Les soeurs défendues
Cher Frère Russell,
Avant d’aborder ce sujet, je désire m’excuser d’avoir à vous écrire.
Le désir de m’adresser à vous me hante avec une grande persistance depuis de nombreuses semaines, sans vouloir me quitter. Je me suis efforcée de l’anéantir, de l’oublier, me disant que la question que j’ai à vous soumettre ne me concerne aucunement, lorsque se sont mis à résonner à mes oreilles ces paroles : « Suis-je le gardien de mon frère ? », qui me suivent toujours, et que je ne puis éloigner de moi. Aussi ai-je présenté cette question au Seigneur, en Le priant de guider ma plume.
Premier point : Il existe une tendance parmi certains (et ceux-ci ne s’en rendent pas compte, à n’en pas douter) à faire très fréquemment mention de l’assujettissement de l’épouse et de l’autorité du mari, et à s’étendre grandement sur ces points, mais ils oublient totalement (du moins en ma présence), d’attirer l’attention sur les devoirs de ce dernier, à l’exception, il est vrai, de son autorité, s’abstenant toujours de signaler ce commandement : « Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Eglise » ; « montrez à votre tour de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes, comme avec un sexe plus faible ; honorez-les », etc…
Cette application partiale des Ecritures conduit l’homme d’un certain type, non rare malheureusement, à devenir petit tyran, à rappeler à son épouse qu’elle est obligée de lui obéir ; s’énorgueillissant d’être maître de quelqu’un, il ignore entièrement l’autre côté de la question, celui qui a trait à ses obligations, et il avilit sa femme si celle-ci se laisse faire, en la réduisant à l’état d’esclave. L’ayant forcée sur ce point, il cesse de la respecter…
Pour que l’on ne suppose pas que j’ai sujet de me plaindre, je prends la liberté de dire que je n’ai aucun grief à formuler contre mon mari. Celui-ci est l’un des chrétiens les plus nobles, remplissant, il me semble, aussi scrupuleusement que cela est possible à des êtres humains déchus, les conditions d’un chef de famille modèle, couronnant ma vie de l’amour, de la protection et des soins les plus tendres.
Deuxième point: Tous les enseignants, même ceux d’aptitude médiocre, connaissent bien l’utilité qu’il y a à poser des questions aux élèves, et apprécient cette méthode (mon mari et moi-même avons enseigné pendant plus de vingt ans, lui dans des facultés de médecine et moi dans des écoles publiques); néanmoins, dans une assemblée où l’on se réunit pour l’étude de la Bible avec le concours des « Etudes des Ecritures » ou des Figures du Tabernacle, jamais une question n’est posée à une sœur. La sœur a peut-être trimé toute la semaine, le dimanche y compris, effectuant des besognes qui épouvanteraient des hommes: lessive, repassage, nettoyage, habillement, préparation du manger pour le mari et les enfants, ces derniers étant au nombre d’une demi-douzaine, plus ou moins, ainsi que mille et une choses propres au ménage, sans avoir le temps de lire ou d’étudier; et cependant, lorsqu’elle a le privilège d’assister à une certaine assemblée d’Etudiants de la Bible, cette aide importante lui est refusée. Jamais une question ne lui est posée pour la conduire à penser, pour éveiller l’intérêt en elle, pour faire travailler son esprit et fixer son attention. Songez-y ! Il n’est pas étonnant que la réunion se déroule péniblement et qu’elle soit peu intéressante, comme on me l’a fait remarquer.
Pasteur Russell, je ne croirai pas, à moins de le lire au-dessus de votre propre signature, que vous approuvez pareille façon de priver les membres du Corps de Christ (une partie d’entre eux) de cette aide précieuse facilitant l’acquisition de la connaissance. Personnellement, que je sois questionnée ou non, il en résulte peu ou pas de conséquence pour moi. J’ai du temps pour penser, lire, étudier et prier et, Dieu merci, j’en ai toujours eu, mais je plaide pour celles qui ont les mains plus chargées que moi, ainsi que pour le principe.
D’autre part, afin que l’on ne pense pas que j’écris ainsi parce que j’aspire à la prééminence dans nos réunions, ou à l’exhibition de connaissances acquises, je vous prie de noter que si je trouvais plaisir à ces choses, elles sont à ma portée: il ne serait pas nécessaire que je les recherche dans notre petite assemblée. Je n’ai jamais désiré plus de privilèges au sein de l’Eglise que ceux qu’autorisent les Saintes Ecritures. Je n’ai jamais pensé qu’une femme pût être « ancien »; les versets 12 et 13 de la première épître à Timothée, chapitre 2, l’excluent de ce service; de nombreux hommes en sont aussi exclus. D’ailleurs, il existe quelque chose d’inhérent à la nature de vraies femmes, quelque chose que Dieu a mis en elles et qui leur fait répugner pareille usurpation. Mon travail au sein de l’église, dans le passé, conduit, je le sais, par l’Esprit et accompli sous la bénédiction de Dieu, consistait à prendre part aux réunions de prières ou aux réunions relatives à la prédication de l’Evangile (c’était « prier et prophétiser » comme je le comprends), et à l’enseignement dans les Ecoles du Dimanche.
