Prêchant Christ aux gouverneurs.

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—        Actes 25 et 26

«Je sais en qui j’ai cru et je suis persuadé qu’il a la puissance de garder mon dépôt jusqu’à ce jour-là.”

— 2 Tim. 1: 12.

Le gouverneur romain de la Judée, Félix, eut pour successeur Portius Feutus, mais désireux de conserver la faveur des Juifs, Félix laissa l’apôtre St. Paul en prison, quoique de son propre aveu il ne l’ait trouvé coupable d’aucune infraction à la loi romaine et qu’il fut persuadé que ses ennemis étaient éperdument jaloux de lui. Ces deux années d’emprisonnement fournirent à Paul tout le loisir désirable pour étudier encore plus à fond, le plan divin exposé dans les Ecritures.

Festus, le nouveau gouverneur, aussitôt établi dans ses fonctions se rendit à Jérusalem, le centre de sa province, pour faire la connaissance des principaux dirigeants juifs, dorénavant subordonnés à lui leur gouverneur et juge. Vite les ennemis de St. Paul

34 Novembre 1910

voulurent profiter de sa venue pour accomplir la basse besogne que sous Félix ils n’avaient pu mettre à exécution. Pour le mieux gagner, ils lui répétèrent les raisonnements de Tertulle, mais peu désireux de recommencer la même comédie devant Festus, ils lui proposèrent que, tout bien considéré, leurs griefs contre Paul étaient plutôt du domaine religieux que civil, que le mieux serait de le livrer au sanhédrin de Jérusalem, pour y être jugé selon la loi juive, qu’eux renonceraient à l’accuser devant la cour romaine. Tout était projeté et arrêté pour qu’au nom de Dieu, de la religion et du bien de leur sainte cause l’apôtre soit assassiné en chemin. Si seulement on ne pouvait accuser que les juifs de cette époque de telles in­justices criminelles, mais, hélas! l’histoire nous montre que de tout temps et dans presque tous les systèmes religieux on retrouve cette mentalité fanatique qui —au nom de Dieu et de la sainteté — dans la surex­citation du moment peut justifier et commettre les crimes les plus atroces. Quelles édifiantes leçons l’histoire nous enseignerait à ce sujet! Quand est-ce que l’humanité apprendra que, puisque la justice est le fondement du gouvernement divin, toute action qui lui est contraire, ne peut plaire à Dieu? Il n’y a pas longtemps le monde chrétien civilisé célébrait la nais­sance du grand et bon réformateur Calvin; mais on a été péniblement affligé de se rappeler que sa main a signé l’ordre d’exécution, qui conduisit au bûcher Servet, compagnon chrétien de Calvin. Quand ap­prendra-t-on que les suites de l’injustice sont plus funestes à celui qui la pratique qu’à celui qui en souffre? « la justice et l’équité sont la base du trône de l’Eternel. » — Ps. 89: 15.

Paul, Festus et Agrippa.

Le gouverneur fit part à St. Paul des propositions des Juifs lui demandant (en sa qualité de citoyen romain) s’il consentait à se désister de son jugement à Rome en faveur d’un jugement devant les gens de son propre pays. L’apôtre, flairant immédiatement le piège, déclina l’offre et en appela à Rome. C’était son droit de citoyen romain, on ne pouvait le lui contester. Mais comme Festus devait donner des raisons du bien fondé de l’envoi d’un prisonnier à Rome, il était extrêmement embarrassé de savoir quel crime, si crime il y avait, imputer à l’apôtre.

Bientôt eurent lieu à Césarée les cérémonies d’instal­lation de Festus comme gouverneur; le roi Agrippa de Galilée fit de son mieux en y assistant avec Béré­nice, que d’aucuns croient avoir été sa sœur.

Comme ils professaient le judaïsme que Festus ignorait absolument, ce dernier saisit l’occasion pour qu’ils l’aident à formuler des accusations contre St. Paul, dont le crime nationaliste ne pouvait être com­pris qu’au point de vue juif. C’est donc en leur présence et en celle des principaux personnages de la ville que Paul fut appelé à se prononcer sur l’inimitié existant entre son peuple et lui.

Une nouvelle occasion de prêcher l’Evangile à des gens de marque se présentait donc au grand apôtre. Et son appel au tribunal de César servait ses plans d’introduction de la religion qu’il représentait auprès des plus hautes autorités du monde. C’est ainsi que le Seigneur fait agir mystérieusement souvent le conseil de sa volonté et fait que la fureur de l’homme tourne à sa louange, et donne en même temps aux siens des occasions répétées pour servir Sa cause. Combien tout fidèle serviteur et disciple de Jésus devrait par ce fait être encouragé à plus de fidélité et de simplicité de cœur afin de profiter de chaque occasion pour servir Dieu, fort de cette certitude que le Seigneur dirige lui-même son oeuvre.

