Veillez et priez afin que vous ne tombiez pas dans la tentation “
— Matt. 26:41
Après avoir institué le repas de la Pâque qui devait rappeler sa mort, Jésus et ses disciples chantèrent un cantique et se rendirent de la ville à la montagne des Oliviers qui s’élevait en face de Jérusalem, à un kilomètre et demi de distance environ. Sur la route de Gethsémané le Seigneur donna à ses disciples des enseignements d’une grande importance; l’Evangile de Jean les relate dans les chapitres 15, 16 et 17.
Le mot Gethsémané signifie pressoir à huile, nom qui est très significatif: car les Juifs se servaient de l’huile d’olive pour s’alimenter et s’éclairer; d’autre part, Jésus est celui qui nourrit et qui éclaire le monde. Nous voyons une image parfaitement adaptée aux circonstances, dans ce jardin où l’on pressurait les olives pour en extraire l’huile et dans lequel Jésus endura ses terribles épreuves qui broyèrent presque complètement son être.
Gethsémané n’était pas un jardin de fleurs, mais un verger ou un jardin d’oliviers; son emplacement présumé est conservé soigneusement et gardé par des moines franciscains. Il y a dans ce jardin des oliviers très vieux et un chêne antique. On suppose que ce jardin appartenait à un ami de Jésus; on présume que Jean-Marc, l’auteur de l’Evangile de St. Marc, était le jeune homme qui fut éveillé de son sommeil par le tumulte provoqué lors de l’arrestation de Jésus et qui suivait enveloppé d’un drap. — Marc 14: 51, 52.
Paroles d avertissement
Sur la route de Gethsémané, Jésus voulut faire comprendre à ses disciples qu’ils venaient d’entrer dans une période de crise intense; il leur cita la prophétie « Frappe le pasteur et que les brebis se dispersent »(Zach. 13 :7). Il leur fit voir clairement quel en serait le résultat, ils seraient mécontents, découragés, ils trébucheraient, ils seraient déconcertés et, ce à quoi ils ne s’attendaient pas, se produirait.
Pierre, avec une entière certitude de son dévouement au Seigneur, protesta contre ces paroles, assurant que rien de pareil n’était à craindre de lui, même si cette prédiction se réalisait à l’égard des autres disciples; quant à lui, il était prêt à mourir avec le Maître, plutôt que de le renier. Jésus l’avertit une fois de plus qu’il courait un grand danger. Pierre se confiait trop dans ses forces charnelles et ne regardait pas assez à Dieu en veillant dans la prière pour résister aux tentations. Tous les disciples se joignirent sans doute à la protestation de Pierre contre les paroles de Jésus; ils affirmèrent tous leur fidélité et se déclarèrent prêts à mourir. Combien peu ils se rendaient compte des dures épreuves par lesquelles ils allaient passer!
Il y a assurément dans ce texte une leçon pour tous ceux qui suivent Jésus aujourd’hui comme alors. Que nous soyons fermement décidés d’être fidèles à la cause du Seigneur jusqu’à notre dernier souffle, c’est très bien, car une telle décision est absolument nécessaire pour remporter la victoire; par contre, beaucoup de chrétiens commettent l’erreur de ne pas se rendre compte du degré d’intensité que peuvent atteindre les épreuves et les tentations et de ne pas comprendre la nécessité de l’appui céleste dans tous leurs besoins. L’apôtre nous dit « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Cor. 12 : 10); Paul veut certainement nous dire: Si je suis vraiment fidèle au Seigneur, je me rends compte de ma propre faiblesse, de mes lacunes, mais je suis fort parce que je m’appuie tout particulièrement sur le secours de Dieu, je veille, je prie et je suis ainsi armé contre les tentations.
A la fin de notre âge, dans les derniers jours de l’ère évangélique, l’Eglise de Christ aura certainement à traverser des épreuves analogues à celle de Gethsémané. Ceux dont la foi et la confiance dans le Seigneur sont fortes, ceux qui veillent et prient, de peur de succomber à la tentation seront préservés par ce moyen, ils surmonteront ces tentations et ces épreuves et seront victorieux. Notre Seigneur nous a avertis de la grande épreuve finale qui est proche, comme il a averti antérieurement Pierre et les autres apôtres de leurs épreuves futures. Faisons notre profit des expériences des apôtres contenues dans notre texte.
