(Dernier article de frère C. T. Russell sur le sujet de la Pâque)
“Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne”. — 1 Corinthiens 11 : 26
Le temps pascal, comme il est célébré par les Juifs, approche. L’intérêt des chrétiens, à cette époque, se concentre spécialement sur l’immolation de l’agneau qui précédait la fête de la Pâque et qui représentait en type l’Agneau de Dieu, le Christ Jésus. Quand nous célébrons la Pâque, nous avons par conséquent, en vue, le grand antitype. Comme chrétiens nous commémorons le plus grand événement de toute l’histoire, la mort en sacrifice du Sauveur du monde. Cette année, nous célébrerons cette commémoration le soir du mardi 18 avril, après six heures, c’est-à-dire au commencement exact du 14 de Nisan.
Il est regrettable de constater que parmi les millions de gens qui se disent chrétiens ou Juifs et qui vont célébrer par tradition cet événement si important, il en est bien peu, dans les deux religions, qui comprennent la signification réelle de cette célébration. S’ils pouvaient en saisir complètement le véritable sens, il y aurait un réveil religieux comme le monde n’en a jamais connu. Mais, ainsi que le remarque saint Paul, “le dieu de ce monde a aveuglé l’intelligence” du grand nombre, et même en parlant de ceux qui ont les yeux de la compréhension partiellement ouverts, saint Pierre dit qu’ils sont aveugles et incapables de voir au loin. Ils ne peuvent discerner les choses profondes de Dieu en ce qui concerne ces cérémonies, célébrées depuis plus de trois mille ans, en type et en antitype.
Les Israélites avaient reçu l’ordre de célébrer la Pâque comme partie essentielle de la loi et comme un de leurs plus grands anniversaires en tant que nation. Aussi est-il à remarquer que la Pâque est célébrée plus ou moins par les Juifs du monde entier, même quand ils se disent incroyants. Ils ont gardé un certain respect pour la Pâque, comme pour une coutume ancienne. Mais n’est-il pas étrange qu’avec l’esprit éclairé dont sont doués tant de nos amis Juifs, ils ne se soient jamais donnés la peine de chercher le sens de cette célébration ?
Pourquoi immolait-on, pourquoi mangeait-on l’agneau pascal ? Pourquoi faisait-on l’aspersion du sang sur les poteaux et les linteaux des portes ? Dieu l’avait commandé ainsi, c’est entendu, mais quelle était la raison, le motif qui dictait ce commandement, pour quelle leçon ? Dans quel but ? Vraiment, un Dieu raisonnable donne des commandements raisonnables et au temps convenable il fera comprendre à son peuple fidèle la signification de chaque observance exigée. Si les Juifs arrivent à comprendre que leur jour de sabbat est type d’une époque future de repos et de bénédiction, de libération de toute peine, des douleurs et de la mort, comment ne voient- ils pas que tous les moindres détails des institutions de Moïse ont été pareillement voulus du Seigneur pour figurer par anticipation diverses bénédictions qui seront dispensées “au temps marqué” ?
PREMICES ET FRUITS DE SAISON
Bienheureux ceux dont les yeux savent voir que Jésus fut en vérité “l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde” ; que l’annulation du péché du monde doit s’effectuer contre paiement de la pénalité infligée à l’homme, moyennant application au propre temps, du mérite du sacrifice de Jésus pour les péchés de toute l’humanité. Seule l’église a bénéficié jusqu’ici du mérite de la mort de Jésus. Bien favorisés sont ceux qui savent voir comment, puisque le monde entier avait perdu la faveur divine et se trouvait sous la divine sentence de mort avec les afflictions et les peines qui l’accompagnent, il était nécessaire que satisfaction fût donnée à la justice avant que cette sentence pût être levée ; et c’est pour cela, comme le dit l’apôtre, que “Christ est mort pour nos péchés”, “le Juste pour l’injuste”, afin de pouvoir nous ramener à Dieu. Ainsi il a ouvert une voie nouvelle, la voie à une vie éternelle.
