“Ma grâce te suffit”. Paul à Ephèse.

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Actes XIX. —

Paul avait visité Ephèse pour la première fois en quittant Corinthe pour se rendre à la fête (de Pâques) de Jérusalem; il n’y fit alors qu’un rapide passage en promettant aux Juifs, qui le priaient d’y prolonger son séjour, de retourner chez eux si Dieu le permettait. Il y revint en visitant d’abord Antioche, la Galatie, la Phrygie et les hautes provinces de l’Asie, fortifiant les disciples. C’est pendant ce temps qu’Apollos, Juif d’A­lexandrie, homme éloquent et bien au courant des Ecri­tures (c. à d. de l’Ancien Testament), s’arrêta à Ephèse. Il était fervent d’esprit et instruit dans la voie du Seigneur; mais, comme on dirait aujourd’hui, il ne voyait que jusqu’à la croix et ne connaissait que le baptême de Jean (lequel ne concernait que les Juifs) pour la rémission des péchés. Aquilas et Priscille, qui furent des premiers pour s’en réjouir, en humbles et chari­tables disciples du doux Maître, lui exposèrent plus exactement la voie de Dieu, le divin plan des âges, et cela non pas dans la synagogue à l’ouïe de tous les croyants, mais à part, chez eux: ils lui montrèrent probablement, ce qu’ils avaient appris de Paul, la signifi­cation plus importante du baptême de l’Esprit, dans la mort de Christ. etc.

St. Paul était engagé activement au service du Sei­gneur depuis deux ans et trois mois, prêchant la vérité à Ephèse surnommée la Porte, l’Oeil de l’Asie Mineure. Les versets 21—22 du ch. 19 nous montrent Paul sur le point de partir d’Ephèse pour Jérusalem. Déjà il en avait informé par Timothée et Eraste les églises précé­demment fondées par lui et qui se trouvaient sur sa route — leur faisant part d’une famine qui sévissait en Palestine et de son projet de faire une collecte parmi les croyants gentils pour l’apporter aux croyants juifs de Jérusalem, coassociés du seul et même corps de Christ. Mais la veille de son départ le Seigneur permît à l’Ad­versaire de déchaîner l’agitation et l’émeute contre la vérité et spécialement contre l’apôtre. «Toutes choses concourent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein” (Rom. 8 : 28). Aussi nous pouvons être sûrs que Dieu en prévit quelque résultat bienfaisant en autorisant cette persé­cution, sans quoi il l’eût empêchée.

La foi peut se reposer fermement en Lui, advienne que pourra.

Ephèse était une des plus grandes villes de ce temps. On peut en juger par la grande statue de «la Diane des Ephésiens”, l’une des «sept merveilles du monde” qui se tenait majestueusement à l’entrée du port — la

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déité d’Ephèse et même de toute l’Asie Mineure. Des milliers de pèlerins s’en venaient chaque année adorer cette déesse, pour recevoir d’elle une bénédiction spéci­ale laquelle à son tour croyaient-ils influencerait favo­rablement la prospérité de leur famille respective. C’est à sa bénédiction qu’ils attribuaient l’augmentation de leurs troupeaux et la naissance de leurs enfants. Diffé­remment des autres (vierges ou déesses), cette diane-ci était considérée comme la mère de toutes les choses vivantes, sa principale bénédiction était la fécondité. Il est donc compréhensible que le renom de cette grande idole attirât l’attention générale sur elle; ceux qui ne pouvaient aller lui rendre hommage à Ephèse se procuraient volontiers un portrait en miniature de son temple, une amulette en argent. La fabrication de ces petits temples augmenta dans la mesure ou le désir de ses bénédictions s’accrut parmi le peuple. Au temps de l’apôtre Paul il s’en faisait un commerce immense et des centaines, peut-être des milliers d’hommes étaient occupés à la fabrication de ces temples en argent de différentes grandeurs.