J’espère que vous prêterez attention aux griefs mentionnés ci-dessus et je demeure votre sœur en Christ,
M. E.
Réponse a la lettre sus-mentionnée
Il nous faut admettre que, à cause de notre état déchu, certains hommes font preuve d’un grand manque de virilité et de beaucoup de tyrannie, et que chez certaines femmes, très despotiques, la féminité fait grand défaut. Même parmi ceux que l’Eternel a favorisés en les appelant du Haut Appel, ces vils défauts se manifestent, car Dieu n’appelle pas principalement ceux qui sont nobles de caractère, mais ceux qui sont méprisables. Dieu a choisi, non pas beaucoup de riches, ni beaucoup de sages, ni beaucoup de nobles mais surtout les choses viles pour confondre les puissants, et celles qui ne sont pas pour réduire au néant celles qui sont (1 Cor. 1: 26-28). Nous comprenons la raison pour laquelle les nobles et les grands ont d’ordinaire une trop grande confiance en eux-mêmes, et ne sont pas disposés à implorer pardon et aide, par l’unique nom par lequel nous devions être sauvés, et à les accepter. C’est pourquoi, le manque de virilité et de féminité que nous remarquons chez ceux-ci et chez celles-là ne doit pas nous offenser ni nous empêcher d’aimer les frères et les soeurs, d’aimer tous ceux que l’Eternel a appelés.
Mais, d’un autre côté, tous ceux qui ont été acceptés à l’Ecole de Christ ont le plus grand de tous les professeurs et, dans leurs sentiments, ils devraient devenir les plus nobles des hommes nobles; il est en effet écrit : « Ils seront tous enseignés de Dieu. » Les leçons prodiguées par l’Esprit et inculquées au moyen de la Parole, développent chez tous les élus les grâces de l’Esprit Saint, et notamment la douceur, la gentillesse, la patience, l’affection fraternelle, l’amour. Certains produisent les fruits de l’Esprit plus rapidement que d’autres, et ils en produisent davantage, mais il faut que tous parviennent à les développer dans leur cœur (et, conséquemment, ils les manifesteront extérieurement à un certain degré) avant de pouvoir être acceptés comme cohéritiers du Royaume. Ainsi qu’il est écrit, ils doivent tous devenir des copies du cher Fils de Dieu, leur Rédempteur.
Mais comment peut-il se faire que parmi les plus avancés d’entre eux, se remarquent des actes tels que les mentionne la lettre précitée, et qui paraissent despotiques aux yeux de certains ? Exemple : éviter de questionner les sœurs au cours des études béréennes. A notre avis, il n’y a pas lieu d’imputer cette conduite à un vil motif aussi longtemps que se remarque une noblesse d’esprit chez celui qui agit ainsi. Par exemple, le conducteur de la réunion peut avoir à l’esprit ces paroles de l’Apôtre, qu’il peut considérer comme une règle donnée par Dieu: « Je ne permets pas à la femme d’enseigner. » Il est possible qu’il se soit dit que poser une question à une sœur serait l’inviter à enseigner et qu’en conséquence ce serait de sa part transgresser l’injonction de l’apôtre. Peut-être a-t-il pensé qu’offrir aux sœurs la possibilité de répondre, en disant : «Quelqu’un d’autre a-t-il une pensée à suggérer ? », c’était pour sa conscience aller à la limite du privilège qui lui était imparti, et c’était laisser à la conscience de chaque sœur le soin de décider et d’agir en conséquence. Cette façon d’opérer partage certainement les responsabilités. La principale difficulté qu’elle renferme semble être qu’elle implique une inconvenance de la part des sœurs qui répondent, selon le jugement des frères plus en vue.
Nous espérons qu’aucun des frères n’est d’avis que les sœurs n’ont pas de bonnes pensées, qu’elles sont incapables de les exprimer et qu’elles ne savent pas instruire leurs propres fils et filles. Tous doivent admettre que des femmes ont révélé de merveilleuses facultés en fait d’instruction, de raisonnement, de gestion, etc. Et tous les hommes à caractère noble, et spécialement tous les frères développés doivent désirer «rendre l’honneur à qui l’honneur est dû » et, par conséquent, ils doivent grandement honorer de nobles mères, sueurs, épouses et filles, et les femmes en général, pour les traits de caractères, et ils sont nombreux, nobles et gentils qu’elles possèdent. C’est là certainement l’attitude de cœur du rédacteur.