« Rempli de tristesse jusqu’a la mort »
Jésus laissa huit de ses disciples à l’entrée du jardin et pénétra à l’intérieur dans les parties ombragées avec Pierre, Jacques et Jean. Tous devaient veiller, être sur leurs gardes à l’égard d’un événement qui devait arriver, dont Jésus avait connaissance, mais que les apôtres considéraient comme peu probable. Ces derniers ne pouvaient comprendre les idées pessimistes du Maître, bien que toutes leurs sympathies lui fussent acquises.
D’ordinaire, ils allaient se reposer de bonne heure et il était déjà minuit. La tension d’esprit qu’ils avaient endurée ce soir-là, les impressionnantes leçons que le Maître leur avait données produisaient en eux une lourde somnolence, ils dormaient au lieu de veiller et prier; voilà à quoi en étaient réduits même les trois disciples les plus chers du Maître.
Désirant être seul dans sa communion avec son Père céleste, Jésus s’éloigna de quelques pas dans l’obscurité; à plusieurs reprises, dans les affres de l’agonie qui l’étreignaient, il vint auprès d’eux pour chercher un réconfort humain et il trouva ses disciples bien-aimés endormis. Le prophète avait parfaitement dit : « Nul homme d’entre les peuples n’était avec moi » (Es. 63 : 3). Il fut seul à fouler au pressoir de la douleur.
69 Décembre 1914
Ce ne fut qu’après avoir adressé ses exhortations à ses apôtres, après en avoir placé quelques-uns pour veiller à l’entrée du jardin que le Maître parut songer à lui-même et aux événements de la plus haute importance qui allaient se dérouler au cours des quelques heures qui suivirent. En quittant ses trois disciples favoris, il exhala la terrible oppression qui s’appesantissait soudainement sur lui en disant : « Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort ». Il éprouvait une sensation qui lui faisait désirer la mort à ce moment-là, pour ne pas affronter la crise suprême qui s’approchait de lui. Nous lisons qu’à ce moment-là il fut saisi de tristesse et d’une grande angoisse. Les termes grecs sont très énergiques, ils veulent dire profonde stupeur et angoisse amère, ils renferment également l’idée de solitude, d’ardent désir du retour à la maison paternelle, et d’un abandon de tous ses amis.
Cette sensation de profonde misère, de désespoir qui s’abattit soudainement sur le Seigneur persista un certain temps, car il alla prier son Père céleste par trois fois, demandant que cette coupe s’éloignât de lui, que cette terrible oppression qui lui broyait le cœur lui fût enlevée. Luc l’Evangéliste qui était un médecin, nous dît que l’agonie du Maître était telle qu’elle amena une sueur mêlée de caillots de sang. Bien que quelques anciens manuscrits ne parlent pas de cette sueur mêlée de sang cependant les médecins ont constaté que de semblables expériences se sont produites chez d’autres personnes en proie à de cruelles angoisses.
Quelle fut la cause de la tristesse du maître?
Quelle explication pouvons-nous donner de la terrible angoisse du Maître qui précéda sa mort, événement dont il avait connaissance et dont il fit part à ses disciples en déclarant aussi qu’il ressusciterait des morts le troisième jour? Pourquoi la pensée de la mort produisait-elle sur notre Rédempteur un effet plus terrifiant que sur nombre de ceux qui le suivirent, et que sur les humains en général?
Des centaines de martyrs ont subi des morts aussi terribles ou même plus terribles; des centaines d’entre eux ont fait preuve d’un grand courage, d’une grande fermeté en face d’une mort aussi effrayante. Comment pouvons-nous comprendre l’attitude du Sauveur et son ardente prière demandant que ce moment ou cette coupe s’éloignât de lui?
Si l’on veut se rendre compte de cette question et de la réponse qu’il convient d’y faire, rappelons-nous combien le Maître différait du reste de l’humanité. Une sentence de mort repose sur toute la création; nous savons tous que, pour chacun, la mort est une simple question de temps; nous savons également que l’action de la mort peut s’effectuer en quelques heures. Non seulement nous n’avons aucun espoir de nous soustraire à la mort, mais par le fait que l’humanité ne possède qu’un faible vestige de vie, ses facultés intellectuelles sont déjà plus ou moins obscurcies; nous sommes à des degrés divers téméraires, insouciants et d’une violence proportionnelle.