Les Écritures appellent l’église de Christ, “l’église des premiers-nés”, “une sorte de prémices à Dieu de ses créatures”, “des prémices à Dieu et à l’Agneau” (Héb. 12 : 23 ;Jacq. 1 :18 ; Apoc. 14 : 4). Ces expressions impliquent qu’il y aura, après eux, d’autres membres de la famille de Dieu qui naîtront plus tard ; elles impliquent qu’il y aura des fruits de saison. Les chrétiens, en général, paraissent avoir passé sur ces textes sans les remarquer, au moins quant à la manière de les appliquer et, dans l’ensemble, on en est arrivé à croire que seulement ceux-là seront à jamais sauvés qui sont désignés dans la Bible sous le nom de prémices, et qu’il n’y aura pas de fruits de saison.
Pourtant, le type de la délivrance pascale indique que le dessein de Dieu était de sauver tous les Israélites ; comme nation, ils représentaient tous ceux qui, dans l’humanité, arriveront à être en accord avec Dieu et obtiendront la vie éternelle dans la terre promise. Notons qu’il y a eu deux délivrances : l’une dans laquelle les premiers-nés seuls furent sauvés, et une autre plus générale à la Mer Rouge, où, par la puissance divine, la nation d’Israël tout entière était miraculeusement délivrée et conduite à travers le bras de mer spécialement préparé pour leur passage par un renforcement des vents et de la marée. Ils passèrent à pied sec et furent sauvés, tandis que les armées de Pharaon représentant tous ceux qui, éventuellement, iront dans la seconde mort, furent engloutis dans la mer. La délivrance de la Mer Rouge figure la libération finale du pouvoir du péché et de la mort pour toute créature de la race d’Adam désirant arriver à l’accord avec Dieu et l’adorer, pour tous ceux qui seront à jamais membres d’Israël, car pas un Israélite ne fut laissé en arrière dans l’esclavage en Egypte.
RESPONSABILITE DES PREMIERS-NES
Or, ce n’est pas cette dernière délivrance que nous allons fêter. Ce que nous fêtons, c’est l’antitype du passage de l’Ange par-dessus les premiers-nés d’Israël, au pays d’Egypte. (Exode 12 : 27) ; car ceux-ci seuls étaient menacés cette nuit-là, bien que la délivrance de toute la nation dépendit de leur salut, du passage de l’Ange par-dessus leurs maisons, sans les frapper. De même seuls les premiers-nés, sur l’échelle de l’humanité, ceux que Dieu appelle ses fils, au regard des hommes, c’est-à-dire l’église de Christ, ceux-là sont maintenant sous la menace de l’Ange exterminateur, passant par-dessus pour frapper au cours de cette nuit de l’âge de l’Évangile, et seuls ils sont épargnés, sauvés, parce qu’ils sont sous la sauvegarde du sang d’aspersion.
Nous voyons, en accord avec toute l’Écriture, que “le petit troupeau”, “les prémices à Dieu de ses créatures”, “l’église des premiers-nés” ceux-là sont seuls épargnés pendant l’âge actuel. Les autres membres de la famille humaine qui pourront avoir le désir de suivre le grand antitype de Moise, quand dans l’âge prochain, il régira le peuple, libéré de l’esclavage du péché et de la mort, ne sont pas maintenant en danger de destruction éternelle, comme ces premiers-nés.
L’église des premiers-nés est formée de ceux des hommes qui, avant le reste de l’humanité, ont eu les yeux de leur entendement ouverts pour comprendre leur état d’esclavage et leur besoin de délivrance. Et pour se rendre compte de la volonté de Dieu d’accomplir à leur égard toutes ses bonnes promesses ; ce sont ceux qui, en outre, ont correspondu à la grâce de Dieu, en se consacrant entièrement à Lui et à son service et qui, en retour, ont été engendrés du saint Esprit. Pour ceux-là, c’est une question de vie ou de mort de demeurer ou non dans la famille de la foi, à l’abri du sang d’aspersion. Pour eux, sortir hors de la porte aspergée du sang (Ex. 12 : 22) signifierait qu’ils font peu de cas de la miséricorde divine et aurait le sens d’un outrage pour la bonté de Dieu, puisque ayant eu le privilège de jouir de cette miséricorde représentée dans le sang de l’agneau, ils ne l’auraient pas appréciée. Pour ceux qui sont dans ce cas, “II ne reste plus — dit l’Écriture — de sacrifice pour les péchés” ; “Christ. . . ne meurt plus” (Héb. 10 : 26 ; Rom. 6 : 9). Ils sont à compter comme adversaires de Dieu, comme ceux dont le destin était symbolisé par la destruction des premiers-nés d’Egypte. Les membres de l’église des premiers-nés, grâce à l’engendrement du saint-Esprit, et à la plus grande connaissance et aux privilèges dont ils jouissent à tous points de vue, ont aussi une bien plus grande responsabilité que le monde, car seuls ils courent encore le danger de la seconde mort. Voilà la leçon du type de la Pâque — dans le sens de passage par-dessus ; elle ne s’applique qu’aux vrais chrétiens.
