Jésus, des promesses divines concernant la venue d’un Messie, d’un libérateur. Nos pères, il est vrai, le livrèrent, mais la grande sagesse et le grand amour du Dieu Très-Haut sut tirer profit de cette folie en appelant à la grâce les nations païennes, on lieu et place des Juifs. Non pas qu’il y eût quelque promesse à ces nations, mais Dieu eut compassion et leur fit offrir la bonne nouvelle du Messie. Comme elles [lisez: le nombre voulu d’entre les nations] l’ont acceptée, le temps de grâce est venu maintenant pour Israël. C’est le moment ou nous devons retourner vers l’Eternel notre Roi et devenir ses enfants obéissants, entrer en possession de l’héritage de Jacob dont nous sommes les héritiers légitimes, faire valoir nos droits de disciples de Moise et serviteurs de la maison de David à toujours et à perpétuité. Ainsi notre plénitude [l’acceptation du Messie par le grand nombre en Israël] sera en bénédiction aux nations tel que l’apôtre Paul l’explique (Rom. 11:12). — Paul que nous con­sidérons comme un des premiers-nés en Israël et qui, en même temps, par Sa naissance à Tarse en Cilicie, représente le commencement du retour des nations vers le vrai Dieu.

,.J’exhorte sérieusement mes compatriotes, à secouer la poussière de dessus d’eux, d’endosser les vêtements précieux. Dieu a fait de grandes choses en notre faveur par le fils de Jessé, Jésus de Nazareth; il en fera de grandes encore parmi les nations bénies en nos pères.

“ Je rends grâces à Dieu de voir des milliers de Juifs prêts à écouter. Bon nombre d’Israélites appellent de tous leurs vœux l’heure de grâce de notre Dieu. Je supplie les amis de notre Seigneur Jésus-Christ qu’ils nous soutiennent dans notre œuvre en faveur des Juifs russes affamés de salut, qu’ils nous soutiennent de leur franchise, de leurs bons conseils, jusqu’à ce qu’Emmanuel soit avec nous également et Jéhovah nous en révèle la demeure.”

Votre très humble

Joseph Rabbinovitch.

Un mouvement analogue à celui dont Rabbinovitch (décédé) avait été l’initiateur, se produisit à la même époque en Sibérie. Jacob Scheinmann qui pour être arrivé à reconnaître en Jésus le Messie s’était attiré la haine des Juifs orthodoxes qui avaient obtenu sa dépor­tation en Sibérie, y travailla 15 ans pour amener à la foi ses co-déportés; son moyen était la distribution de petites brochures sous le titre: “Voix d’un prédicateur dans le désert.” L’on peut mesurer le résultat obtenu en apprenant que (au dire du “Témoin presbytérien) 36,000 exemplaires de la traduction hébraïque du N. T. par Delitzsch y trouvèrent accueil.

Voici donc en résumé les signes du retour de la grâce vers Israël: (1) des persécutions pour leur faire quitter les pays où ils habitent; (2) la Palestine rendue acces­sible: (3) l’encouragement de la colonisation de la Pa­lestine par des Juifs, colonisation facilitée par toutes sortes d’entreprises de bienfaisance ou d’utilité publique; (4) Israël commence à être guéri de son aveuglement. Et tout cela arrive sans que la chrétienté officielle y soit pour quelque chose. Dieu confie la tâche de ras­sembler l’Israël spirituel et de préparer le rétablissement d’Israël charnel à des particuliers n’ayant aucun titre ecclésiastique ou autre. Et leur œuvre prospère malgré la résistance de ceux que Dieu laisse de côté, rappelant en cela ce qui se passa il y a 1850 ans lors de la moisson juive.

