Matthieu 6 : 24-34.
« Il a soin de vous » – 1 Pierre 5 : 7 – Darby.
Il est probable qu’aucune autre période de l’histoire du monde n’a jamais eu autant besoin de cette leçon que la nôtre. L’esprit de notre époque semble conduire directement au service de Mammon ― la richesse, les avantages et le confort terrestres. Pour ce qui est de la Chrétienté, l’obtention de la récompense de Mammon semble être l’objectif principal de la vie, auquel tout autre intérêt est subordonné. Lorsque nous nous tournons vers l’Extrême-Orient, c’est moins le cas ; les millions d’Indiens et de Chinois sont bien plus satisfaits dans leur ignorance que les millions de Chrétiens qui ont un haut niveau de connaissances. Il est évident que la connaissance n’est pas propice à la paix, au bonheur, au contentement : « Or la piété avec le contentement est un grand gain. » – 1 Timothée 6 : 6 – Darby.
Ce que l’on appelle le progrès de la civilisation est à bien des égards bon, excellent ; mais sa force motrice est mauvaise. La force motrice du progrès moderne est l’égoïsme ― le mammonisme (culte de l’argent) ― qui croît de plus en plus. De plus, nous ne pouvons pas imaginer que le monde civilisé, intellectuellement éveillé mais non régénéré dans son cœur, ne possédant pas l’esprit de Christ, l’esprit saint, l’esprit d’amour, puisse être, dans sa condition actuelle, mû par un autre esprit que celui dont il est possédé ― l’esprit d’égoïsme, l’esprit de Mammon. Nous ne sommes donc pas surpris de voir ce que nous voyons partout ― une course folle et une lutte pour la richesse, le rang social et la célébrité qui sont des richesses d’un autre genre et qui apportent la richesse financière. L’esprit d’égoïsme du millionnaire le pousse à l’activité et à l’utilisation de ses possibilités, non pas parce qu’il a besoin de plus, mais parce qu’il est possédé par l’esprit d’avarice, l’esprit de Mammon ; le même esprit s’empare également de l’artisan qui, avec un revenu modéré, s’est assuré pour lui et sa famille une petite maison modeste et une capacité d’économie. Beaucoup d’entre eux cherchent maintenant à s’enrichir et découvrent par l’expérience la véracité des paroles de l’Apôtre : « Or ceux qui veulent devenir riches [qu’ils parviennent ou non à réaliser leur désir, s’ils ont la volonté, l’esprit de Mammon] tombent dans la tentation et dans un piège, et dans plusieurs désirs [convoitises et habitudes] insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. » (1 Timothée 6 : 9 – Darby). « Car c’est une racine de toutes sortes de maux que l’amour de l’argent [l’esprit de Mammon] : ce que quelques-uns ayant ambitionné, ils se sont égarés de la foi [en évinçant l’esprit d’amour et de sagesse d’en haut, et en perdant l’esprit de vérité, ainsi que la lettre de la vérité et de la foi] et se sont transpercés eux-mêmes de beaucoup de douleurs. » – 1 Timothée 6 : 10 – Darby.
Il nous est impossible de lire dans le cœur de chacun et de connaître positivement les ressorts des activités dans la vie de l’autre ; c’est pourquoi le peuple du Seigneur est susceptible d’être mal compris par le monde. L’enfant de Dieu a reçu les instructions de ne pas être paresseux, d’être fervent en esprit, en servant le Seigneur (Romains 12 : 11 – Darby) ; il a également reçu l’ordre de pourvoir aux nécessités de ceux qui dépendent de lui ; de ce fait il doit travailler pour son pain quotidien et se trouve en contact avec des gens qui ne sont pas engendrés de l’esprit de Dieu comme lui, mais qui ont pour mobile l’amour de l’argent ― Mammon. Il peut être difficile du point de vue du monde de remarquer la différence entre les deux esprits dans ces deux classes, car toutes les deux sont actives, énergiques, patientes et persévérantes ; toutes les deux sont payées à la fin de la semaine avec le même argent et toutes les deux sont considérées par le monde comme des serviteurs de Mammon. Où est donc la différence ? ― Lesquels sont les serviteurs de Dieu ? Et comment pouvons-nous les reconnaître ?