Il y a des soldats qui s’élancent dans la bataille faisant face à la mort instantanée sans l’ombre d’une crainte, il y a aussi des chevaux qui font de même; néanmoins, la plus grande manifestation de courage est celle qui est accomplie par ceux qui connaissent, qui comprennent, qui se rendent un compte exact de ce qu’ils font et qui éprouvent une grande crainte de la mort, qui malgré tout, vont de l’avant pour obéir aux commandements du devoir et de l’amour; Jésus fut un tel soldat, il comprenait la valeur de la vie et sa signification avec un degré d’exactitude qui n’avait été atteint par personne d’autre.
Jésus avait abandonné la gloire céleste, se dépouillant lui-même de la nature spirituelle la plus élevée, prenant en échange la nature humaine. En effet, l’homme avait péché et selon les plans et les dispositions de Dieu, Jésus devait mourir, lui juste pour des injustes, comme prix de la rédemption de l’homme, telle était la volonté du Père à son égard. Lui-même nous dit qu’il vint dans le monde dans ce but; cette pensée dirigea toute sa vie; il sacrifia cette vie jour après jour pour accomplir la volonté de Dieu et servir l’humanité. Au moment dont nous parlons, il était parvenu à la crise suprême.
Le Père céleste avait promis à notre Seigneur que, s’il était fidèle dans l’œuvre qu’il devait accomplir, il ressusciterait d’entre les morts par la puissance divine et serait élevé à une nature spirituelle d’un ordre supérieur à celle qu’il possédait auparavant. Jésus ne mit en doute ni la fidélité du Père ni sa puissance. Les dispensations et les promesses du Père étaient donc conditionnelles; ce n’est que si notre Seigneur accomplissait fidèlement son programme qu’il devait avoir part à une résurrection, à une vie d’une nature plus élevée. Si d’une manière quelconque, dans une mesure quelconque, Jésus avait péché, le châtiment du péché l’aurait frappé. «Tu mourras certainement. »
Pendant trois ans et demi, il avait consacré sa vie à Dieu pour accomplir la volonté divine. Pour lui, une seule question se posait : avait-il parfaitement accompli la volonté de Dieu, d’une manière complète et absolue, dans un esprit qui eût été agréable au Père céleste? En outre, il y avait ceci : pouvait-il, voulait-il affronter les épreuves des heures qui allaient suivre avec un courage, une foi et une obéissance véritables, ou bien allait-il échouer et se perdre entièrement dans la mort?
Il n’y avait pas d’avocat pour le maître
Nous voyons ainsi l’énorme différence qui existe entre la position où se trouvait le Maître et celle où se trouvent ceux d’entre nous qui cherchent à suivre ses traces. Nous n’avons rien à perdre, car toute notre race est condamnée à mort en outre, ceux qui suivent Jésus comprennent qu’il était le Fils de Dieu qui mourut pour nos péchés et dont les mérites servent à effacer nos imperfections, Si nous demeurons en lui et si nous désirons faire la volonté du Père.
Si, par contre, le Maître avait échoué, il n’y avait personne pour le racheter, son échec eût entraîné la mort éternelle; en outre il eût perdu toutes les bénédictions spéciales promises par Dieu pour récompenser sa fidélité. Il eût encore perdu le grand privilège d’accomplir l’œuvre du Père pour libérer l’humanité des liens du péché et de la mort par l’établissement du royaume messianique; en un mot, la vie éternelle et personnelle du Maître était déposée sur un des plateaux de la balance cette nuit-là à Gethsémané, ainsi que toutes ses perspectives de gloire, d’honneur, d’immortalité, d’élévation suprême à la droite du Père, bien au-dessus des anges, des autorités et des puissances.
Il n’y a donc rien d’étonnant si, à la pensée de toutes ces choses, le Maître était accablé; il ne faut pas s’étonner s’il désirait être sauvé, être préservé des malheurs spéciaux et des terribles épreuves qui l’attendaient quelques heures plus tard; ce qui contribuait assurément à accroître l’horreur de ses épreuves, c’est qu’il allait être traité comme un malfaiteur, un blasphémateur comme un ennemi de Dieu et de la justice.