Bientôt la nuit du péché et de la mort se sera dissipée, l’aurore glorieuse de la délivrance sera venue et Christ, Moïse antitypique, guidera vers la délivrance tout le peuple de Dieu, tous ceux qui, venant alors à connaître la volonté de Dieu, la révéreront, l’honoreront et y obéiront. Cette délivrance sera l’oeuvre de l’âge millénaire entier, à la fin duquel le mal et les méchants, symbolisés par les troupes égyptiennes, seront pour toujours retranchés dans la seconde mort, la destruction.
JESUS. NOTRE AGNEAU PASCAL
L’apôtre Paul montre clairement et positivement que l’agneau pascal est notre Seigneur Jésus, quand il dit : “Christ, notre pâque a été immolé pour nous ; c’est pourquoi gardons la fête”. Il nous fait savoir que nous avons tous besoin du sang d’aspersion, non plus sur nos maisons, mais sur nos cœurs. Nous devons prendre notre part de l’agneau, nous approprier le mérite de Christ, la valeur de son sacrifice. Il nous faut aussi manger du pain sans levain de la vérité, si nous voulons êtres forts et prêts pour la délivrance, au matin de la nouvelle dispensation. Ainsi, nous revêtons Christ, non seulement par la foi, mais de plus en plus nous revêtons son caractère et sommes transformés à sa glorieuse image dans nos cœurs et dans notre façon de vivre.
Nous devons nous nourrir de Christ comme les Juifs au sens littéral, se nourrissaient de l’agneau pascal. Pour remplacer les herbes amères qui excitaient l’appétit, nous avons l’amertume des expériences et des épreuves que le Seigneur prépare pour nous, et qui contribuent à détacher nos affections des choses terrestres, en augmentant notre désir de nous nourrir de l’Agneau et du pain sans levain de la vérité. Nous aussi, comme les Israélites, nous devons nous rappeler que nous n’avons pas sur cette terre, de cité permanente, mais que, tels des pèlerins, des étrangers, le bâton à la main, nous devons avoir les reins ceints pour le voyage vers Canaan céleste et toutes les glorieuses choses que Dieu a en réserve pour l’église des premiers-nés, en association avec notre Rédempteur, comme rois et prêtres de Dieu.
Notre Seigneur lui aussi a bien montré qu’il était l’Agneau pascal. La nuit même de la trahison, immédiatement avant sa crucifixion, il réunit ses apôtres dans la chambre haute et leur dit : “J’ai désiré vivement de manger cette Pâque avec vous avant de souffrir”. Il leur fallait, en tant que Juifs, célébrer la cène de la Pâque cette nuit-là, — nuit de l’anniversaire de l’immolation de l’agneau pascal d’Egypte et où les premiers-nés (typiques) furent sauvés des mains de ce qui fut le type du “prince de ce monde” (Pharaon), — c’est-à-dire à la date même où le véritable Agneau pascal allait être mis à mort.
Mais à peine les exigences du cérémonial typique accomplies, notre Seigneur Jésus instituait sur l’antique fondement un nouveau fait à commémorer, en disant : “Faites ceci en mémoire de moi”.
SIGNIFICATION PREMIERE DU PAIN ET DE LA COUPE
Rappelons les circonstances de la première commémoration. La bénédiction du pain et de la coupe contenant le fruit de la vigne et les paroles de notre Seigneur déclarant qu’ils représentaient son corps meurtri et son sang répandu et que tous ses disciples devaient, de leur côté, non seulement se nourrir de Lui, mais être meurtris avec Lui. Non seulement prendre leur part du mérite de son sang, de son sacrifice, mais aussi donner leur vie pour son service, en collaborant avec Lui en toutes choses et de toutes manières, afin qu’ils pussent, plus tard, partager tout son honneur et sa gloire dans le Royaume.
Combien précieuses sont ces pensées pour tous ceux qui sont bien au diapason avec notre Seigneur !