Un homme, Démétrius, était le chef ou représentant d’une corporation ou d’une union d’orfèvres: il s’exaspéra contre la propagande de l’apôtre et de l’Eglise primitive d’Ephèse et harangua tous les ouvriers du métier par un discours entraluant. Il leur dépeignit la grande prospérité de leur ville, due à cette idole et comment eux-mêmes ont prospéré grâce aux nombreuses représentations de son temple alors il leur fit voir aussi le revers de la médaille, combien vite cette prospérité s’évanouira, s’ils continuent à tolérer plus longtemps la prédication du chrétien Paul. Il leur rappela que cette nouvelle religion, opposée à l’adoration de Diane ne se répandait pas seulement à Ephèse, mais qu’elle prenait pied dans toute l’Asie Mineure, et gagnait des gens desquels on pourrait espérer des commandes de petits temples. Tout en leur l’appelant leur devoir de soutenir la religion traditionnelle de leur ville, il sut y lier habilement le fait qu’il y allait en même temps de leur bourse. Ce sont les plus puissants arguments pour exciter la masse du peuple et il n’en fallait pas plus, soyons-en sûrs, pour susciter des préjugés parmi les Ephésiens et provoquer un rassemblement tumultueux. Toute la ville se sentit attaquée dans ses intérêts les plus immédiats: la religion et la prospérité mondaine.

Nul doute que Satan ne fut l’instigateur de cette émeute générale, comme si déjà s’en était fait de la religion et de la prospérité d’Ephèse. La demeure de Paul était connue, aussi la concentration se fit-elle de ce côté, la foule chercha le principal auteur de la dé­tresse qui allait les engloutir, heureusement, par les soins de la Providence, Paul était absent. Aquilas et Priscille s’y trouvaient, mais quoiqu’ils ne fussent pas arrêtés, on peut en inférer qu’ils restèrent jusqu’au bout fidèles à l’apôtre et à la sainte cause. Paul, les men­tionnant plus tard, dit qu’ils ont exposé leur tête pour sauver sa vie (Rom. 16 : 4). En gens paisibles et tra­vailleurs, domiciliés à Ephèse ils ne furent pas autre­ment inquiétés, mais deux compagnons de voyage de Paul, Gaïs et Aristarque, trouvés dans sa demeure, furent amenés par la foule qui les traîna au théâtre. Ce théâtre ou cette place pour assemblées publiques, si nous sommes bien informes, contenait 56,000 per­sonnes; c’est une preuve qu’Ephèse était une très grande ville. St. Paul mis au courant du tumulte, si on l’avait laissé faire, se serait courageusement jeté dans la mêlée pour défendre ses amis et surtout la cause de son Maître; mais des conseils plus sages prévalurent et il s’abstint de paraître. Les frères, et même quelques magistrats amis, jugèrent que la présence de Paul serait plutôt nuisible devant un peuple mis dans un tel état de surexcitation et Paul fut d’accord avec eux voyant que c’était le meilleur et le plus sage parti à prendre.

Le Seigneur n’oublia pas, cependant, les deux frères arrêtés, Gaïus et Aristarque. Le secrétaire de la ville vint à leur aide et avec de sages paroles dispersa la foule. Ce fonctionnaire ne s’intéressait pas à l’Evangile de Christ, mais il était anxieux de remplir ses devoirs en tant que conseiller de la ville. il fit voir à la mul­titude qu’elle s’était affolée pour rien, qu’eux et tout homme connaissaient la grandeur de la Diane d’Ephèse et qu’un ou plusieurs Juifs ne pouvaient nuire à sa renommée universelle. Cela étant, ils devaient se cal­mer, poursuivit-il, et ne rien faire avec précipitation, qu’ils avaient amené ces hommes qui ne sont ni des voleurs de temples, ni des blasphémateurs de la déesse. Si donc Démétrius et ses ouvriers ont à se plaindre de quelqu’un, qu’ils s’appellent en justice les uns les autres.

Il y a le tribunal pour ces sortes de choses. En d’autres termes, mêlons-nous de nos propres affaires et ne nous laissons pas émouvoir plus qu’il ne convient par des paroles téméraires, il conclut en leur disant que, s’il y a des assemblées légales, celle-ci ne se justifie pas et que si on rapportait cela au gouvernement de Rome c’est ce qui ferait le plus de tort à leur ville et à leur industrie. Après ces paroles il put congédier l’assemblée.

Principes et manque de principes.

