LE RÔLE DE LA RAISON DANS LA FORMATION DE LA FOI ET DU CARACTÈRE DU CHRÉTIEN

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En un temps comme le nôtre, où c’est à qui l’emportera de l’incrédulité en vogue ou des stupides principes conservateurs, chez ceux qui se disent chrétiens, il serait bon que tous prissent la peine d’observer avec attention quel est le domaine et les limites que Dieu a fixés à la raison humaine, surtout dans ses rapports avec la Vérité divine.

La raison est la faculté la plus noble de l’esprit humain. Elle est l’indice le plus frappant de la ressemblance divine chez l’homme ; c’est elle qui lui donne sa supériorité sur l’animal ; à cause d’elle il a été fait digne de la vie éternelle ; c’est par elle qu’il est capable d’avoir communion avec Dieu, et qu’il a la possibilité de Le connaître, de L’aimer et de Le servir. « Venez, et plaidons ensemble », dit l’Eternel (Es. 1 : 18), parce que nous sommes ainsi faits, ayant été créés à Sa propre ressemblance.

Le fait d’ignorer ou de déprécier la raison humaine équivaut donc à ignorer ou à déprécier un don de Dieu, celui qui constitue notre bénédiction la plus précieuse et notre attribut le plus élevé. La preuve que Dieu ne nous demande pas cela, ce sont les fréquents appels qu’Il fait à la raison de l’homme en lui présentant la Vérité. La Vérité divine, en effet, est placée devant nous comme un système complet de philosophie, cohérent dans toutes ses parties et toujours en conformité avec le caractère de Dieu. Lorsque Dieu voulut la révéler aux Siens, Il inspira Son Apôtre, spécialement choisi et préparé à cet effet, Paul (Gal. 1 : 15 ; Act. 9 : 15) pour nous la présenter avec toute la puissance et la force de déductions logiques, de manière que notre foi en Son plan pût être une foi raisonnable et que nous fussions en mesure de répondre « à quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous » (1 Pi. 3 : 15).

L’apôtre Paul, soit dit en passant, était un fin logicien. S’aidant des livres de la Loi et des Prophètes, de l’histoire du peuple‑type de Dieu, Israël, des enseignements, de la vie et de la mort de Christ et des révélations particulières qui lui furent faites, comme Apôtre, il reconstitue, par voie de raisonnement, tout le plan de la rédemption et montre la suite logique qui en relie les phases successives de développement. Remontant à l’état de perfection de l’homme à l’origine, et à sa chute dans le péché, il montre comment, en vertu de la loi d’hérédité, toute la race s’est trouvée entraînée dans la chute et dans la condamnation (1 Cor. 15 : 21, 22 ; Rom. 5: 17‑19). Puis il fait l’apologie de la Justice et de la Sagesse de Dieu instituant, pour la propagation de la race, une loi par l’effet de laquelle tous les hommes devaient être entraînés dans la chute et dans la condamnation d’Adam et dans toutes les détresses que nous subissons, en faisant ressortir comment, par voie de conséquence glorieuse, cette loi est finalement le moyen qui permet de les racheter tous par l’unique offrande de Christ, et par quelle sagesse tous bénéficieront des résultats bénis de cette rédemption et du «rétablissement» final de toutes choses (Rom. 11 : 32, 33).

Il montre à quel point la mort de Christ était nécessaire pour réaliser ce grand plan de salut (Héb. 9 : 15‑28) ; il expose, par une suite de déductions logiques, quelles en seront les répercussions lointaines (1 Tim. 2 : 3‑6) et, se plaçant sur le terrain des démonstrations philosophiques, il prouve que les résultats, de cette cause première suivront aussi immanquablement que le résultat mathématique d’un théorème (Rom. 3 : 10, 21‑26, 29 ; voir aussi 1 Jn. 1 : 9). Puis il répond d’avance à ceux qui seraient tentés d’accuser Dieu d’injustice parce qu’Il a permis le sacrifice de son Fils : c’est de sa propre volonté, fait‑il observer, que Celui‑ci a entrepris la lourde tâche et « à cause de la joie qui était (placée) devant lui » par le Père, lequel, pour cette raison, L’a souverainement élevé ‑et abondamment récompensé (Héb. 12 : 2 ; Phil. 2 : 9).