En présentant aux disciples le pain sans levain en commémoration, Jésus dit : “Prenez, mangez, ceci est mon corps”. Le sens évident de ces paroles est : “Ceci symbolise ou représente mon corps”. En fait, le pain n’était pas son corps, celui-ci n’avait encore été meurtri en aucun sens. Il ne leur aurait donc pas été possible d’en prendre et manger, ni au sens réel, ni au sens figuré ou antitypique, puisque le sacrifice à ce moment n’était pas encore achevé.
Mais la figure est parfaite quand nous savons que le pain sans levain (par conséquent pur, non fermenté) représentait la chair sans péché de notre Seigneur ; le levain étant un symbole de péché sous la Loi et devant, par commandement spécial, être “ôté des maisons” (Ex. 12 : 15 ) au temps de la Pâque.
En une autre occasion, Jésus a donné l’interprétation de ce symbole en ces mots : “Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde”. “Je suis le pain de vie”. “Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair que je donnerai pour la vie du monde”. -Jean 6 : 33, 35, 51.
Pour nous rendre compte comment nous devons manger ou nous assimiler ce pain vivant, il nous faut comprendre exactement ce que le pain signifie. D’après l’explication que nous donne notre Seigneur, c’était sa chair qu’il sacrifiait pour nous. Ce n’était pas son existence antérieure, “pré-humaine”, pourrions-nous dire, d’être spirituel qu’il sacrifiait, bien qu’il eût déposé cette dernière, et qu’il eût mis de côté sa gloire pour pouvoir prendre notre nature humaine.
Notre Seigneur Jésus était “saint, innocent, sans souillure et séparé des pécheurs” (Héb. 7 : 26), sans tare provenant du père de la race, Adam, et par conséquent libre du péché ; c’est grâce à cela qu’il a pu devenir le Rédempteur d’Adam et de sa race ; c’est ce fait-là qui lui a permis de donner sa vie “en rançon pour tous, ce dont il sera rendu témoignage en son propre temps”. – 1 Tim.2 :3-6.
Quand nous discernons que c’est la nature pure et sans tâche de notre Seigneur qui a été donnée pour des pécheurs, nous voyons ce que c’est que nous avons le privilège de nous assimiler. Ce que nous avons à “manger”, à nous assimiler, c’est cela même qu’il a donné pour nous, c’est-à-dire sa vie d’homme parfait livrée pour racheter toute la race des hommes de la sentence de mort prononcée, et leur donner la possibilité — à ceux du moins qui le voudront — de redevenir des hommes parfaits, jouissant d’une vie éternelle. Voilà ce qu’il nous faut comprendre et pourquoi nous devons l’accepter comme Celui qui nous sauve de la mort. Les Écritures nous montrent toutefois, que si Dieu veut bien considérer tous les péchés passés comme annulés et nous reconnaître le droit de redevenir hommes parfaits, cela ne suffirait pas à nous rendre parfaits ni ne nous donnerait droit à la vie éternelle.
Pour que chaque individu de la race d’Adam pût profiter du sacrifice de Jésus, il fallait sa résurrection de la tombe pour revivre au degré ou à l’étage divin de la vie (comme indiqué dans le Plan des Ages), puis son ascension vers le Père pour y déposer le mérite sacrificatoire de sa mort entre les mains du Juge et recevoir du Père “toute puissance . . . dans les cieux et sur la terre”. Par rapport au monde, il fallait également qu’au temps fixé par le Père, il revint sur la terre, avec toute sa gloire comme être divin, pour remplir alors, en faveur du monde entier, l’office de Médiateur, de Prophète, de Sacrificateur et de Roi, afin d’aider à revenir à la perfection et à l’accord avec Dieu, tous ceux qui mettront à profit les merveilleux privilèges qui leur seront alors offerts.
C’est cette même bénédiction que les membres de l’église de l’Évangile reçoivent durant l’âge actuel par la foi en leur Rédempteur, à savoir, la justification par la foi. Non pas la justification quant à une nature spirituelle qu’ils n’ont jamais possédée ni perdue et que Christ n’avait pas à racheter, mais la justification quant à la nature humaine que notre père Adam possédait et a perdue et que Christ a rachetée par le don de sa propre chair sans péché, de sa vie d’homme parfaite, en sacrifice pour notre rançon.
