Paul, patriote s’il en fut.

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« Car je voudrais moi-mime être anathème, séparé du christ, pour mes frères, mes parents selon la chair. » — Rom. 9 : 8.

Voilà bien la plus patriotique expression qu’on trouve dans la Bible. Elle ne trouve d’égale que dans l’inter­cession de Moïse en faveur des enfants d’Israël, de l’effacer lui, Moïse, du livre de l’Eternel — du livre de souvenir et de faveurs spéciales de Dieu — plutôt que d’exterminer les Israélites. Nous avons une très grande estime pour la générosité de cœur de St. Paul et sa sincérité d’esprit envers ses compatriotes, les Juifs, et aussi de ces qualités réunies chez le grand législateur.

Nous ne devons pas, pensons-nous, comprendre ceci comme si Paul disait: Je pourrais désirer être ana­thème; ou encore d’y lire: Je souhaiterais être con­damné; mais plutôt ainsi: J’irais jusqu’à me faire re­trancher comme membre du corps de Christ, si, par mon désistement, et d’accord avec la volonté et le plan du Père céleste, mon peuple pouvait être mis au bénéfice de mon sacrifice, qu’il constituerait, comme nation, la prêtrise royale et deviendrait l’Israël sur le degré spirituel. Mes frères juifs ne savent pas tout ce qu’ils y perdent. J’éprouve un chagrin continuel pour eux. Les promesses leur ont été faites il y a des siècles et ayant attendu l’effet de ces promesses (il y en a qui les attendent encore), ils sont mainte­nant si aveuglés qu’ils rejettent les faveurs de Dieu, parce qu’ils n’espèrent pas les voir s’accomplir spiri­tuellement. Si mon retranchement de membre de l’Epouse glorifiée leur profitait de la sorte et m’abais­sait sur le degré qu’occupera « la grande foule» devant le trône, au lieu d’être classé parmi le petit troupeau qui sera sur le trône, je trouverais ma joie dans la satisfaction de savoir que j’ai été en si grande béné­diction à mon propre peuple.

Il nous faut dire qu’ici l’attitude du grand apôtre est surprenante. Nous ne pouvons douter de sa sin­cérité; il en a donné des preuves durant tout le cours de sa vie. Car sacrifier sa place de membre du corps de Christ pour la multitude anonyme des Juifs rebelles c’est quelque chose de grandiose. Ce trait merveil­leux du caractère de Paul, toutefois, ne doit pas nous être en exemple. Gardons-nous de l’imiter et de dire que si nous pouvions amener de nos enfants, parents ou amis dans la venté, nous nous laisserions volontiers retrancher pour leur profit, en nous subor­donnant ainsi et nous contentant de la position spiri­tuelle moindre. C’est notre privilège de saisir la posi­tion que Dieu dans sa grâce nous offre, et néanmoins il faut admirer ceux qui comme Paul sont à même de s’élever à un si haut trait de générosité. Un grand désintéressement caractérisait St. Paul d’une manière particulière, et nous ferons bien de cultiver en nous à un plus haut degré que nous ne l’avons fait jusqu’ici ce trait sublime, ayant en vue l’intérêt des frères, étant toujours disposés à subordonner nos propres voies et préférences dans des cas particuliers si nous pouvons voir que cela viendra en aide à autrui, en bien au plus grand nombre. C’est là l’esprit de Christ; cela est certainement en parfait accord avec toutes les instructions du Seigneur, de nous humilier nous-mêmes, de « se prévenir les uns les autres, par hon­neur» (Rom. 10: 12), jusqu’à se sacrifier soi-même. La vie de l’apôtre était cependant faite d’une abné­gation, d’un oubli de soi-même à un degré, que nous ne pouvons croire être exigé du Seigneur, bien qu’il soit dit: « Nous devons donner notre vie [humaine] pour les frères.» —- 1 Jean 3: 16.

Dans un sens nous pourrions dire que la nation juive intéressait l’apôtre Paul à peu s’en faut près de la même manière que l’église chrétienne nominale touche et concerne les croyants actuels entièrement consacrés à Dieu. Les membres en sont nos frères de profession et de consécration nominalement parlant. Nous devrions être conscients de cette parenté. Notre texte doit nous encourager à ressentir en nous beau­coup d’intérêt pour ces frères et à volontiers faire tout ce que nous pouvons pour eux. Nous ne pouvons savoir combien il y a de fidèles parmi eux simplement aveuglés un certain temps par les erreurs si répandues de l’adversaire — qui a aveuglé l’intelli­gence de ceux qui ne croient pas (2 Cor. 4: 4) — et dont les croyants, qui ignorent la « vérité présente», subissent aussi l’influence jusqu’à un certain degré.

Faisons donc tout ce qui est en notre pouvoir pour éloigner de nous et faire disparaître d’autrui ces in­fluences aveuglantes des erreurs de Satan. Au même degré que nous aiderons nos frères des diverses asso­ciations cultuelles, nous aurons pour eux des entrailles de miséricorde — non pas en faisant des concessions ou des avances aux systèmes ecclésiastiques qui heurtent les enseignements de la Parole, mais en sympathisant avec ceux trompés et égarés par les doctrines de ces systèmes. La disparition de cet aveuglement en nous se fait pour la plupart graduellement; dans la mesure que les yeux de notre entendement s’ouvrent, que notre horizon spirituel s’élargit, nous nous libérons de la puissance malfaisante des démons, des esprits de méchanceté. Nous nous en affranchissons dans la même proportion que nous nous appuyons sur le « rocher des siècles», Jésus-Christ, sur la prodigieuse provision en fait d’assistances divines, et que nous imitons celui auquel, comme disciple du souverain modèle Jésus, il convenait le plus de dire: « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ.» Le péché n’aura alors plus de pouvoir sur nous. — 1 Cor. 11:1; Rom. 6:14.