Paul devant le sanhédrin; complot contre lui.

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Son départ de Jérusalem.

Actes 22 : 30; 23 : 1—25.

Comment Dieu dirige merveilleusement toutes choses en faveur des siens.

Le lendemain de l’émeute et de la tentative d’assas­sinat de St. Paul, le commandant Lysias, très embarrassé, fit appeler tout le sanhédrin juif pour qu’il for­mule ses plaintes contre Paul, car il savait maintenant que l’objet de la dispute était du domaine religieux et que son devoir était de maintenir l’ordre et la paix.

Ainsi Paul eut une autre occasion de prêcher l’Evan­gile aux Juifs et cela aux plus savants et aux plus élevés d’entre eux, aux 70 membres du tribunal du sanhédrin. Il comprit de mieux en mieux que les afflictions par lesquelles il passait lui fournissait des

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occasions exceptionnelles de déployer son drapeau comme héraut de l’Evangile.

Si nous regardons dans le passé, nous pouvons voir qu’il en a toujours été ainsi et qu’aujourd’hui encore le Seigneur surveille toujours son oeuvre. Mais ce ne sera que dans la mesure où nous connaîtrons l’œuvre du Seigneur que nous aurons l’œil de la foi et que nous saurons nous en servir.

Il nous faut bien comprendre que le programme divin ne comporte pas la conversion du monde ren­dant l’âge de l’Evangile, qu’à cette fin Dieu s’est ré­servé le règne millénaire de Christ. Il nous faut voir que son travail actuel est simplement celui de la sé­lection de l’Eglise, destinée à être l’épouse et com­pagne de Jésus dans son Royaume — associée au grand oeuvre qui me poursuivra alors pour tout le monde.

Aussitôt que St. Paul s’aperçut de l’occasion qui s’offrait pour parler aux dirigeants de la nation juive, il chercha à en faire un sage emploi. Il prit une contenance sérieuse, « les regards fixés sur le sanhé­drin”, il commença par leur rappeler sa fidélité à la loi — tout l’opposé d’un anarchiste, il se posa en citoyen respectueux et soumis. Il se présenta à eux en «frère”, se plaçant au même niveau qu’eux, aussi bien en ce qui concerne le zèle religieux que la con­naissance éclairée de la loi. Car on suppose assez généralement que lors de la lapidation d’Etienne, Paul, alors Saul de Tarse, faisait partie du sanhédrin.

»Tu ne diras pas de mal.”

Le discours que Paul voulait faire fut interrompu par le grand prêtre, qui ordonna à ceux qui l’en­touraient de le frapper sur la bouche — signe d’in­dignation et de protestation contre les paroles pro­noncées. Notre Seigneur dit (Jean 3 20): « que celui qui fait le mal hait la lumière”. On peut bien en déduire que le grand prêtre se sentit spécialement atteint et condamné dans sa conduite par les paroles de Paul. L’historien Josèphe accuse Ananias d’avoir été un hypocrite et vil sujet mais si adroit et rusé que le public en général l’estimait. Brusquement interrompu dans son discours, Paul lui dit: «Dieu te frappera muraille blanchie!” La prophétie ne se ré­alisa que trop. Avant 2 ans Ananias fut congédié et 6 années ne s’écoulèrent point qu’il ne rencontrât une fin horrible: son propre fils se trouva au nombre des assassins qui l’arrachèrent de sa retraite cachée pour le jeter dans un précipice et le tuer!

Le terme « muraille blanchie» s’appliquait aux tom­beaux ordinaires couverts d’une plaque en pierre por­tant l’inscription. Ils furent fréquemment blanchis, pour facilement les discerner, afin que personne ne tes piétine et ne les profane, suivant ainsi le rite juif. L’éclatante blancheur de la surface de la pierre était admirable, mais le dessous était moisi et corrompu. On voit donc la force de la comparaison visant l’hy­pocrisie d’Ananias. « Ceux qui étaient près de lui dirent: Tu insultes le grand prêtre de Dieu ! Et Paul dit: Je ne savais pas, frères, que ce fut le grand prêtre; car il es écrit: Tu ne parleras pas mal du chef de ton peuple.” Rappelons que Paul ne recouvra jamais la vue entièrement depuis que sur le chemin de Damas il devint aveugle. De cette « écharde dans la chair », de cette faiblesse de vue, le Seigneur ne lui accorda point la guérison, malgré ses supplications, mais il l’assura de plus de grâce divine comme com­pensation, à quoi l’apôtre se résigna joyeusement. Il est ainsi fort possible que Paul ne sut pas discerner le grand prêtre, ou que l’indignation venait de lui. Il en est aussi qui prétendent qu’Ananias ne prit pas légalement mais par usurpation le pouvoir, par con­séquent les paroles de l’apôtre peuvent avoir signifié qu’il ne reconnut pas dans le vrai grand prêtre celui qui présidait. Cela concorderait avec le fait que l’a­pôtre ne retira pas ses paroles, mais démontra sim­plement qu’il reconnaissait pleinement les exigences de la loi divine interdisant que les gouverneurs soient insultés.