La participation au pain sans levain, au temps pascal, signifie donc, avant tout, pour nous, l’appropriation, l’assimilation personnelle, par la foi, de la justification quant au droit de vivre comme hommes — le droit à la vie humaine avec tous ses privilèges que le Seigneur nous a acquis à ses propres dépens. De même le fruit de la vigne symbolisait d’abord la vie de notre Sauveur donnée pour nous, sa vie humaine, son existence comme homme, son sang répandu pour nous jusqu’à la mort, et l’appropriation, l’assimilation que nous faisons de cela également signifie avant tout, notre acceptation des droits et privilèges de rétablissement, qui nous ont été assurés par le sacrifice qu’en fit notre Seigneur.
SIGNIFICATION PLUS PROFONDE DU PAIN ET DE LA COUPE
Remarquons maintenant que ce que Dieu a en vue en justifiant l’église par la foi, durant l’âge de l’Évangile, (en avance sur la justification du monde par les œuvres de l’obéissance, qui doit s’accomplir durant l’âge Millénaire) c’est précisément de permettre à cette classe (qui maintenant voit et endure et qui maintenant apprécie le grand sacrifice que l’Amour divin a fait en faveur de l’homme) de présenter leur corps en sacrifice vivant et de participer ainsi au sacrifice du Seigneur Jésus, comme membres de son Corps. Ce sens plus profond, plus intime du mémorial n’a pas fait l’objet d’une mention directe de la part du Seigneur. Il l’a compris sans doute parmi tant d’autres choses auxquelles il faisait allusion, en disant : “J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les supporter maintenant. Mais quand celui-là, l’esprit de vérité, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité. … il vous enseignera les choses qui vont arriver”. – Jean 16 :12,13.
Cet esprit de vérité, qui n’est autre que la puissance et l’influence du Père dispensées par l’intermédiaire de Christ, parlant par la bouche de l’apôtre Paul, explique clairement la très haute importance de la commémoration. Voici ce que dit saint Paul en écrivant à l’église consacrée : “La coupe de bénédiction pour laquelle nous rendons grâces n’est-elle pas la participation du sang de Christ ? Le pain que nous rompons n’est-il pas la participation du corps de Christ ?” c’est-à-dire le morcellement avec Christ, comme co-sacrificateurs avec Lui, même jusque dans la mort, afin que nous puissions être comptés avec Lui comme participants de la gloire qu’il a reçue en récompense de sa fidélité ? — “Car, nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps”’. — 1 Cor. 10 : 16, 17.
Les deux interprétations de cette touchante ordonnance sont très importantes. Il est essentiel que nous voyions tout d’abord notre justification par le mérite du sacrifice de notre Seigneur. Il convient ensuite que nous nous rendions compte que le Christ entier, l’Assemblée ointe au complet est, aux yeux de Dieu, un corps composite aux membres multiples et dont Jésus est la tête (1 Cor. 12 : 12-14) et que ce corps, cette église, en bloc, doit être brisée, chaque membre doit devenir une copie du Seigneur Jésus et marcher dans les empreintes de son sacrifice. Nous faisons cela en donnant notre vie pour les frères, comme Jésus a donné, sa vie, directement pour ses frères Juifs, mais en réalité, pour le monde entier, selon le dessein du Père.
Ce n’est pas notre vie spirituelle que nous donnons, pas plus que Jésus n’a donné sa vie spirituelle. De même qu’il a sacrifié son existence d’homme véritablement parfait, ainsi, nous devons sacrifier nos existences d’hommes justifiés, tenus pour parfaits par le mérite de Christ, sans l’être en réalité. Le pain et la coupe représentent pareillement de la souffrance. Il faut broyer les grains de froment et les résuire en farine avant de pouvoir en faire du pain pour l’homme ; ils ne peuvent rester intacts et distincts comme grains. Quant aux grains de raisin, il faut les passer au pressoir pour en extraire le jus ; ils doivent, eux également, perdre leur forme caractéristique de grains de raisin, pour pouvoir devenir l’élixir qui doit vivifier le monde. Il en est de même de l’assemblée de Christ, tête et corps. Ainsi nous saisissons la beauté et la force des paroles de saint Paul : – les enfants de Dieu “participants d’un seul pain et d’une seule coupe ?” Mais c’est le sang de Christ, la vertu de son sacrifice qui vaut ; notre sang n’a de vertu qu’en raison de Son mérite à Lui, qui nous est imputé, et seulement parce que nous sommes membres de son corps. Notre Seigneur déclare positivement que la coupe, le fruit de la vigne, représente du sang, autrement dît de la vie, non de la vie contenue, mais de la vie répandue, versée, à laquelle on a renoncée, de la vie sacrifiée. Il nous dit que cette vie répandue l’a été pour la rémission des péchés et que quiconque voudra être sien devra en boire, c’est-à-dire accepter son sacrifice et se l’approprier, se l’assimiler par la foi. C’est de cette source là qu’on doit recevoir la vie. Il ne suffira à personne de réclamer une immortalité en dehors de Christ. Il ne suffira pas non plus de déclarer que la vie est le résultat de l’obéissance à la loi.
