La bonne Nouvelle en Europe.

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À la famille de Dieu à Béthel-Brooklyn.

Lorsque notre navire sortait du port de New-York, vos bons souhaits et vos doux messages d’amour nous ont grandement réjouis. Il nous était agréable de constater que vous regrettiez de nous quitter pour deux longs mois, mais nous étions heureux aussi de voir votre amour fra­ternel envers le peuple de Dieu d’au delà l’Atlantique. Nous leur rapporterons l’intérêt que vous prenez à leur prospérité et votre désir que la bénédiction de Dieu nous accompagne afin que notre courte visite puisse servir à répandre encore plus la «bonne nouvelle», fortifier leur connaissance et leur zèle et les aider à affermir leur appel et leur élection pour le Royaume.

Nous avons eu un voyage agréable — sans incidents. Les deux premiers jours, la mer fut un peu houleuse, et nous avons eu peu de difficulté à observer le jeûne de carême. Le frère Rutherford, jr. nous servait de sténo­graphe et avec l’aide du Seigneur nous pûmes faire un travail considérable — réponses aux correspondances, ar­ticles pour le Watch Tower et les journaux, etc.

110 Juillet 1911

Nous débarquâmes (Rutherford et moi) à Plymouth. Le frère Driscol, comme représentant de l’Association de la Presse, continua son voyage allant directement à Vienne pour préparer notre arrivée.

La «London Bible Students’ Ecclésia» avait convoqué une réunion générale le soir de notre arrivée. Ce fut vraiment une heureuse occasion. Quelques témoignages excellents furent donnés, et nous eûmes ensuite le plaisir d’avoir une réunion spéciale avec les anciens et les diacres. Les arrangements n’étant pas complets pour l’usage du London Tabernacle, c’est à Manchester que nous passâmes notre premier dimanche dans la Grande-Bretagne. Nous arrivâmes à Manchester samedi soir et y fûmes reçus par les représentants des étudiants de la Bible et nous avions devant nous une bonne nuit de repos pour nous préparer au dimanche 19 mars.

L’Hippodrome avait été retenu. La réunion du matin fut seulement pour les intéressés. Il y avait une nom­breuse assistance, venue des endroits environnants et nous avons eu un moment de rafraîchissement spirituel. Une réunion de témoignages avait précédé notre arrivée et les remarques que nous fîmes et qui terminèrent la séance, portèrent sur la nature d’un témoignage de la grâce de Dieu en notre faveur et les bénédictions de Dieu sur le travail en général; sur les efforts constants que nous devons faire pour croître en grâce, en connaissance et en amour et se terminèrent pas une exhortation à continuer tous dans cette voie.

La réunion de l’après-midi fut semi-publique~ — c’est à dire qu’il n’y avait pas eu d’invitation particulières. Un millier de personnes environ étaient rassemblées. L’atten­tion fut excellente. Le sujet traité fut: «Les deux saluts, mais aucune seconde chance». La réu­nion du soir eut aussi lieu à l’Hippodrome. Il fut parlé sur: «Le jugement du grand trône blanc». L’auditoire évidemment choisi, avait l’apparence de gens intelligents et fut estimé à environ 3200 personnes, mais il parait que des centaines s’en retournèrent faute de place. Les bas côtés étaient remplis, entassés de gens d’une manière qui en Amérique n’aurait pas été permise par le département du feu. Cet immense auditoire écouta avec la plus grande attention pendant deux heures, beaucoup restèrent debout pendant toute la session.

Souvenirs des jours apostoliques.

Nous prîmes le train de nuit pour Londres et le soir suivant nous étions en route pour le Continent. Nous allâmes directement à Vienne. Quelques Juifs de nos amis à New-York nous avaient demandé de faire ce voyage, suggérant que Vienne, Budapest, Cracovie et Lemberg étaient de grands centres juifs et que dans ces villes beau­coup se réjouiraient de nous entendre concernant: «Le Sionisme dans la prophétie».

Si nous ne considérons que les apparences extérieures, ces réunions juives échouèrent complètement, mais nous ne sommes pas sûrs qu’il en fut réellement ainsi et surtout au point de vue divin.