Ceci est une bonne règle que chacun ferait bien de suivre. La tendance actuelle est de vilipender ceux qui sont au pouvoir, d’en faire des caricatures; cela entrave beaucoup plus un bon gouvernement que les railleurs ne s’en rendent compte. Il est certain qu’il y a des moments où il faut employer les moyens à notre portée pour protester contre des choses et méthodes avec lesquelles nous ne pouvons pactiser. Le peuple de Dieu cependant devrait avant tout se ranger du côté de la loi et de l’ordre, cherchant à obtenir toute la justice possible de la légalité actuelle, mais attendant la justice absolue seulement de l’élé­vation sur le trône du Roi des rois lors de son Règne millénaire. En attendant l’Evangile nous commande d’être « soumis aux autorités qui existent » et « s’il est possible, autant que cela dépend de nous, d’être en paix avec tous les hommes”. — Rom. 13: 1; 12 :18.

Nous remarquerons ici, en passant, qu’il s’en trouve aujourd’hui disposés jusqu’à parler d’une manière lé­gère de l’Eternel et des Ecritures; ce qui est une pratique dangereuse. «La crainte [révérencielle] de l’Eternel est le commencement de la sagesse,” et doit continuer et même augmenter en nous d’année en année: autrement nous ne pourrions affermir notre vocation et notre élection aux glorieuses choses que Dieu a en réserve pour ceux qui l’aiment et l’adorent.

St. Paul manifestant les qualités d’un général.

Après l’interruption de son discours par la conduite peu noble du grand prêtre, Paul vit qu’on était à tel point prévenu contre lui qu’aucun discours de sa part n’affecterait son auditoire, dominé par le grand prêtre qui dès l’abord manifestait un sens si dépourvu de justice. Comme un général, trouvant sans utilité son attaque de front, Paul fit une conversion de ses forces et par un mouvement tournant s’acquit les sympathies d’une bonne moitié de ses auditeurs, s’assurant de plus l’occasion de montrer que la doctrine par lui prêchée est la résultante logique de la foi de la grande secte des pharisiens. Il fit cela en s’écriant: « Je suis pha­risien, fils de pharisiens; c’est à cause de l’espérance et de la résurrection des morts que je suis mis en jugement. » C’était strictement vrai: pharisien signifie une personne qui professe une entière sanctification à Dieu. St. Paul ne s’était jamais départie de cette attitude. Ces expériences sur le chemin de Damas avait changé le cours de sa vie, sa conduite, mais

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non pas l’attitude de son coeur, qui dès le début fut loyal envers Dieu — «en toute bonne conscience”.

L’apôtre savait très bien que deux parties à peu près égales se partageaient le sanhédrin, les très ortho­doxes pharisiens qui professaient la sanctification et les agnostiques sadducéens de la haute critique qui dans leur nombre comptaient des prêtres et des Juifs les plus éminents. Ses paroles eurent un effet instan­tané. Les pharisiens, s’ils ne pouvaient admettre tous ses enseignements, prirent fait et cause pour lui, comme de quelqu’un qui à plusieurs égards croyaient comme eux. Ils préférèrent épouser la cause d’un pharisien qui avait dérogé à leur système, mais avait avec eux un fond commun, que celle des incrédules sadducéens. Une échauffourée s’ensuivit, les uns vou­laient lui ôter la vie et les autres le sauver. De nouveau les soldats romains durent intervenir pour mettre à l’ordre les parties belligérantes du pouvoir exécutif israélite. Quelle triste scène! Quelle triste figure nous représentent ici des juifs avantagés de toute manière (Rom. 3 : 2) qui, malgré la loi et les instructions divines et sans égard au commandement: « tu aimeras ton prochain comme toi-même”, insultèrent ainsi à la justice et au droit de l’homme. Qu’il est triste également de constater ce même esprit aujourd’hui encore chez des chrétiens qui, par leur vœu de con­sécration de laisser leur vie pour les frères, devraient être pénétrés d’une plus haute appréciation des règles divines lesquelles comportent qu’on ne peut gagner le prix si on n’arrive pas à aimer ses ennemis.