Que veut dire tout cela? Où conduira cet ensemble de phénomènes au sein du peuple juif? Suivant l’a­pôtre Paul le rétablissement d’Israël conduira au rétablissement de l’humanité tout entière (Rom. 11 :12). Ensuite du refus des Juifs d’accepter l’appel céleste, celui-ci fut adressé aux nations et le petit nombre de ceux qui y répondirent et vainquirent les obstacles ac­cumulés sur leur chemin par le grand adversaire est au bénéfice de la promesse d’obtenir la nature divine, de former avec Jésus le corps du Christ, l’organe du grand Libérateur. Mais Israël ne fut pas rejeté à perpétuité, et son rétablissement en Palestine est la première étape du rétablissement de toutes choses dont les saints pro­phètes ont parlé. Le grand Jubilé, antitype du jubilé juif, est à la porte. Rabbinovitch. Scheinmann et d’autres ont préparé et préparent les Juifs à recevoir le salut, et nous avons le privilège de collaborer avec le Seigneur dans l’œuvre de la moisson évangélique. Lorsque Israël aura réintégré son ancienne demeure, nous saurons que le Grand Libérateur est complet et glorifié, car c’est lui qui accomplira le grand œuvre du rétablissement. “Car si leur rejection est la réconcili­ation du monde, que sera leur réhabilitation, sinon une vie d’entre les morts?” (Rom.11 : 15 — le rétablisse­ment non seulement de ceux qui vivront à cette époque, mais aussi des générations précédentes, attendant dans la tombe ce jour glorieux promis, rétablissement non

118 Février 1908

seulement d’Israël, mais de l’humanité tout entière dont Israël a été un type et dont il sera pour ainsi dire l’avant-garde dans sa marche vers la perfection. Les premiers signes du retour de la grâce divine vers Israël sont comme les grosses gouttes qui précèdent une pluie d’orage, une de ces ondées rafraîchissantes telles qu’elles attendent, au spirituel et au moral, Israël et le monde entier dans l’âge à venir. Et quoique des vagues plus tumultueuses encore doivent s’élever autour d’Israël et lui valoir une frayeur et une misère encore plus grandes que par le passé, Dieu sera avec eux et il les secourra, les élèvera lorsque son temps sera venu.

Qu’il nous soit permis de rappeler au lecteur d’au­jourd’hui qui connaît l’existence du puissant mouvement sioniste que ce mouvement a eu un précurseur dans les Etats-Unis. Il réalisera que les prophéties n’ont fait qu’attendre le moment prévu de Dieu pour s’accom­plir, que le temps est là, par rapport auquel Esaïe (40:1, 2) s’écriait il y a 25 siècles: “Consolez, consolez mon peuple! dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de guerre est accompli, que son iniquité est acquittée, qu’elle a reçu de la main de l’Eternel au double pour tous ses péchés> (L).

Voici ce qu’un journal américain publiait en mars 1891 sous le titre: “Un état juif à créer ”:

“ Wilhiam E. Blackstone de Chicago s’est fait présenter à Mr. Harrison, président des Etats-Unis, par le ministre des af­faires étrangères Blaine dans le but de lui remettre un mémoire concernant la situation des Juifs russes.

Ce mémoire avait été rédigé en suite d’une conférence de chrétiens et de Juifs qui avait en lieu à Chicago. Son délégué Blackstone attira l’attention du président sur le fait que les propositions de la conférence n’étaient pas faites pour froisser la Russie; qu’elles ne visaient qu’à faire rentrer les Juifs en possession de leur pays par des moyens pacifiques. Il s’efforça de démontrer qu’un gouvernement énergique et entendu réus­sirait facilement à rendre à la Palestine la prospérité matérielle et qu’il y aurait avant tout lieu d’obtenir la prolongation du chemin de fer de Jaffa au delà de Jérusalem jusqu’à l’Euphrate en passant par Damas et Tadmor. Il fit valoir que la situation peu favorable de la Turquie favoriserait gran­dement les projets de la conférence, que la Palestine, soit les grands capitalistes de l’état à créer, garantiraient, à titre de compensation pour les avantages obtenus, une partie de la dette ottomane, que les projets de la conférence ne menaçaient point la propriété privée et que la conférence ne demandait qu’une chose: que des négociations diplomatiques soient en­tamées dans le but qu’elle visait. Elle estimait que le gou­vernement des Etats-Unis était des mieux placés pour faire les premières ouvertures, étant donné que la question orientale ne touchait aucun intérêt américain, qu’il pouvait donc envi­sager sans parti pris la possibilité de donner suite aux vœux de la conférence et de procurer une patrie aux exilés Israélites.”