Un grand rabbin juif de New-York qui y avait essayé de nous nuire, continua son opposition en Austro-Hongrie et il réussit passablement. Il était évidemment ennuyé de nous voir enseigner le peuple concernant les prophéties de la Bible. Il avait cablé à grand frais un long message de faux rapports, prévenant les Juifs de se méfier de nous, —             que nous étions des missionnaires [à la façon sectaire]. Un hall de moyenne grandeur avait été retenu à Vienne et il y avait foule. L’auditoire paraissait intelligent et les deux tiers semblaient anxieux de nous entendre, taudis que le reste semblait plutôt déterminé à faire de l’obstruc­tIon. Dès que nous eûmes commencé à parler, ils pous­sèrent des cris d’un bout du hall à l’autre, à faire croire qu’ils étaient possédés du démon. On devait leur avoir dit que nous n’étions venus que pour les priver de toute vie et liberté; tandis qu’au contraire nos motifs étaient des plus bienveillants, notre désir était de les rendre plus heureux — de leur parler de l’amour de Dieu et de leur dire que les prophéties desquelles ils étaient héritiers allaient être accomplies. Evidemment, les pauvres Juifs n’ont pas beaucoup profité des nombreuses et dures leçons qu’ils ont apprises sous l’oppression et l’injustice. Ils ne savent rien de ce qui concerne la justice. Ils ne respectèrent ni nos droits comme amis, ni ceux que nous devions avoir même comme ennemis; pas plus qu’ils ne respectèrent les droits de leurs frères plus intelligents qui désiraient entendre ce que nous avions à leur dire, sans compromettre leur propre liberté.

En souriant, nous leur fîmes signe de la main pour ramener l’ordre, mais rien n’y fit. Nous essayâmes de dire un mot ou deux, par le moyen de notre interprète allemand, frère O. Koetitz de Barmen, mais sans aucun résultat; ils poussaient des cris, sifflaient et faisaient de la place une vraie Babel. Beaucoup semblaient vouloir mettre les mains sur nous, mais nous étions entourés par un fort cordon de ceux qui étaient plus sensibles et qui formaient comme une barricade pour nous protéger. Pour nous, nous, n’avions pas peur, mais ceux qui connaissaient mieux ceux qui faisaient de l’opposition semblaient craindre beaucoup entant que nous ne ferions rien, nous fîmes signe de nos mains en souriant, indiquant que nous abandonnions la tentative et nous quittâmes l’estrade. Ces mêmes Juifs amis, nous frayèrent un passage, nous pré­servant contre les opposants, et nous guidèrent hors du hall, dans lequel il y avait encore environ 600 personnes. Un grand nombre de jeunes Juifs nous suivirent à l’hôtel et nous posèrent des questions jusqu’à minuit et nous demandèrent de revenir le lendemain.

Il en vint une quinzaine qui nous questionnèrent pen­dant 2 heures sur le plan divin et la part qui y était faite aux Juifs. Ils nous dirent que lorsque nous eûmes quitté le hall, la nuit précédente, les Juifs s’étaient fortement querellés entre eux. Ils étaient divisés en 3 classes savoir:

  • une classe athée, anarchiste et sioniste, qui avaient été influencée par le cablogramme du rabbin Magnus, qui s’intitule lui-même chef de la soi-disant société de New York qui porte le nom de Kehillah juive.
  • Une classe orthodoxe, grandement excitée qui s’était jointe aux premiers pour faire de l’opposition, croyant et craignant ce qui avait été dit que notre but était une «mission» (chrétienne orthodoxe).
  • Plus de la moitié de l’audi­toire, qui étaient des personnes raisonnables, intelligentes, et plus civilisées et sympathiques avec le judaïsme et la Bible, mais non sympathiques avec la folie et la supersti­tion. Cette dernière classe était celle qui désirait nous entendre.

 Nos amis juifs nous informèrent qu’après notre départ ces trois partis se livrèrent à un tel vacarme, que 46 policemen vinrent et les dispersèrent. Nous présumons que le rabbin Magnus et la Kehillah de New-York seront enorgueillis de leur influence sur la classe anarchiste de leur peuple. Les paroles fausses peuvent être écoutées un moment, mais le temps vient où les falsificateurs seront connus et méprisés par toutes les personnes honnêtes. Nous nous sommes arrangés pour répandre un grand nombre de feuilles en hébreu dans le quartier juif de Vienne, afin que ceux désireux de savoir ce qui concernait le Sionisme dans la prophétie, ne soient pas com­plètement empêchés par leurs frères insensés et craintifs.

Nous avons essayé d’une réunion juive à Budapest, mais des agents de la partie adverse nous avaient précédés. Le gouvernement hongrois, nous expliqua un des notables, a essayé pendant longtemps de détruire le judaïsme et de faire que les Juifs deviennent des Hongrois et abandonnent toute idée de promesses et d’espérances nationales. Ils ont en effet réussi à cela dans une grande mesure. Les notables juifs montrent peu d’intérêt dans le Sionisme et préféreraient que leurs frères plus ignorants abandonnent toute espérance sioniste. Ajoutez à cela, qu’aucune salle à un prix modéré ne fut trouvée à Budapest et que l’état

111 Juillet 1911

des finances du frère Driscol ne lui permettait pas de louer des salles qui étaient offertes à des prix trop élevés.