L’Apôtre expose alors en quoi consiste l’appel céleste adressé à l’Eglise de l’Evangile, appelant ses membres à suivre les traces du Seigneur dans le sentier d’humiliation et de sacrifice, avec la perspective, comme récompense, de devenir cohéritiers de Son glorieux héritage (1 Cor. 1 : 26, 27 ; 2 Tim. 2 : 11, 12 ; Rom. 8 : 17). Il montre que leur consécration au service du Seigneur est « raisonnable » (Rom. 12 : 1) et que la gloire finale compensera « en mesure surabondante… notre légère tribulation d’un moment» (2 Cor. 4: 17). Ainsi l’Apôtre fait constamment appel à la raison et lui donne constamment satisfaction pour tout ce qui touche à la Vérité divine. Et, pour arriver à ce résultat, il cite tout à la fois la Loi et les Prophètes, et les types, et l’histoire, qui précisément furent donnés pour l’instruction de l’Eglise, à seule fin que, «au temps convenable », ils contribuassent, chacun pour sa part, à confirmer la foi des élus de Dieu, de l’Epouse de Son Fils bien‑aimé.

Nous voyons par là que la foi dont Dieu veut que les Siens fassent profession est une foi raisonnable; elle est la déduction logiquement tirée de prémisses nettement posées et elle ne donne lieu à aucune incertitude ni superstition. C’est une confiance raisonnable en ce que Dieu a fait, ou offert, ou promis, soutenue par la connaissance de Son caractère en général et de Son Plan grandiose, et qui inspire une entière confiance en Ses interventions providentielles et en Ses directions promises, même quand notre jugement borné ne peut pas relever la trace de tous Ses agissements.

Il est remarquable, d’autre part, que, lorsque le Seigneur Jésus parla en paraboles et en figures, et même lorsqu’Il donna à Son Eglise une révélation en symboles étranges et difficiles, c’est à la raison qu’Il a laissé le moyen d’en discerner le sens profond, quand le temps convenable serait venu de les rendre manifestes. Nous voyons ainsi comment le Seigneur honore LA RAISON humaine, et comment, s’il est vrai que sans la FOI, il est impossible de plaire à Dieu, il est aussi exact de dire que sans la raison on ne peut Lui plaire non plus. Jésus laissait à Ses disciples le soin de tirer de Ses paraboles une conclusion raisonnable et comme un jour ils Le priaient de leur interpréter une parabole, il leur demanda en manière de reproche : « Comment donc comprendrez‑vous toutes les paraboles ? » (Marc 4 : 13, Syn.). Aux juifs qui l’accusaient de faire des miracles par la puissance du diable, et non par celle de Dieu ‑ si manifeste pourtant dans la bonté et la pitié qui caractérisaient ces miracles, Il reprocha sévèrement leur conclusion si déraisonnable et par conséquent si injustifiable (Matth. 12: 24‑34). Enfin l’Eternel dit encore par la bouche du Psalmiste (Ps. 32 : 8‑9) : « Je t’instruirai et je t’enseignerai le chemin où tu dois marcher ; je te conseillerai, ayant mon œil sur toi. (Mais) ne soyez pas comme le cheval, comme le mulet, AUXQUELS MANQUE L’INTELLIGENCE, et qu’il faut retenir par la bride et le mors (ZK) ‑ en d’autres termes, Dieu veut que Ses créatures douées de raison Le servent intelligemment et sans contrainte.

Si Dieu honore ainsi la raison humaine, cette ressemblance à Lui‑même qu’Il a accordée à Ses créatures humaines, de quel droit nous permettrions‑nous de l’ignorer ou de la rabaisser ou laisserions‑nous les autres le faire ? Donnons‑lui plutôt la place qui lui est assignée, et rendons ainsi honneur à notre Créateur, car nous avons été faits « d’une étrange et admirable manière » (Ps. 139 : 14) ; nous sommes de nobles créatures, à l’image de notre Dieu, exception faite de la tare du péché. Nous ne pouvons donc mépriser ou avilir ces facultés humaines sans déshonorer notre Créateur, de qui nous sommes l’ouvrage ou, du moins, l’étions à l’origine, puisque les imperfections provenant de la chute n’existaient pas dans Son oeuvre, mais l’ont défigurée après coup.