« C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez », a dit notre Maître (Matthieu 7 : 20). Le produit du travail est la seule preuve extérieure que nous puissions avoir de la motivation du travailleur. Si le produit du travail est simplement accumulé dans des biens, dans des banques ou dans de vieux bas, ou si le produit du travail, au-delà des nécessités de la vie, est simplement utilisé pour satisfaire la chair, en bibelots, en bric-à-brac ou autres formes de satisfaction personnelle, ou pour de mauvaises raisons, la seule déduction raisonnable serait que le travailleur a été inspiré dans son énergie par l’esprit d’égoïsme, et qu’il est un serviteur de Mammon. Mais si, d’autre part, le produit d’un travail énergique, après avoir été dévolu aux nécessités de la vie, est utilisé avec bienveillance au service du Seigneur, au service du peuple du Seigneur, pour « subvenir aux besoins des saints » (selon Romains 12 : 13), soit temporellement, soit spirituellement, ou aux besoins de « la création gémissante » ; ― si c’est là l’usage qui est fait de l’argent excédentaire, on peut raisonnablement en déduire que le travailleur était animé non par l’esprit de Mammon, l’esprit d’égoïsme, mais par l’esprit du Seigneur, l’esprit d’amour ; car l’utilisation de cet argent au service du Seigneur serait une preuve de la motivation et du but du travailleur.
Cette règle simple (par laquelle nous pouvons tous nous tester nous-mêmes, même si nous ne pouvons pas mesurer trop scrupuleusement les autres par ce moyen) semblerait nous montrer que la grande masse de l’humanité est au service de l’égoïsme, de Mammon et non au service de Dieu ; après avoir pourvu aux choses décentes et honnêtes pour lui-même et pour ceux qui dépendent de lui, le principal objectif dans la vie du serviteur de Dieu serait certainement d’utiliser le fruit de son travail pour glorifier Dieu et bénir ses semblables. Que celui qui porte le nom du Seigneur se juge lui-même avec soin selon cette règle ― analysant ses propres objectifs et méthodes et déterminant en accord avec cette leçon de qui il est le serviteur ― un serviteur de l’égoïsme et de Satan ou un serviteur de l’amour et de Dieu.
Rien, dans ce que nous avons dit, n’est censé suggéré qu’il serait mauvais pour un membre du peuple du Seigneur de posséder sa propre maison ou de jouir d’un certain confort, ni de prendre des dispositions raisonnables pour le lendemain, en vue des nécessités de sa famille, et pour des utilisations qu’il peut considérer comme étant la volonté du Seigneur à son égard quant aux moyens confiés à son intendance (2 Corinthiens 8 : 21). Mais ce serait une grande erreur pour un enfant de Dieu, de conclure qu’il ne doit dépenser aucun argent au service du Seigneur et de l’humanité tant qu’il n’a pas atteint un certain niveau de compétence. Quiconque adopte cette idée et ce dessein constatera presque à coup sûr, au moment où il sera qualifié, qu’il est tellement pénétré de l’esprit de Mammon qu’il est moins satisfait, moins content que jamais ; et qu’il a tellement perdu l’esprit du Seigneur, l’esprit d’amour et de générosité, qu’il n’est guère disposé à dépenser ses forces pour quoi que ce soit qui ne contribue pas égoïstement à son confort personnel ou à la satisfaction d’objectifs égoïstes. Et si celui qui gagne 1000 dollars par an doit avoir l’esprit de dévotion étant sûr d’être béni dans son activité, ceci est vrai pour l’homme qui ne gagne que 100 dollars par an : même s’il a des difficultés à se procurer les nécessités de la vie, il sera béni dans son cœur, dans son esprit, s’il renonce à lui-même, en sacrifiant quelque chose de la satisfaction terrestre, afin de rendre quelque offrande au Seigneur.