Remarquez le contraste entre la conduite des auteurs de l’émeute et celle des hommes qui (versets 13 à 19) s’occupaient de spiritisme et d’arts magiques, ici plusi­eurs personnes convaincues d’avoir pratiqué la sorcellerie et des oeuvres en collaboration avec des puissances dé­moniaques apportèrent leurs livres d’arts magiques et les brûlèrent publiquement, suite logique de l’influence de l’Evangile sur leur coeur. Non seulement ils cessèrent d’exercer l’art magique et de se servir encore de livres spirites, mais ils refusèrent de les vendre à d’autres de peur de leur faire du tort. Volontiers et joyeusement une fois convaincus de péché ils souffrirent une perte financière et le mépris de leurs concitoyens, plutôt que de nuire encore à autrui. Les principaux auteurs de l’émeute, par contre, furent par leur amour de l’argent portés à une conduite folle et tumultueuse — le prin­cipal mobile de leur protestation n’était pas la défense de la religion, mais la peur de perdre quelque chose, ils étaient avides de richesses. Le culte de cette déesse engendrait la débauche et la démoralisation. Nous voyons donc le grand contraste entre ceux qui, pour un vil gain, provoquèrent l’émeute afin de perpétuer l’idolâtrie et la sensualité, et ceux qui à l’inverse étaient prêts non seulement à sacrifier des biens terrestres plutôt que de faire du mal, mais pour faire d’autant plus de bien. Il y a vraiment une puissance merveilleuse dans la religion de Jésus notre Rédempteur!

52 Janvier 1910

Remarquons que l’apôtre et ses collaborateurs furent accusés injustement d’avoir blasphémé la déesse d’E­phèse. Nous pouvons tirer de cela une leçon pratique pour nous. St. Pierre (1 P. 4: 15) dit: ” Que nul de vous, en effet, ne souffre comme meurtrier, ou voleur, ou malfaiteur, ou comme s’ingérant dans les affaires d’autrui.» Il n’était pas nécessaire pour Paul de dire un mot déplacé contre la Diane ou contre ceux qui lui rendaient un culte; il avait pour commission de prêcher la Bonne Nouvelle de grande joie et non pas de se quereller avec de faux dieux et de fausses adorations. Il fut donc persécuté pour la justice. Ainsi point n’est besoin pour nous de dire un seul mot désobligeant contre nos amis dans Babylone. Ce n’est pas notre affaire de railler leurs systèmes et doctrines. Laissons les mul­tiples grandes et petites dénominations religieuses pour ce qu’elles sont. Nous avons assez de besogne à prêcher l’Evangile du Royaume. Bien entendu. Paul ne manqua pas d’attirer l’attention sur le fait que la Diane d’E­phèse n’était point d’origine divine qu’elle était tout simplement un chef d’oeuvre humain. Nous pouvons de même montrer à nos frères et amis qu’il n’y a qu’une seule véritable Eglise, celle organisée par notre Seigneur et établie à la Pentecôte, et que toutes les autres églises sont tout bonnement des systèmes humains. Ne nous mêlons pas de ce qui s’y dit et s’y fait. Laissons les systèmes religieux de côté et ne disons du mal de per­sonne. Particulièrement laissons tranquilles ceux qui dans le mérite rédempteur de la mort de Christ recon­naissent le fondement du christianisme ou qui au moins enseignent et favorisent la moralité. L’heure divinement arrêtée vient où, selon les Ecritures, toutes les choses ébranlables seront ébranlées et disparaîtront dans le grand «temps de détresse». Nous avertissons et mettons en garde les gens contre ce mauvais jour, de se repentir de rechercher l’humilité et la justice: «peut-être (s’ils écoutent), seront-ils épargnés au jour de la colère de l’Eternel» (Soph. 2 3). Le Seigneur a eu sans doute un but précis en permettant au sectarisme de tant se développer, et en autorisant les gouvernements des na­tions à régner jusqu’à la fin des «temps des nations». Ne nous opposons donc pas à l’accomplissement des desseins de Dieu. Contentons-nous d’accomplir notre mission d’assister les frères, les édifiant dans la très sainte foi et racontant la «bonne nouvelle» aux humbles et à ceux qui désirent écouter.

L’écharde de Paul et les guérisons.