En homme de tact, St. Paul commença son discours devant ces grands de la terre par complimenter le roi Agrippa — autant qu’il le pouvait véritablement —heureux d’avoir comme auditeur et juge quelqu’un s’y connaissant en lois et coutumes juives. Puis il déclara que sa vie, dès les premiers temps de sa jeunesse, était connue de tous les Juifs à Jérusalem. Plusieurs d’eux, s’ils le veulent, peuvent dire combien lui, Paul, fut toujours strictement religieux. « Et maintenant, déclara-t-il, je suis en en jugement parce que j’espère en la promesse que Dieu a faite à nos pères” — promesse qui, comme tous les Juifs s’y attendent, se réalisera. Mais c’est justement à cause de cette espérance que je suis accusé par les Juifs. L’espérance d’Israël reposait sur l’alliance de Dieu faite sous serment à Abraham: « En ta semence toutes les familles de la terre seront bénies.” C’est ce qui va s’accomplir. Le premier pas est fait: Jésus, le Fils de Dieu, en obéissant à la loi et en sacrifiant ses droits terrestres, est devenu le chef de cette semence d’Abraham, et de ce fait, il est ressuscité au degré spirituel de gloire, d’honneur et d’immortalité. Depuis la Pentecôte Dieu se choisit d’entre les Juifs et les Gentils un petit troupeau pour former l’épouse du Messie et les membres cohéritiers de la semence ou postérité spirituelle d’Abraham, qui se composera donc de Jésus et des siens réunis en gloire, lesquels établiront le royaume de Dieu si longtemps promis en vue de bénir la nation israélite et par elle toutes les familles de la terre.

Nul doute que St. Paul ne fit allusion aux prophéties qui attestaient d’avance les souffrances du Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Les Juifs étaient au courant des souffrances de Jésus et de celles de ses imitateurs, mais ils rejetaient sa résurrection en gloire et l’affirmation que ses disciples lui seront faits semblables. Toute la dispute tournait donc autour de la question de savoir si oui ou non Jésus était ressuscité des morts. Si Jésus n’est point ressuscité les Juifs étaient dans leurs droits. Quelle espérance pouvait-on fonder sur un homme mort, aussi bon et brave qu’il puisse avoir été! Mais s’il est ressuscité Paul et tous les disciples de Jésus avaient raison, parce que sa résurrection en gloire ne pouvait être considérée que comme une démonstration éclatante de l’approbation divine et la reconnaissance de sa qualité de Messie et de son Royaume qui viendrait au propre temps.

Paul ne cacha point que lui aussi jadis s’opposait à Jésus et persécutait ses disciples, les faisant enfermer en prison et donnant son suffrage pour les mettre à mort. Il les forçait de blasphémer pour échapper

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aux tortures et dans sa fureur il les poursuivait jusque-dans les villes étrangères.

Il fit part de la révélation qu’il eut du Seigneur près de Damas — de la lumière venant du ciel plus éclatante que celle du soleil et de la voix disant: « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? . . . Je suis Jésus que tu persécutes.” Il expliqua la mission qu’il reçut alors de prêcher aux nations aussi bien qu’aux Juifs, la résurrection de Jésus, le rassemblement des membres élus et l’établissement du Royaume au propre temps; et que tous se repentent et se tournent vers Dieu. C’est pour cela qu’il fut fait prisonnier, qu’on en voulut à sa vie et qu’il se vit obligé d’en appeler au tribunal de César. Il dit aussi que les souffrances du Christ furent prédites par les prophètes et que Jésus considérait les persécutions de ses disciples comme des persécutions faites à lui-même, à ses membres.

« Tu as perdu le sens.”

Le gouverneur écouta avec étonnement le récit et l’interrompant brusquement il dit à haute voix: « Tu déraisonnes, Paul; ton grand savoir égare ton esprit.” Mais St. Paul de lui répondre: « Je ne déraisonne pas, très excellent Festus; je parle le langage de la vérité et de la sagesse. Le roi est instruit de ces choses. » — Ainsi en est-il. Au point de vue du monde les fidèles disciples de Jésus, sont des fous, des fanatiques, des illuminés, mais au point de -vue chrétien c’est tout le contraire — les mondains sont insensés et follement épris de l’argent. L’homme du monde ne voit que les choses terrestres, transitoires, le chrétien par les yeux de la foi voit la gloire, l’honneur et l’immortalité. Il croit à sa participation avec le Seigneur aux privilèges du Royaume millénaire qui doit bientôt faire jouir le monde d’un règne de justice en accomplissement de la prière du Seigneur: « Que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.”

Paul en appela à Agrippa. Ne croyait-il pas aux prophéties citées? « Agrippa dit à Paul: Peu s’en faut que tu ne me persuades de devenir chrétien. — Qu’il s’en faille de peu ou de beaucoup, repartit Paul, plût à Dieu que non seulement toi, mais encore tous ceux qui m’écoutent en ce moment, vous fussiez tels que je suis à l’exception de ces chaînes!” — C. *)

On ne peut s’imaginer un homme doué de senti­ments plus nobles et plus généreux et animé d’un esprit de charité plus large, faussement accusé et in­justement lié et retenu. Ceux seuls qui ont été avec Jésus et ont appris de lui, pouvaient ainsi donner des exemples de sympathie et de modération semblables. O que tous les disciples de Christ apprennent de même à être débonnaires et humbles de cœur et à trouver le repos de leurs âmes! Car qui oserait douter que St. Paul, prisonnier, avec ses glorieuses espérances n’ait été de toutes manières plus heureux que tous ceux qui ce jour-là l’entendirent prêcher?

“‘) Pour les citations bibliques, C. signifie Crampon; L —Lausanne; S. — Segond; B. — Darby; O. — Ostorvald; etc.