Le grand argument que l’adversaire utilise pour recruter des serviteurs pour Mammon et pour amener les serviteurs de Dieu à essayer de servir à la fois Dieu et Mammon, c’est la peur : la peur du manque, la peur de la misère. C’est pourquoi, dans notre leçon, le Seigneur aborde d’abord cet aspect, exhortant ses disciples, non pas comme le décrit le verset 34, à être insouciants, indifférents et négligents en ce qui concerne notre nourriture et nos vêtements, mais à ne pas s’inquiéter ― à ne pas être anxieux, craintifs et troublés au sujet du lendemain et de ses affaires. Le laboureur, lorsqu’il ameublit la terre, et le semeur, lorsqu’il répand le grain, pensent au lendemain, d’une manière appropriée et légitime qui a l’approbation divine : s’ils sont enfants de Dieu, ils doivent labourer avec espoir, semer avec espoir, et attendre la récolte avec espoir ; et avoir confiance que, si le Seigneur permet qu’un fléau ou une sécheresse rende leurs travaux infructueux, Il ne les laissera cependant pas sans ressources, mais prendra soin d’eux et pourvoira à leurs besoins d’une manière ou d’une autre. Ils doivent exercer leur confiance en sa bonté et s’attendre à ce que toutes les leçons de la vie soient des leçons profitables pour la préparation à la vie éternelle, s’ils sont correctement exercés par elles.
Les paroles de notre Seigneur, dans notre leçon, par lesquelles Il nous encourage à avoir foi et confiance au Père Céleste, ne sont pas adressées au monde en général ― aux « enfants de colère », mais plutôt à ceux qui sont devenus « enfants de Dieu » selon les conditions de son Alliance. On ne saurait trop insister sur ce point : il est vraiment nécessaire que ceux qui n’ont jamais fait alliance avec le Seigneur sachent que les promesses et les bénédictions de la Parole divine ne leur appartiennent pas et ne leur appartiendront jamais tant qu’ils ne viendront pas à Dieu par la voie qu’Il a tracée et qu’ils ne prendront pas sur eux l’alliance qu’Il a préparée. Toutes ces promesses ne sont oui et amen que pour ceux qui sont en Christ Jésus.
Cette classe, bien que tout aussi occupée, tout aussi active, tout aussi fervente en esprit que n’importe quel mondain, n’a pas les tracas, n’a pas les soucis des autres ; parce que le Seigneur Tout-Puissant a fait alliance avec eux en ce qu’Il fera pour eux, selon la sagesse céleste, ce qui sera pour leur plus grand bien. Ceux-ci peuvent donc se réjouir ― « Dans toutes les conditions, dans la maladie et dans la santé, dans la vallée de la pauvreté ou dans l’abondance de la richesse. »
Le peuple du Seigneur, tout en étant actif dans les affaires de la vie, ne travaille pas pour les choses de cette vie, mais recherche le royaume de Dieu : c’est la première chose, la chose principale, le but principal de la vie et de son énergie. Dieu a promis à son peuple une part dans le royaume éternel qui bénira le monde entier, et cette excessivement grande et précieuse promesse remplit le cœur, remplit l’esprit et constitue, avec l’amour et l’espérance, le ressort principal de toute affaire dans la vie. Et en cherchant le royaume, ils cherchent aussi la justice de Dieu ; car celui qui aime l’injustice n’aimera pas le royaume de Dieu, qui sera l’ennemi de toute injustice et de tout péché. Et seuls ceux qui aiment la justice et qui travaillent pour la justice recherchent, au sens propre du terme, le royaume de Dieu et son règne. Un jour, on a posé la question suivante à un vendeur itinérant, un Chrétien sincère : « Quelle est votre activité ? » Il répondit : « Je prêche le Seigneur Jésus-Christ et je vends de la quincaillerie pour « … & Co » afin de couvrir mes dépenses. » C’est là le rapport entre le peuple de Dieu et ses occupations terrestres qui devrait être compris et pleinement vécu par tous ceux qui veulent obtenir le prix.
Notre Seigneur nous assure que si la pensée principale de nos cœurs est de Le servir, de promouvoir la justice et d’atteindre le royaume que Dieu a promis à ceux qui L’aiment, alors nous n’avons pas besoin de nous préoccuper de l’avenir. En tant que ses disciples, nous aurons, jour après jour, suffisamment d’épreuves et de tribulations et nous aurons besoin de nous appuyer quotidiennement sur le bras de l’Époux en cherchant à marcher sur le chemin étroit. À chaque jour suffira sa peine et, grâce à Dieu, nous avons la promesse que sa grâce suffira chaque jour.
WT1898 p2259