Nous ne pûmes avoir aucune réunion à Cracovie à cause des restrictions gouvernementales. Cette ville se trouve sur les frontières de la Russie et les usages russes prévalent à un degré considérable. Il aurait fallu qu’un résident se fût rendu responsable de la réunion et de ce qui y aurait été dit vis-à-vis du gouvernement et les Juifs et les autres ne manifestèrent pas assez d’intérêt pour que nous cherchions à prendre cette mesure.

La situation fut identique à Lemberg; mais avec l’aide de frère Driscoll, un Juif estimé et bien vu, qui semblait être providentiellement envoyé, prit intérêt à la chose et signa les papiers nous assurant l’approbation du gouverne­ment, etc. Nous avions quelques raisons d’espérer que les deux réunions qui y furent tenues l’après-midi et le soir, auraient intéressé les Juifs qui constituent environ le 28% de la population; mais nous avions mal calculé. Le message envoyé d’Amérique à Vienne nous avait aussi précédé à Lemberg. «Le pasteur Russell est un missionnaire et la plus grande menace possible pour notre race disait en substance ce message. Comme à Vienne, les Juifs étaient de deux partis — l’un, anxieux d’entendre, l’autre déterminé à empêcher d’écouter. Ici encore les opposants se comportèrent comme des insensés — comme s’ils étaient possédés de l’esprit malin. «Ils grinçaient, pour ainsi dire, les dents contre nous.» Cela nous rappe­lait les temps apostoliques. Aucune réunion ne put être tenue. Nous levâmes donc la séance en souriant et dîmes adieu à l’auditoire. Nous fûmes félicités par quelques-uns,- d’autres félicitèrent nos opposants d’avoir eu la victoire sur nous. Nous nous éloignâmes.

Nous déterminâmes donc de ne pas essayer de tenir le service du soir et nous fîmes passer une note écrite à cet effet. Nous y mentionnions notre intérêt pour les Juifs les assurant que notre but n’était pas de faire des prosélytes au christianisme; mais que puisque les éléments de désordre étaient si considérables, nous ne voulions pas nous im­poser à leur attention.

Un message spécial nous parvint alors du hall nous informant qu’un nombreux et intelligent auditoire y était rassemblé et nous attendait, qu’il avait été pourvu à un service de police pour maintenir l’ordre et que nous devions venir et nous faire entendre. Nous nous y rendîmes, mais la conduite folle, fanatique et sauvage de l’après-midi fut répétée. Nous saluâmes de nouveau l’auditoire en leur disant que nous n’essayerions pas de leur parler. Dans une antichambre des Juifs proéminents (un banquier, un avocat) discutaient; et nous devons mentionner qu’un rabbin proéminent s’efforça d’amener l’ordre durant la réunion. Néanmoins nos amis juifs avaient tellement peur qu’il nous arrivât quelque chose qu’ils nous firent sortir du hall par une porte de derrière où une automobile nous attendait. Trois de nos amis nous firent la conduite jusqu’au train, que nous prîmes à 1 heure après minuit. Ils nous montrèrent par là que tous les Juifs ne sont pas des fanatiques et des fous; ils étaient en effet devenus nos fidèles amis et le fait que nous avions pris la chose avec tant de bonté et de patience et sans aucune amertume envers nos ennemis, les intéressèrent à notre message et ils nous demandèrent de nos feuilles pour les lire et les faire circuler.

Dieu seul sait ce qu’il résultera dans sa providence de ces expériences; toutefois à notre estime, il n’est pas possible qu’un compliment plus flatteur soit donné à la voix humaine. Pensez un peu! La mission de l’église d’Angle­terre aux Juifs a une station régulière à Lemberg et aussi à Vienne, depuis des années habilement et richement aménagée; mais ceux-là ne sont pas la terreur des Juifs. Il a suffi de la venue d’un Américain, qui parla pendant quelques heures seulement pour les jeter dans un tel paroxisme d’excitation, de crainte, d’effroi de quelque pro­digieux pouvoir enchanteur, voulant essayer son éloquence et attirer en 2 heures une grande proportion des Juifs au christianisme. Pauvres Juifs! Nous devons reconnaître que nous sommes indignes d’un tel tribut. Ils est pro­bable toutefois qu’une telle excitation pourra en amener quelques-uns à sonder plus profondément ce sujet que s’ils nous avaient entendu d’une façon paisible et régulière: ou si ne désirant pas entendre, ils s’étaient tenus éloignés des réunions auxquelles il n’y avait d’invités que ceux qui s’intéressaient au «Sionisme dans la prophétie».