Quant au noble Apôtre Paul, nous ne pouvons croire qu’il ait haï ou méprisé les femmes. Ses épîtres montrent clairement, et cela est indubitable, que lui aussi honorait les femmes au caractère véritablement féminin. Qui a jamais exprimé l’estime pour la femme d’une manière plus formelle que cet Apôtre qui a écrit: « Comme Christ a aimé l’Eglise, et s’est livré lui-même pour elle… ainsi.., les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. » (Eph. 5 :25, 28). La raison qui le poussa à écrire comme il le fit à propos de la sphère d’activité de la femme dans l’Eglise fut sans nul doute la fidélité à Dieu, au devoir. Notre Seigneur déclara au sujet de Ses Apôtres: « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » (Matth. 18 :18.) Et il est certain que le Seigneur employa l’Apôtre Paul plus qu’aucun autre Apôtre pour « délier » de la Loi et annoncer les obligations et responsabilités liant la « Nouvelle Création ».
Une voie plus excellente.
Après avoir beaucoup prié et médité sur ce sujet, nous avons le sentiment qu’une conception plus modérée que celle qui est mentionnée plus haut pourrait s’attacher aux paroles : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner. » Cette conception est la suivante
Enseigner n’est pas non plus de la compétence de tous les frères, mais uniquement de ceux que la Providence divine a spécialement désignés à cet effet. C’est ce que montrent plusieurs passages des Saints Ecrits. Par exemple, aux Anciens de l’Eglise d’Ephèse, St. Paul déclara : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau au milieu duquel l’Esprit Saint vous a établis surveillants [anciens, bergers, évêques] pour paître [enseigner] l’Assemblée de Dieu. » (Actes 20 : 28, D.) Notez encore les paroles de l’Apôtre affirmant que Dieu a placé comme Il a voulu les différents membres dans le Corps, et parmi ceux-ci il mentionne des « docteurs » [maîtres qui enseignent, selon note Darby, trad.] (1 Cor. 12 :18, 28). Notez aussi les paroles de St. Jacques : « Ne soyez pas beaucoup de docteurs, mes frères. » (Jacques 3 1, D.) De plus, une des qualifications qui devaient être recherchées lors de l’élection des Anciens était l’aptitude à l’enseignement (1 Tim. 3: 2). En outre, à propos du service sacerdotal ou service qui avait trait à l’enseignement, nous lisons « Nul ne s’attribue cette dignité, s’il n’est appelé de Dieu, comme le fut Aaron. » (Héb. 5: 4.) Le Seigneur, parlant par les membres de l’Eglise Son Corps (ceux du sexe masculin aussi bien que ceux du sexe féminin, esclaves et hommes libres, tous étant un en Christ) choisit pour la dignité d’Ancien certains frères « aptes à enseigner » et, comme l’indique l’Apôtre, sur ceux-ci repose une responsabilité spéciale relative à l’alimentation (spirituelle, trad.) du Troupeau de Dieu. L’Apôtre questionne encore: « Tous sont-ils docteurs ? » —1 Cor. 12: 29.
Dès lors, ne pouvons-nous pas interpréter les paroles de l’Apôtre: « Je ne permets pas à la femme d’enseigner », comme signifiant: « Je n’autorise pas qu’il y ait dans l’Eglise un Ancien du sexe féminin » ? Si nous le pouvons, une difficultébsera aplanie. Cette compréhension concorderait parfaitement avec ce que nous lisons en 1 Cor. 11:5, 6: « Toute femme qui prie ou qui prophétise [qui parle publiquement]…, qu’elle se voile », par-ce que, dans l’Eglise, la femme est une figure de l’Eglise, tandis que l’homme représente le Seigneur, le Chef de l’Eglise.
Cela résoudrait l’affaire dont plainte est portée dans la lettre publiée ci-dessous. Alors, il serait assurément aussi convenable de poser les questions béréennes aux soeurs qu’aux frères; en effet, dans cette compréhension du sujet, aucun de ceux qui répondraient ne serait un docteur, ni considéré comme enseignant, mais un étudiant, récitant ce qu’il, ou elle, a appris, ou ce qu’il, ou elle, pense que le Seigneur avait enseigné par la bouche de Ses instruments ou enseignants.
Aux yeux de l’Editeur, ceci est des plus satisfaisants et il espère que cela le sera aussi à tous les lecteurs de la « Watch Tower ». Si quelques-unes d’entre les chères soeurs ont souffert dans le passé à cause d’une observance trop rigide de la Parole, nous avons foi qu’elles seront magnanimes et attribueront cette rigueur, non à un manque d’amour envers les femmes, mais à un amour plus grand pour le Seigneur et pour Sa Parole.
Quiconque a été « droitement exercé » par le point de vue plus strict exposé plus haut, recevra, nous le croyons, une bénédiction correspondante, car notre Seigneur est capable de faire en sorte que toutes choses concourent pour le bien de chacun de Ses fidèles.
« Que celui à qui l’on enseigne la parole fasse part de tous ses biens à celui qui l’enseigne. » —Galates 6: 6.
W.T. 4121. C.T.R. 1908.