Cependant, tout en honorant la raison humaine comme un chef‑d’oeuvre de Dieu et tout en en reconnaissant la noblesse et l’utilité comme l’a fait le Seigneur, même en tenant compte de notre état d’imperfection présente, c’est faire preuve que l’on manque à la fois de sagesse et d’humilité que de ne pas reconnaître les bornes manifestes du domaine de cette raison humaine, de ne pas reconnaître qu’elle ne peut exercer sa puissance en dehors du cercle de la perception et de la conception humaines, et que, tout en étant une image d’un des attributs de Dieu, elle est nécessairement de beaucoup inférieure en étendue et en puissance à Sa raison.

Voilà ce que devrait être la réflexion raisonnable d’une créature lorsqu’elle se compare au Créateur; mais nous avons, de plus, la propre déclaration de l’Eternel disant : «[Comme] les cieux sont élevés au‑dessus de la terre, ainsi mes voies sont élevées au‑dessus de vos voies, et mes pensées au‑dessus de vos pensées. » (Es. 55 : 9, D.).

C’est pourquoi à cause de cette supériorité du Créateur sur la créature et aussi à cause de la révérence et de la subordination filiales dans lesquelles nous devons nous tenir vis‑à‑vis de Lui, Père tendre et bienveillant, il n’est que juste de nous maintenir, dans les déductions de notre raison, toujours déférents envers la Sagesse supérieure de Dieu, selon qu’Il la révèle. Telle est plus particulièrement l’attitude qui convient, dans notre condition déchue, quand nous nous rappelons que toutes nos facultés ont subi un déclin de leur puissance originelle.

En ne voulant pas reconnaître cette limitation et cette dépendance de la raison humaine à la raison divine, un grand nombre d’individus ont passé d’un extrême à l’autre ; ils ne sont pas de ceux qui ignorent la raison humaine, ils sont de ceux qui lui rendent un excès d’honneur. La première forme d’erreur conduit à la superstition et expose ceux qui y sont sujets à de multiples embûches de l’adversaire ; la seconde pousse au sentiment exagéré de la personnalité, à l’orgueil et à l’incrédulité. Une catégorie nombreuse parmi ceux qui se disent enfants de Dieu est maintenue dans la première de ces erreurs et un nombre de plus en plus important est poussé rapidement vers l’extrême opposé. De ce dernier, font partie depuis peu quelques‑uns des membres les plus en vue du clergé de toutes les confessions de l’église nominale.

Cette seconde erreur, cependant, est l’inévitable réaction qui a toujours lieu quand on se réveille de la première forme d’erreur, celle qui ignore la raison. En France, par exemple, la raison, longtemps tenue en tutelle par la Papauté, avait fait place à une religion de superstition générale qui s’était développée à un tel point que ses absurdités finirent par devenir palpables; une terrible réaction, qui fut l’oeuvre de la Révolution française, ébranla le domaine de la superstition du centre à la périphérie, et aboutit à la glorification suprême de la raison humaine déchue, finalement personnifiée par une femme libertine sous le nom de la déesse Raison. C’était pendant le règne de la terreur. L’incrédulité chassa bientôt les superstitions odieuses dont le peuple avait été saturé et, avec elles, balaya la révérence pour Dieu et la religion. La pauvre raison humaine ne tarda pas à perdre toute retenue, comme le montrèrent les folies qui suivirent, lorsqu’on oublia de reconnaître la supériorité de la raison divine et qu’on n’accepta plus de s’y soumettre.

La tendance actuelle est dans le même sens on commence a réagir contre un état de léthargie et contre le respect superstitieux et aveugle pour l’enseignement religieux et pour ceux qui le donnent, ainsi que pour les Ecritures Saintes dont se réclament toutes les confessions de foi, si contradictoires, de la « chrétienté », et on marche rapidement vers l’incrédulité ouverte et générale. La raison, qu’on avait tenu si longtemps comme divorcée d’avec la foi, recommence à être considérée comme un élément séparé et en antagonisme avec la foi. De même, dans le camp opposé, la foi est regardée comme en antagonisme avec la raison. Beaucoup d’âmes pieuses luttent pour se maintenir dans leur foi aveugle et pour réduire au silence les protestations que leur oppose leur raison, tandis que d’autres, en nombre toujours croissant, l’esprit mis en éveil sur les absurdités de la foi qu’ils professaient, la rejettent entièrement et décident de ne plus se laisser guider que par la raison. Dès lors, ils prennent comme règle de conduite certains principes qui leur semblent raisonnables et en font leur critérium pour juger de toute chose, sans en excepter même la Parole de Dieu.