Il ne suffira pas de prétendre que la foi en quelque grand docteur et l’obéissance à ses instructions aboutiront au même résultat et procureront la vie éternelle. Il n’y a aucun autre moyen d’obtenir la vie éternelle si ce n’est par le sang une fois versé en rançon pour le monde entier. “Il n’y a point d’autre nom sous le ciel qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés”. – Actes 4 :12.
De même, il n’y a aucune autre voie d’accès à la nouvelle nature en dehors de celle consistant à accepter l’invitation que nous fait le Seigneur de boire à sa coupe et d’être meurtris avec Lui comme membres du seul pain, d’être ensevelis avec Lui par le baptême, pour la mort et d’être ainsi avec Lui, finalement, dans sa résurrection en gloire, honneur et immortalité. – Romains 6 : 3-5 ;2 :7.
LA CELEBRATION DANS LE ROYAUME
A l’occasion de la cène commémorative, notre cher Seigneur a eu, comme de coutume, quelque chose à dire sur le Royaume, thème de tous ses discours. A ceux à qui II avait promis une part dans le Royaume s’ils étaient fidèles. II rappelait que, ainsi qu’il l’avait déclaré précédemment, II s’en allait pour recevoir un Royaume, mais qu’il reviendrait et les prendrait avec Lui pour y avoir une part. Il ajoutait maintenant que le mémorial qu’il instituait aurait son accomplissement final dans le Royaume ; qu’il ne boirait plus désormais du fruit de la vigne’ jusqu’au moment où II le boirait “nouveau” avec eux dans le Royaume du Père.
Qu’est-ce que le Seigneur a voulu entendre au juste par ces paroles ? Il peut paraître difficile de le déterminer, mais ce n’est pas s’aventurer, semble-t-il, que d’interpréter sa pensée en ce sens bien logique, qu’en conséquence des épreuves et des souffrances symbolisées par sa coupe, il y aurait de la réjouissance dans le Royaume. “Il verra le travail de son âme et sera satisfait”. Il jettera un regard rétrospectif sur les épreuves et les difficultés endurées en obéissant fidèlement à la volonté du Père et II se réjouira au fur et à mesure qu’il en verra le grandiose résultat, les bénédictions qui en découleront pour toute l’humanité. Cette réjouissance sera partagée par tous ceux de ses disciples qui auront bu de cette coupe, d’abord en justification, puis en consécration et en sacrifice avec Lui. Ceux-là ont sa promesse qu’ils régneront avec Lui. Et quand le règne aura commencé, quand le Royaume aura été établi, en reportant leur pensée sur le chemin parcouru, ils chanteront les louanges de Celui qui les a conduits, jour après jour, jusqu’au terme même de leur carrière terrestre, oubliant que ce chemin fut un “sentier étroit”, une voie de sacrifice et de renoncement a soi-même.
La foi de notre cher Maître a subi l’épreuve de toutes ces heures difficiles qu’il savait précéder de si peu celle de son arrestation et de sa mort. Le fait qu’il a rendu grâces au Père pour le pain et la coupe était de sa part un signe de joyeux acquiescement à toutes les souffrances qu’impliquaient la fraction du pain et le broyage des grains de raisin. Déjà, II était satisfait des dispositions prises par le Père. Et c’est dans cet état d’esprit que fut chanté l’hymne final avant de sortir (Mat. 26 : 30), hymne de louange, évidemment, de reconnaissance envers le Père, parce que sa carrière terrestre était si près d’être terminée et que, jusqu’alors, il avait trouvé la grâce suffisante pour ses besoins. En repassant les événements de ces heures solennelles qui suivirent la cène de la commémoration, suivons le Rédempteur jusqu’à Géthsémané et considérons-le, implorant “avec de grands cris et avec larmes. Celui qui pourrait le sauver de la mort”, expression saisissante de la crainte de la mort qu’éprouvait notre Maître, à la pensée qu’en un point quelconque, II pouvait avoir manqué de se conformer aux desseins du Père et se trouver, de ce fait, indigne d’une résurrection. Nous remarquons que notre Seigneur se trouva fortifié, réconforté en quelque sorte par l’assurance qu’il avait gardé fidèlement son vœu de consécration et qu’il ressusciterait sûrement, comme cela avait été promis.