Quand l’apôtre Paul, rendu aveugle par la lumière resplendissante lors de sa conversion, finalement obtint l’absolution du Seigneur et jusqu’à un certain point la restitution de sa vue, il supporta, il n’y a pas de doute, avec patience la faiblesse continue de ses yeux, considé­rant cela comme châtiment de sa course opposée au Christ (à l’Oint) et de ses persécutions envers le corps de Christ: l’Eglise. Ce qui lui resta comme maladie des yeux aida certainement l’apôtre à reconnaître très distinctement combien sont proches et serrés les liens de parenté entre l’Eglise et son Seigneur, comme mem­bres du seul et unique sacrifice, dont l’intimité nous est révélée par ses mots: «Pourquoi me persécutes-tu»

Toutefois, lorsque après des mois et des années il constata que sa vue continuait à rester défectueuse et à lui créer maintes difficultés, il s’étonna naturellement que le Seigneur puisse permettre indéfiniment une maladie aussi gênante. Il savait fort bien que pour Dieu c’était une petite chose de lui restaurer parfaitement la vue. Il avait des preuves continuelles de la puissance divine de guérison. Voyez versets il et 12 où il est dit: «Et Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul au point qu’on appliquait sur les malades des linges ou des mouchoirs qui avaient touché son corps, et les maladies les quittaient et les esprits malins sor­taient.» Il put même s’être dit que Dieu désirait qu’il en arrive au point de demander humblement lui-même l’éloignement de son infirmité.

St. Paul nous dit que par trois fois il pria le Seigneur de lui enlever cette écharde. Il y a ici un point qu’il semble n’avoir pas discerné, du moins à ce moment-là, c’est que la guérison de ses yeux ferait partie des nombreuses bénédictions de rétablissement (Actes 3: 19-21). Mais Paul, comme tous ceux d’entre nous qui sont appelés à la nature divine, a été élu de Dieu non pour avoir son humanité rétablie, mais pour la sacrifier: «Je vous exhorte donc, frères, par les com­passions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, votre culte raisonnable” (Rom. 12: 1). Constatant que par lui des bénédictions de Dieu passaient à d’autres, il s’étonna au premier abord qu’il n’y en eut pas pour lui-même. Il fallait qu’il apprit que les dons à lui conférés sont pour le monde et non pour les saints consacrés. Apprenons de même que si le Seigneur permettait que nous revenions sur notre résolution ou voeu de consécration cette funeste décision entraînerait la perte des faveurs et bénédictions spirituelles que Dieu nous accorde si nous sacrifions des choses terrestres.

Si les prières que l’apôtre faisait pour sa guérison avait été exaucées cela n’aurait pas été bon pour lui. Aussi ne guérit-il pas. Il est vrai que le Seigneur en a exaucé d’autres dans des cas semblables, qui ne con­nurent mieux que d’implorer pour de telles miséricordes. Pour le grand apôtre. Cependant, la chose était différente. Comme Jésus, Paul fut appelé à servir d’exemple au petit troupeau et ainsi il ne convenait pas que sa de­mande lui fut accordée. Cela devait servir de leçon non seulement à Paul, mais à tous ses frères de l’âge de l’Evangile.

Dieu savait dans son omniscience que l’écharde mise dans sa chair devait servir à son développement spiri­tuel. Néanmoins il fut exaucé et béni d’une autre ma­nière. Il reçut de Dieu d’autant plus de grâce, de puissance et d’endurance, c’était beaucoup plus utile à Paul. Nous ne savons pas et Paul ne le savait peut-être pas mieux combien cette infirmité était nécessaire pour le maintenir dans l’humilité au service du Seigneur. C’est à ce point de vue que nous pouvons comprendre comment Paul, à qui, certes, la foi ne faisait pas défaut, pouvait être l’instrument honoré pour la guérison de plusieurs personnes, mais pas pour la sienne propre ni celle de ses disciples les plus immédiats. — Par exemple il laissa Trophime malade à Milet, Epaphrodite ne fut pas guéri à cause des supplications, mais par pitié et aussi pour que Paul n’ait pas tristesses sur tristesses.

53 Janvier 1910

A Timothée, Paul conseilla un remède naturel. Nous pouvons en effet nous servir des connaissances, des lu­mières et des moyens que Dieu met à notre portée pour notre santé et ne pas en abuser, le Seigneur fait et fera le reste, selon qu’il le trouve bon. Ayons cette pleine confiance en Lui, et disons avec le grand apôtre:

«Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance du Christ repose sur moi.» — 2 Cor. 12 : 9.