Les miracles, disent‑ils, sont absurdes et déraisonnables; nous ne pouvons donc accepter les miracles de la Bible comme vrais. Quant à la prophétie, ils la considèrent comme simple jugement humain, calculant d’avance ce qui va arriver, parfois tombant juste, d’autres fois faisant erreur. Pour eux, la Loi de Moïse est simplement l’apogée de la sagesse humaine de l’époque et le résultat des expériences du passé. Les enseignements des Apôtres leur apparaissent comme des conseils d’hommes bien intentionnés, auxquels il faut faire attention dans la mesure où ils, leur semblent raisonnables. La doctrine de la propitiation par le sacrifice de Christ, qu’ont enseignée les différentes confessions, est rejetée par eux comme absurde et déraisonnable. Quant à la doctrine de la chute de l’homme et à celle de la nécessité d’une réconciliation, ils les repoussent parce qu’incompatibles avec leur doctrine de l’évolution, plus raisonnable, à leur sens. Et ainsi ils procèdent pour tout le volume des Saintes Ecritures desquelles ils effacent tout ce que leur raison ignorante et à courte vue ne peut apprécier. Et comme les choses spirituelles qu’elles renferment ne peuvent être comprises par ceux qui n’ont pas l’Esprit de Dieu, il est clair que si leur incapacité de saisir et de comprendre, par le raisonnement, les choses profondes de Dieu doit prouver quelque chose, c’est non pas que la Vérité divine soit déraisonnable, mais qu’il leur manque, à eux, ce qu’il faut pour en comprendre le sens raisonnable. Ainsi ces aveugles conducteurs d’aveugles élèvent avec arrogance la raison humaine au-dessus de la Sagesse divine exposée dans la Parole de Dieu.

On voit donc que ces deux extrêmes qui consis­tent, d’une part, à mésestimer, de l’autre à suresti­mer la raison humaine, entraînent un lot de consé­quences fâcheuses : perte de la Vérité, perte de la faveur divine et perte des bénédictions qui ne peu­vent nous atteindre que par les canaux de la Vérité inspirée. Ecoutons donc attentivement le conseil des saintes Ecritures relativement à ces deux extrêmes : « Ne soyez pas comme le cheval, comme le mulet, qui n’ont pas d’intelligence, dont l’ornement et la bride et le mors, pour les refréner » ; mais (moi, Paul) « je dis à chacun de ceux qui sont par­mi vous de ne pas avoir une haute pensée [de lui -même], au‑dessus de celle qu’il convient d’avoir, mais de penser de manière à avoir de saines pen­sées ». « Prenez donc garde de vous conduire avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages. » (Ps., 32 : 9 ; Rom. 12 : 3, D. ; Eph. 5: 15, Seg.). La Vérité de Dieu, quand elle est clai­rement comprise, s’accorde avec le développement le plus élevé de la raison humaine; mais ne perdons pas de vue que celle‑ci ne peut atteindre son développement complet que sous l’instruction divi­ne. Et seuls les humbles peuvent recevoir cette instruction et être vraiment de ces sages dont Daniel le prophète a dit : «les sages comprendront.» (Dan. 12 : 10, D.).

Le raisonnement humain qui ne sait pas reconnaître le domaine et les limites de la révélation divine, est un raisonnement terrestre, animal, voire diabolique, conduisant à la jalousie, aux querelles, au désordre et à toute espèce de mauvaises actions, Mais la sagesse (qui vient) d’en‑haut, qui raisonne en se basant sur une révélation divine vérifiée «est premièrement pure, ensuite paisible, modérée, traitable, pleine de miséricorde et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie » (Jacq. 3 : 15‑17 ; Rom. 13 : 10, D.).

W. T. 1565 ‑ C.T.R. 1893.

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