Voyez quel calme lorsque après cela, II comparait devant le grand-prêtre et devant Pilate, puis devant Hérode et de nouveau devant Pilate. “Comme un agneau muet devant celui qui le tond. II n’a point ouvert la bouche”, pour sa propre défense. Nous le voyons fidèle et courageux jusqu’au bout et nous savons, par sa propre parole, qu’il aurait pu prier le Père et qu’il aurait eu plus de douze légions d’anges à le protéger, mais au lieu de demander aide pour éviter le sacrifice, II demande assistance pour endurer le sacrifice fidèlement. Quelle leçon pour tous ses disciples, pour tous ceux qui veulent marcher sur ses traces !
Par contraste, nous nous souvenons que même parmi ses fidèles disciples, les plus courageux abandonnèrent le Maître et s’enfuirent ; l’un d’entre eux, par timidité, alla jusqu’à renier son Seigneur. Quelle occasion en tout cela, pour examiner notre propre cœur, scruter le degré d’intensité de notre foi, de notre courage et de notre volonté de souffrir avec Celui qui nous a rachetés ! Quelle opportunité de tendre nos énergies en nous répétant avec vigueur la résolution prise de ne pas renier notre Maître quoi qu’il arrive, et de confesser son nom, non seulement des lèvres, mais aussi par notre conduite !
L’OPPOSITION NOUS VIENDRA DU MONDE RELIGIEUX
Nous sommes choqués à la pensée que le peuple qui se proclamait de Jéhovah, fut précisément celui qui crucifia le Prince de la Vie ; que dis-je, ce sont ceux qui orientaient leur pensée religieuse, grands-prêtres, scribes, pharisiens et docteurs de la loi, bien plus que le commun peuple, qui se rendirent responsables de ce méfait terrible. Souvenons-nous des paroles du Maître : “Ne vous étonnez pas si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous”. Il faisait allusion à ce monde religieux ; et si nous nous persuadons bien de cette vérité, nous saurons que c’est le monde religieux qui nous haïra nous, ses disciples. Ne soyons pas surpris que l’opposition à la vérité et la persécution des porte-flambeaux viennent précisément des interprètes les plus autorisés de la prétendue chrétienté. Ce n’est pas une raison, cependant, pour nous de haïr, ni ces adversaires, ni ceux qui ont persécuté notre Seigneur jusqu’à la mort. C’est le moment plutôt de rappeler les paroles de l’apôtre Pierre à ce sujet : “Je sais que vous l’avez fait par ignorance, de même que vos chefs aussi”. – Actes 3 :17.
Ah, oui ! C’est ignorance et l’aveuglement du cœur et de l’esprit qui sont à la base de toutes les souffrances de Christ, tête et corps. Le Père permet qu’il en soit ainsi maintenant, jusqu’à ce que les membres du corps de Christ aient accompli ce qui reste des afflictions du chef (Col. 1 : 24). Bientôt, comme l’a déclaré notre Seigneur bien-aimé, ceux qui maintenant prennent leur part de son corps brisé, qui sont rompus avec Lui au service de la vérité, ceux qui maintenant participent à sa coupe de souffrance et de renoncement, boiront avec Lui le vin nouveau de l’allégresse dans le Royaume, par-delà le voile. C’est par ce glorieux matin que commencera le grand travail consistant à libérer le monde du joug du péché et de la mort, l’œuvre grandiose de relèvement — “les temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de tous ses saints prophètes depuis le commencement du monde”. — Actes 3 : 21.