Voici la traduction du mémoire que le Président pro­mit d’étudier sérieusement:

“ Qu’est-ce qui peut être entrepris en faveur des Juifs de Russie? il serait déplacé et inutile de prescrire à la Russie ce qu’elle doit faire; nous n’avons pas à nous mêler de son administration intérieure. Voilà des siècles que les Juifs ha­bitent la Russie et que celle-ci les considère comme des étran­gers encombrants qui nuisent à la population agricole. Mais où iront ces deux millions de miséreux le jour où la Russie leur interdira de séjourner chez elle? Voulons-nous les faire venir aux Etats-Unis? Le moyen serait fort coûteux et il faudrait bon nombre d’années pour transporter tout ce monde ici.

Pourquoi ne pas leur rendre la Palestine? C’est leur pays dont ils ont été arrachés par la force brutale. Lorsqu’ils l’ha­bitaient, le pays était des plus fertiles et subvenait au besoin de plusieurs millions d’habitante qui donnaient à ses vallées fertiles, à ses coteaux verdoyants des soins entendus. Dans le commerce ils ne réussissaient d’ailleurs non moins bien que dans l’agriculture. Ils constituaient un état civilisé des plus florissants.

Une fois restitué à ses propriétaires le pays — nous avons tout lieu de le croire — redeviendrait ce qu’il a été. L’on avance qu’il y règne une sécheresse désolante. C’était vrai des siècles durant, mais la pluie recommence à s’y produire et sous son action la stérilité du sol diminue. Pourquoi l’Europe qui a arraché à l’empire ottoman la Grèce, le Monténégro, la Roumanie, la Serbie, la Bulgarie pour les rendre à leurs na­tionaux, ne rendrait-elle pas la Palestine, autre province turque, à ses nationaux, les Juifs?

“ Le jour où l’état juif sera créé, les Juifs du monde entier se réuniraient pour y établir et y installer les compatriotes traqués. Voilà 17 siècles que les Israélites attendent ce mo­ment. Ils ne sont devenus agriculteurs nulle part dans l’idée qu’ils ne devaient leurs soins qu’au sol de leur pays et que, sans aucun doute, ils y retourneraient un jour.

Quant aux droits du propriétaire actuel, la Turquie, il en serait sans doute tenu compte aisément, p. ex” en endossant au nouvel état une part adéquate de la dette ottomane.

“Nous estimons que le moment de se montrer bienveillant envers Israël est venu pour tous les peuples, notamment les nations européennes. Un million de Juifs persécutés implorent notre pitié, notre secours. Donnons-leur le pays que nos pré­décesseurs les Romains leur ont enlevé.

“Nous demandons donc respectueusement au président des Etats-Unis, Mr. Benjamin Harrison, et à son ministre des af­faires étrangères, Mr. Blaine, de proposer aux souverains et gouvernements européens la réunion d’une conférence inter­nationale pour étudier les mesures à prendre pour venir en aide aux Israélites, pour examiner la question si leur établis­sement en Palestine ne serait pas tout indiqué ou pour trou­ver cas échéant d’autres moyens pour secourir ces malheureux.”

                         Suivent les signatures d’un grand
                nombre d’hommes Influents (appar­-
                tenant à différentes confessions) de
                Chicago, Boston, New-York, Phila­-
                deiphie, Baltimore et Washington.
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