De telles pensées n’ont que peu d’importance pour un cœur avili et dépravé, mais pour Celui qui était plein d’amour et de fidélité pour le Père, de telles choses devaient être terribles; lui qui s’était sacrifié entièrement, renonçant à sa gloire céleste à tous ses intérêts terrestres pour faire la volonté du Père et se voir considéré comme un blasphémateur, se voir crucifié comme un malfaiteur et un être nuisible! Quelle terrible épreuve ce dut être pour Jésus dont l’âme était noble et affinée, celui dont il est écrit qu’il était « saint, innocent, sans tache et séparé des pécheurs”.
Assurément cette ignominie était la chose pour laquelle
70 Décembre 1914
Jésus priait qu’elle s’éloignât de lui. Il ne pria pas d’être épargné par la mort, car il savait que c’était dans ce but qu’il était venu dans le monde, il savait que sa mort seule pouvait enlever la condamnation à mort reposant sur toute la race humaine. Il avait fait de nombreuses allusions à sa mort, il n’avait jamais songé à se dérober à la mort; il savait parfaitement que « la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu «. Il espérait toutefois que le Père aurait à sa disposition un moyen de lui épargner la grande ignominie de cette heure-là; cependant, même dans sa plus grande détresse, le Maître pria « Toutefois que ma volonté ne se fasse pas mais la tienne ».
Un réconfort venu du ciel
St. Paul nous dit que les épreuves du Maître à Gethsémané étaient empreintes d’un sentiment de crainte, non pas la crainte de mourir, mais la crainte de ne pas s’éveiller de la mort, la crainte de n’être pas trouvé digne par le Père d’avoir part à la glorieuse résurrection qui lui avait été promise s’il obéissait d’une manière parfaite. St. Paul dit : « C’est lui qui, dans les jours de sa chair, ayant présenté avec cris véhéments et avec larmes des supplications et des instances à celui qui pouvait le sauver de la mort [par la résurrection] et ayant été exaucé à l’égard de sa crainte » (Héb. 5 : 7). Il fut délivré de la crainte; le Père lui donna en outre l’assurance qu’il serait délivré de la mort.
Voilà donc comment on peut expliquer le texte disant qu’un ange de Dieu lui apparut dans le jardin, le réconforta, c’est à dire lui donna l’assurance qu’aux yeux du Père, il avait été fidèle jusqu’à ce moment-là, l’assurant en outre que les bénédictions de Dieu reposeraient sur lui à l’heure de l’épreuve prochaine. Dès cet instant jusqu’à la fin, toute crainte et toute angoisse furent bannies. Si, jusqu’à ce moment-là, il avait obtenu l’approbation dut Père et s’il avait l’assurance d’être accompagné des bénédictions et d’un sourire de Dieu, il pouvait affronter tout ce qui allait arriver. Pendant la fin de cette nuit-là et pendant le jour suivant, Jésus fut d’un calme suprême au milieu des épreuves les plus terribles. Il consola ceux qui pleuraient sur lui et il confia sa mère au fidèle Jean.
Nous constatons que ses disciples passèrent plus ou moins par des épreuves analogues à celles du Maître. Lorsque les disciples de Jésus ont l’assurance d’avoir obtenu le pardon de leurs péchés, l’assurance que le Père lui-même les aime, que sa grâce leur suffit et que la robe de justification du Rédempteur les recouvre, alors ils peuvent être courageux même si la mort les effraye.
Souvenons-nous qu’il y a une grande différence entre le Maître et ceux qui le suivent, car « nul homme d’entre les peuples » n’était avec lui; pour nous, par contre, c’est bien différent, le Maître est auprès de nous, il nous dit «je ne te délaisserai point, et je ne t’abandonnerai point. » Il y a en outre pour nous une communion d’esprit au sein des frères en Christ qui, par leurs paroles d’encouragement données chemin faisant pendant qu’ils veillent et prient avec nous, sont une source d’énergie lorsque nous sommes dans la détresse. Remercions le Seigneur pour toutes les dispensations et dispositions divines, marchons en avant vers notre Gethsémané, fermes dans la force que Dieu nous accorde par son Fils.