La pensée dominante de tous ceux qui prennent part au service commémoratif de la Pâque doit être celle exprimée par saint Paul en ces termes : “Si nous souffrons avec Lui, nous régnerons aussi avec Lui, si nous sommes morts avec Lui, nous vivrons aussi avec Lui”, “car nos légères afflictions du moment présent, sont indignes de comparaison avec la gloire à venir qui sera révélée en nous”. — Romains 8:18.
La pensée de nos péchés annulés, à nous premiers-nés, par le mérite du sang précieux, et celle de notre participation avec notre Seigneur dans toutes ses expériences de souffrance et de gloire, nous permettront, en vérité, de garder la fête de la Pâque avec joie, malgré les épreuves et les difficultés. Ce faisant, et en demeurant ses fidèles disciples, nous aurons bientôt le grand privilège de guider les armées du Seigneur, — tous ceux qui finalement, entendront, connaîtront le grand Roi et lui obéiront, – hors du domaine du péché et de la mort, — de les conduire hors d’Egypte pour les introduire en Canaan.
Nous recommandons aux chers amis des différentes parties du monde de ne point négliger cette commémoration bénie. Nous ne préconisons pas de laisser les petits groupes pour se réunir en grandes assemblées ; nous sommes plutôt d’avis que chaque petit groupe ou assemblée se réunisse comme d’habitude : c’est ainsi, semble-t-il, qu’on procédait dans l’église primitive.
“Gardons la fête”, le cœur débordant d’allégresse, mais sans perdre de vue sa solennité, non seulement par rapport au sacrifice de notre Seigneur pour nous, mais aussi par rapport à notre engagement par alliance de nous tenir pour morts avec Lui. Nous recommandons, dans chaque assemblée, de faire le nécessaire pour se procurer du pain sans levain et, à défaut de vin nouveau (non fermenté), du jus de raisin ou tout autre produit de la vigne. Nous recommandons de s’abstenir de vin fermenté, qui peut offrir une tentation possible à des gens faibles dans la chair ; cependant, on peut prévoir le cas de ceux – il peut y en avoir — qui croient en conscience que c’est du vin fermenté qui doit être utilisé.
Nous recommandons que ces petites réunions aient lieu sans ostentation. Observons les convenances et procédons avec ordre et calme, le cœur rempli des précieuses pensées que comporte le grand événement que nous célébrons. Ne nous laissons pas absorber par des détails de forme et par le cérémonial ; en ceci comme en toutes choses, cherchons à faire ce qui serait agréable à notre Seigneur, ainsi nous serons sûrs que le service sera profitable à tous ceux qui y participeront.
Nous avons toujours conseillé jusqu’ici de n’empêcher personne de prendre part aux emblèmes, parmi ceux qui ont foi dans le sang précieux et la pleine consécration au Seigneur. En général, il n’y a pas à craindre que quelqu’un accepte le privilège de cette communion s’il n’est pas sérieusement convaincu. Au contraire, il en est qui peuvent avoir besoin d’encouragement, à cause des interprétations erronées, croyons-nous, que certains donnent aux paroles de l’apôtre, touchant “celui qui mange et boit un jugement contre lui-même, ne discernant pas le corps du Seigneur” (1 Cor. 11 : 29). Dans l’intérêt de ces timides qui, pensons-nous, ne voudront pas laisser passer l’occasion et le privilège de commémorer ce grand événement, nous désirons expliquer que, selon notre manière de comprendre, l’apôtre entend parler ici de ceux qui négligent de se rendre compte de l’importance réelle du sacrifice et qui considèrent ce service commémoratif comme une simple cérémonie formaliste. C’est parce qu’ils ne cherchent pas à savoir qu’ils encourent des reproches et la condamnation.
Nous sommes persuadés que la commémoration de cette année sera précieuse et profitable pour tous les saints. Au fur et à mesure que nous approchons du terme de notre course, nous devons avoir le cœur et l’esprit pénétrés davantage de la grande importance de notre appel, comme des responsabilités et des privilèges qu’il entraîne pour nous. Nous vivons en des temps merveilleux. Nous ne savons pas ce qu’un jour peut enfanter. Marchons donc avec grande circonspection et avec sobriété, mais cependant avec joie et allégresse, sachant que notre délivrance est proche et que, si nous sommes fidèles, bientôt, nous boirons le vin de l’allégresse dans le Royaume de l’Époux bien-aimé et nous serons pour toujours avec Lui.
W.T. 15-3-1916 / B.N. 3-1923