Les Chrétiens de Berlin et les Juifs.

Nous nous sommes ensuite dirigés sur Berlin. Nous y avons trouvé un groupe de croyants intéressés dans la vérité présente, il en était venu de 300 kilomètres et plus: à qui nous avons parlé pendant une ½ heure après leur réunion de témoignes. Il y eut ensuite un lunch géné­ral; et la séance de 1 après-midi fut adaptée aux chrétiens et aux juifs. Mais le sujet à traiter amena plutôt un au­ditoire composé de Juifs pour la plus grande partie — il y avait environ un millier de personnes.

Le message nous concernant avait été envoyé de Vienne et il régna alors une grande crainte par la peur que nous les convertissions tous en peu de temps. Nous fûmes fort surpris de cela, pour deux raisons: D’abord, parce que Berlin est une ville où règne l’esprit moderne; ensuite, parce que le chef de l’opposition» un certain Dr. Loewe était un homme d’apparence distinguée. Ceux qui ne croient pas dans la Rible, ne devraient pas essayer d’une réunion à laquelle ils n’étaient pas invités et s’ils y viennent par quelque malentendu, ils doivent en toute bonne justice s’y conduire de manière à produire le moins de désordre possible. Nous avons vu là une illustration nouvelle de la manière dont des gens intelligents peuvent être influencés par de fausses paroles et par des préjugés. Nous avions à peine commencé de parler, que le docteur et environ 120 de ses disciples, se levèrent et se retirèrent sur l’arrière de la salle, où ils se livrèrent à des démonstrations d’op­position. Nous jugeâmes qu’il se trouvait là des socialistes et des incrédules, parce que leur retraite eut lieu aussitôt que nous eûmes commencé à parler des prophéties de la Bible

Combien cela semble étrange!

Combien il semble étrange que ceux qui dédaignent les promesses faites à Abraham, et qui doutent même qu’une telle personne ait existé, soient orgueilleux d’appartenir à sa famille. Combien il nous semble étrange que quelqu’un qui méprise les promesses des Ecritures prennent quelque intérêt au pays de la Palestine — le pays de la promesse. Assurément qu’il y a de par le monde des pays plus désirables et beaucoup plus accessibles. Assurément que le Sionisme sans une base religieuse n’arrivera jamais à rien.

Le reste de l’auditoire, 900 personnes environ, demeura et prêta une attention soutenue lorsque nous présentâmes quel était l’intérêt des chrétiens et des Juifs dans le Sionisme au point de vue de la Bible. A la fin du service général des Juifs revinrent et demandèrent que l’occasion leur fut donnée de faire publiquement l’apologie de ceux qui s’étaient retirés.

Ils parlèrent dans les termes les plus élevés des paroles qu’ils avaient entendues, nous assurèrent de leur apprécia­tion et qu’ils n’étaient pas habitués à entendre de semblables choses dans la bouche de chrétiens et que leurs frères qui s’étaient retirés l’avaient sûrement fait sous une mauvaise appréhension. Ils nous demandèrent de leur parler encore nous assurant d’un grand auditoire. Lorsqu ils apprirent que nous devions partir dans la nuit, ils en exprimèrent du regret mais nous demandèrent de revenir plus tard.

En somme qui peut dire que même à Berlin les résul­tats auraient pu être meilleurs pour ceux qui entendirent s’il n’y avait pas eu d’opposition. Nous laissons les résul­tats à Dieu. Si le temps est venu pour les Juifs d’écouter leurs prophètes et pour le Sionisme de prendre un aspect

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religieux, il en sera ainsi: Si nous sommes dans l’erreur, si le temps de Dieu pour le Sionisme n’est pas encore venu, néanmoins le sionisme dans le sens le plus large du mot est l’espérance du monde aussi bien que d’Israël. Quoi qu’il en soit: «De Sion sortira la loi» — de la semence spirituelle d’Abraham, de l’Eglise glorifiée, du grand Messie (Jésus et ses élus de l’Age de l’Evangile). «Et de Jérusalem, la parole de l’Eternel» — de la semence légitime d’Abraham — des anciens dignitaires et d’autant d’autres qui s’associeront avec ce noyau du Royaume mes­sianique terrestre pendant les 1000 ans prochains. (J. C.)