Il est vrai que nous ne vivons plus aux temps des coups de poings ou à l’époque de l’inquisition quand on faisait court procès avec un frère religieux qui ne partageait pas la même opinion; les peuples sont trop civilisés aujourd’hui, mais ne peut-on pas accomplir d’aussi grandes cruautés au moyen de la langue et de la plume? Et n’en trouve-t-on pas, hélas! même parmi ceux qui confessent le nom de Christ et qui ont pris sur eux le vœu d’entière consécration à Dieu, qui, sous l’influence de l’esprit de l’adversaire, se mordent et se dévorent l’un l’autre, n’ayant pas re­noncé à la colère, l’animosité, la méchanceté et la calomnie (Col. 3 : 8)? Si nous entendons ces choses que cela serve à nous réformer plus complètement, ce qui nous rendra capables de mieux glorifier notre Père qui est dans les cieux.

Ramené et mis en sûreté dans la forteresse Paul sans doute dut se demander en quoi le Seigneur avait été glorifié par tout ce qui venait d’arriver. Il en est souvent ainsi avec nous. Mais quand nous ne pouvons comprendre les événements et ce qui doit résulter de leur cours anormal, nous avons une ex­cellente occasion de faire preuve de foi et de notre confiance en Dieu, quoi qu il arrive. Le commandant Lysias commença à apprendre que son prisonnier n’était pas un caractère ordinaire, mais un homme d’esprit, de tact et de sang-froid, noble, calme et humble tout à la fois, tandis que ses contradicteurs en étaient tout l’inverse; cela disait assez à un esprit libre de préjugés que la raison devait se trouver du côté de l’apôtre. Ce changement d’attitude du com­mandant envers St. Paul se manifesta dans les égards qu’il eut envers le neveu de ce dernier lequel avait appris que 40 zélateurs juifs — oubliant tout à fait la loi divine: «tu aimeras ton prochain comme toi-même” — s’étaient engagés avec des imprécations contre eux-mêmes à ne rien manger ni boire, jusqu’à ce qu’ils aient tué Paul, un homme qui cependant ne leur avait fait aucun mal, mais qui aussi sagement que possible cherchait à leur faire du bien. Sur la demande de sa mère, sœur de Paul, le jeune homme put se rendre à la forteresse et faire part du complot à son oncle lequel l’envoya à Lysias. Ce dernier prit le jeune homme par la main et se retira à l’écart et après avoir entendu son récit avec bienveillance lui recommanda de ne parler à personne de la chose. Il se savait d’avis opposé à la moitié au moins des Juifs les plus influents et pensa que le plus sage parti à prendre était de mettre son prisonnier sous la pro­tection du gouverneur Félix à Césarée. Conséquem­ment cette même nuit à 9 hs. du soir 200 soldats, 200 archers et 70 cavaliers conduisirent l’apôtre à Césarée. Comme un ambassadeur, lié et pourtant libre, il aura de nouvelles occasions pour représenter son grand Maître.

Les leçons que nous pouvons tirer ici sont surtout les soins providentiels de Dieu envers ses fidèles, tels que Paul et tous ceux: « qui ont fait alliance avec lui par le sacrifice” (Ps. 50: 5). Cet incident nous montre que Dieu préfère se servir de moyens plutôt naturels que surnaturels et comment tout homme doit se tenir sur le qui-vive pour servir le Seigneur à n’importe quel moment. Quoi qu’on fasse, les plans de Dieu s’accompliront, mais heureux est l’homme ou la femme, le garçon ou la fille qui est compté digne du privilège de rendre un service au Seigneur ou au plus petit de ses disciples.

Soyons donc continuellement disposés à servir la cause de l’Eternel et dans une attitude d’esprit dési­reuse en toutes choses de connaître ses pensées. In­dubitablement l’apôtre Paul apprit une leçon dont nous tous pouvons tirer profit. Nous voulons dire que, tandis que nous avons pleine confiance en la volonté de Dieu, c’est à nous de protéger raisonnablement et convenablement notre vie et nos intérêts ainsi que ceux des autres. Oui ceux qui ont l’Eternel pour refuge et forteresse (Ps. 91 : 2) sont aidés et protégés d’une manière surhumaine.